lundi 13 février 2006

1072 - le ralliement

... rien ne semblait a priori plus irréconciliables que les positions britanniques, russes et américaines quant au sort à réserver aux principaux criminels de guerre nazis.

Pourtant, dès le 22 octobre 1944, les Soviétiques se rallièrent à la position américaine. Les Français en firent de même en avril 1945. Le 3 mai suivant, ce fut au tour des Britanniques qui, jusque-là, n'avaient pourtant cessé de mettre en avant les difficultés que rencontrerait l'organisation d'un tel procès, et donc la nécessité de plutôt procéder par exécutions sommaires.

Si le Cabinet de Guerre britannique voyait "toujours des objections à un procès en bonne et due forme pour les plus importants criminels de guerre dont les crimes n'ont pas de localisation géographique", il affirmait néanmoins que "si les deux grands Alliés restent convaincus de la nécessité d'un procès, nous acceptons leur position" (1)

Que s'était-il donc passé ?

En gros, l'exécution sommaire de Mussolini par les partisans italiens, suivie peu de temps après par le suicide Hitler, de Goebbels et de plusieurs hauts dignitaires nazis, dont Himmler (2), avait en partie levé la principale objection britannique à la tenue d'un procès.

Et puis, surtout, l'après-guerre qui se préparait apparaissait dores et déjà comme un triomphe américain. Dans une Europe ruinée, l'empire britannique en haillons n'avait plus vraiment les moyens d'imposer son point de vue à Washington, et était au contraire demanderesse de toute l'aide américaine possible, en particulier face aux appétits de moins en moins dissimulés de Joseph Staline.

Plus question donc de la proposition britannique visant à liquider sommairement une poignée de très hauts dignitaires nazis, ni de celle, soviétique, d'organiser des procès spectacles à l'intention de milliers d'accusés allemands : place au procès international américain, et même au procès international articulé selon les critères définis par Bernays et Stimson en septembre de l'année précédente.

Place donc au procès des "organisations" et au "complot contre la Paix".


(1) Annette Wieviorka, Le Procès de Nuremberg, page 18
(2) 60 ans après, le suicide de Heinrich Himmler, alors prisonnier des Britanniques (23 mai 1945) reste sujet à polémiques. Beaucoup continuent en effet d'y voir la volonté du gouvernement britannique d'épargner un procès public au chef de la SS et numéro deux du régime nazi...

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