dimanche 12 février 2006

1071 - la position américaine

... après beaucoup d'atermoiements, et à mesure que la victoire s'approchait en Europe, Alliés occidentaux et soviétiques finirent par s'entendre sur le sort à réserver aux criminels de guerre allemands.

Au terme de la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943, les "petits criminels", les exécutants, tous ceux ayant commis leurs forfaits à l'intérieur d'un pays bien déterminé - c-à-d l'écrasante majorité des Allemands susceptibles de passer en jugement - seraient, s'ils étaient capturés, livrés par chaque signataire de la Déclaration aux autorités de chaque pays où leurs crimes avaient été perpétrés,... à charge pour elles de les juger selon leurs propres lois, et de leur appliquer le châtiment qu'elles estimeraient nécessaire mais qu'on espérait du moins à peu près légal et plus ou moins respectueux des Droits de la Défense.

Quant aux autres, les "majors" ou "grands criminels", ceux dont les crimes ne revêtaient aucun critère de rattachement géographique particulier, ils seraient "punis en vertu d'une décision commune des gouvernements alliés". Restait évidemment à définir la nature de cette "punition" et, surtout, à dresser la liste de ces "grands criminels" et la nature des faits qui leur seraient reprochés.

Les Britanniques souhaitaient une liste très courte - une dizaine de noms au maximum - et étaient partisans sinon d'une exécution sommaire, du moins d'un processus très largement extra-judiciaire, lequel aboutirait obligatoirement à une condamnation à mort rapide. Sans surprise, les Russes réclamaient au contraire l'inculpation de centaines voire de milliers de personnes, et la tenue de procès-spectacles aboutissant à un fort grand nombre de condamnations à mort.

Les Américains hésitaient, tenaillés entre les partisans d'un Henry Morgenthau réclamant démembrement total de l'Allemagne et kyrielle d'exécutions sommaires, et ceux d'un Henry Stimson - Secrétaire d'État à la Guerre - tenant d'une approche plus raisonnée, où les États-Unis participeraient "à une sorte de tribunal international, lequel accuserait les principaux criminels de guerre nazis de crimes "contre le Droit de la Guerre" en ce qu'ils avaient commis des cruautés gratuites et inutiles en relation avec la poursuite de la guerre" (1)

En septembre 1944, Murray Bernays, adjoint de Stimson, rédigea alors un document sur le "Procès des criminels de guerre européens", qui allait finir par devenir la position officielle américaine. Par rapport au procès - purement politique - de Leipzig en 1921, qui s'était terminé par un redoutable fiasco, Bernays entendait poursuivre non pas seulement des individus déterminés, mais aussi des "organisations" - comme la SS ou la Gestapo - qui, à l'instar des individus, seraient également accusées de complot criminel.

"Il ne serait pas nécessaire d'accuser chacun de leurs membres, mais uniquement des "individus représentatifs". Une fois l'organisation jugée et condamnée, chaque membre pourrait être jugé en tant que complice d'un crime et avoir droit à un procès sommaire organisé par les Alliés" (2)

(1) Gellately, page 11
(2) ibid, page 13

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