samedi 11 février 2006

1070 - le plan Morgenthau

... pour compenser les pertes subies, et empêcher l'Allemagne de se relancer de sitôt dans une nouvelle guerre, Staline entendait non seulement désindustrialiser les zones placées sous son occupation, et en exporter les machines vers l'URSS - ce qu'il fit - mais aussi obtenir quatre millions de travailleurs allemands qui s'en iraient reconstruire l'URSS pour une durée indéterminée - ce qu'il réalisa en partie, notamment grâce aux prisonniers de guerre, dont les derniers survivants ne furent autorisés à revenir en Allemagne qu'en 1954, près de dix ans après la fin des hostilités.

Staline avait son pendant de l'autre côté de l'Atlantique. Il s'appelait Henry Morgenthau. Il était Secrétaire au Trésor et vedette des médias.

On a souvent affirmé que l'animosité de Morgenthau envers l'Allemagne nazie, et le sort qu'il lui réservait pour l'après-guerre, tenait au fait qu'il était juif, donc revanchard. Mais Morgenthau était surtout Américain, donc pragmatique et résolu à voir grand, et même trop grand.

Comme beaucoup d'autres, Juifs ou non, Américains ou pas, Morgenthau considérait que le Traité de Versailles de 1919, loin d'avoir réussi à désarmer l'Allemagne, l'avait au contraire poussée à se replonger au plus vite dans une nouvelle aventure guerrière destinée à venger l'affront. Pour en finir une bonne fois pour toutes avec le militarisme allemand, pour empêcher l'Allemagne de jamais être en mesure de repartir en guerre, Morgenthau se proposait ni plus ni moins de la morceler et de la convertir en nation strictement agricole, après avoir exécuté sommairement les dirigeants nazis sur une échelle que n'aurait certes pas reniée Staline lui-même.

Lorsqu'il rencontra Morgenthau à la seconde Conférence de Québec, en septembre 1944, Churchill fut consterné par un tel plan, qu'il qualifia de "unnatural, un-Chretian and unnecessary". "Je considère le plan Morgenthau avec autant d'enthousiasme, déclara-t-il, que si je me liais moi-même les poignets à un Allemand mort" (1)

Le plan Morgenthau avait pourtant ses partisans, en particulier chez Roosevelt lui-même, mais il déclencha rapidement une telle polémique (2), y compris au sein du gouvernement américain, qu'il fut bientôt abandonné et Morgenthau lui-même contraint à la démission après la mort de Roosevelt et la nomination de Harry Truman en tant que Président des États-Unis.

Un Truman qui allait bientôt devoir organiser un procès d'une ampleur et d'une importance jamais vue jusqu'alors

(1) Irving, page 37
(2) les ministres britannique Anthony Eden et américain Cordell Hull étaient en particulier convaincus qu'un tel plan ne pourrait mener l'Allemagne qu'à la famine

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