vendredi 10 février 2006

1069 - la Loi du Lynch

... le ralliement final de Staline à un processus judiciaire destiné à châtier les criminels de guerre allemands ne voulait certes pas dire que le Petit Père des Peuples entendait pour autant renoncer aux charmes pour le moins expéditifs de la Justice russe traditionnelle.

Comme le souligne Irving, dès le 16 décembre 1943, les Russes "mirent sur pied un tribunal chargé de poursuivre pour crimes de guerre trois officiers allemands capturés à Stalingrad et accusés de l'assassinat de civils russes au moyen de camions à gaz. Le procès se termina après seulement trois jours par autant de condamnations à mort. Les trois officiers furent exécutés dans un square public de Kharkov devant 40 000 spectateurs. Les Russes en tirèrent également un reportage morbide dont le message - "les procédures judiciaires soviétiques" - ne fut pas perdu par Robert H Jackson [procureur général américain à Nuremberg] lorsqu'il le vit en compagnie des membres de son équipe nouvellement formée, le 17 mai 1945 (...) en termes diplomatiques, il le traita de "très intéressante illustration de la manière russe de démontrer l'accusation par les accusés eux-mêmes", c-à-d par des confessions arrachées sous la torture, pour lesquelles les tribunaux soviétiques étaient depuis longtemps réputés" (1).

Ironiquement, bien que très attachés au "Bill of Rights", et considérant avec dédain les procédures russes, les Américains, et mêmes les Britanniques, n'étaient pas opposés par principe à l'exécution sommaire de certains criminels de guerre allemands.

A la Conférence de Québec, un communiqué de Roosevelt et Churchill rappela notamment que pour les "grands criminels tels que Hitler, Himmler, Goering et Goebbels (...) en dehors des redoutables difficultés auxquelles on se heurterait pour constituer la Cour, formuler l'accusation et réunir les preuves, la question du sort [de ces accusés] est d'ordre politique, et non pas judiciaire. On ne saurait abandonner à des juges, si éminents ou avertis soient-ils, le soin de trancher en dernière instance une affaire comme celle-ci" (2)

(1) Irving, pp 34-35
(2) Gellately, page 11

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