jeudi 9 février 2006

1068 - le toast de Staline

... réunis à la Conférence de Téhéran, en novembre 1943, Staline, Churchill et Roosevelt abordèrent tout naturellement la question du sort à réserver après la guerre aux criminels de guerre allemands.

Lors d'un toast, le 29 novembre, Staline, annonça son intention d'empêcher toute résurgence du militarisme allemand "dans les 10 ou 15 ans après la guerre", et proposa tout de go... de "liquider physiquement de 50 000 à 100 000 officiers allemands". Churchill s'empourpra aussitôt. "Je préférerais, s'exclama-t-il, qu'on m'emmène immédiatement dans le jardin et qu'on me fusille plutôt que de me soumettre moi-même et mon pays à une telle infamie !". Sur un ton badin, Roosevelt proposa alors de ramener le nombre d'officiers allemands à exécuter à "seulement 49 000" (1). Ulcéré, Churchill quitta alors la pièce, poursuivi par un Staline goguenard, lui assurant qu'il ne faisait que plaisanter.

Soixante ans plus tard, la question de savoir si Staline souhaitait seulement provoquer le Premier Ministre britannique, ou s'il pensait réellement ce qu'il disait, continue de diviser les historiens. David Irving, qui penche plutôt pour la première hypothèse, fait par exemple remarquer que le dictateur soviétique ne cessa par la suite de réclamer la tenue d'un procès international. D'autres soulignent au contraire que le précédent de Katyn - où l'armée rouge, sur ordre de Staline, exécuta des milliers d'officiers polonais - accrédite plutôt le sérieux de la proposition du "Petit Père des Peuples".

Quoi qu'il en soit, et même si les "trois Grands" se rallièrent par la suite à l'idée du procès, Churchill ne put s'empêcher, dans une communication au Foreign Office datée d'avril 1944 sur le sort réservé à l'Allemagne d'après guerre, de noter que "(...) comme je l'ai souligné, les termes [de la reddition allemande] ne sont pas de nature à les rassurer [les Allemands] si on les examine en détails (2). A Téhéran, aussi bien le Président Roosevelt que le Maréchal Staline ont proposé de démembrer l'Allemagne en morceaux plus petits que ceux que j'avais en tête. Staline a parlé de vastes exécutions de plus de 50 000 officiers et cadres de l'État-major (...) Il a déclaré qu'il réclamerait 4 000 000 de travailleurs allemands pour une durée indéterminée afin de reconstruire la Russie. Nous avons promis aux Polonais qu'ils obtiendraient des compensations [territoriales] en Prusse orientale et, s'ils le désirent, jusqu'à l'Oder. Il y a également de nombreux points impliquant la ruine [économique] de l'Allemagne et la mise en place pour une durée indéterminée de mesures destinées à l'empêcher de redevenir une puissance militaire" (2)


(1) cité notamment par Irving, "Nuremberg, the last battle", page 33. Elliott Roosevelt, qui accompagnait son père, parle de "49 500"
(2) nombreux sont d'ailleurs ceux qui considèrent que la divulgation des plans alliés pour démembrer l'Allemagne de l'après-guerre prolongea en réalité celle-ci de plusieurs mois, en persuadant soldats et officiers allemands de l'impérieuse nécessité de tenter l'impossible - et donc de résister jusqu'au bout - pour épargner à leur patrie un sort aussi funeste...

(3) Irving, page 34

Aucun commentaire: