mercredi 8 février 2006

1067 - la déclaration de Moscou

... le 30 octobre 1943, à Moscou, Anthony Eden, Cordell Hull et Vyacheslav Mikhailovich Molotov signent une déclaration engageant conjointement les gouvernements britannique, américain et russe.

Dans cette déclaration, dite "de Moscou", apparaît pour la première fois la distinction - capitale - entre deux types de criminels de guerre allemands : les principaux ("majors") qui, s'étant rendus coupables de crimes dans différents pays "doivent être punis en vertu d'une décision commune des gouvernements alliés" (et conformément à un "droit international" que définiront ces derniers), et ceux - si l'on ose dire plus "ordinaires" - qui, ayant commis leurs crimes dans un seul pays, "seront ramenés sur la scène de leurs crimes et jugés par les peuples auxquels ils avaient attenté" (et selon les lois ordinaires alors en vigueur dans le dit pays)

Comme on le voit, ce double standard de jugement ne repose nullement sur la gravité ou l'ampleur des faits reprochés aux accusés, mais uniquement sur un critère géographique par ailleurs fort discutable. La "Déclaration de Moscou" associe en effet automatiquement la transnationalité des crimes à l'existence de "hautes responsabilités" dans le chef du criminel, alors que des crimes souvent bien plus atroces, mais limités à une aire géographique précise, seront réputés être le fait de vulgaires exécutants.

Dans ce contexte, et parce que ses appels à la haine raciale transcendaient les frontières, un propagandiste comme Julius Streicher - qui physiquement n'a jamais tué personne ni organisé la déportation ou la mort de quiconque - devra être jugé et condamné par un tribunal international, alors qu'un commandant de camp d'extermination comme Rudolf Höss - qui à Auschwitz a pourtant personnellement organisé ou assisté à la mort de plus d'un million de Juifs - devra au contraire être jugé par les autorités civiles ou militaires du pays où son camp se trouvait établi.

Assurément nécessaire pour des raisons purement organisationnelles - on ne peut juger tout le monde ni tout le monde au même endroit - cette distinction entre "grands" et "petits" criminels n'en paraît pas moins, dès le départ, fortement arbitraire et va lourdement contribuer à alimenter, dans les années qui suivront, la controverse entre ceux qui considéreront Nuremberg comme l'ébauche d'une justice internationale dépassionnée, et ceux qui continueront à n'y voir que la pure et immémoriale vengeance du vainqueur sur le vaincu.

Ce n'est hélas que le début de la polémique...

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