lundi 6 février 2006

1065 - Justice ou Vengeance ?

... aussi brutal fut-il par moments, le traitement infligé aux prisonniers de la Wehrmacht, et même à ceux de la SS, eut sans doute semblé paradisiaque aux innombrables supplétifs et collaborateurs étrangers qui s'étaient mis au service du Reich à présent défait.

Dans toute l'Europe libérée, citoyens ordinaires, vrais ou faux résistants, et même membres des forces armées, rivalisaient en effet d'ardeur pour traquer et punir ceux et celles qui, selon eux, avaient trahi la Patrie et pactisé avec l'Occupant. L'ampleur et la gravité de ces règlements de comptes variaient énormément selon les moeurs locales, la gravité des faits reprochés aux accusé(e)s, ou simplement l'humeur du moment. Des femmes étaient tondues et des hommes roués de coups en place publique, d'autres étaient simplement abattus sur le pas de leur porte, ou exécutés dans un bois ou un terrain vague au terme d'un vague simulacre de procès.

Dans cette Europe où tout était à reconstruire, il fallut des mois pour que les tribunaux puissent se remettre à fonctionner à peu près normalement, et pour qu'ils soient enfin en mesure de juger et de condamner les accusés avec un minimum de formalisme. Mais même organisés au sein d'une salle d'audience plutôt qu'improvisés au bout du canon, les jugements rendus n'en conservaient pas moins une très large part d'arbitraire, dictée par l'émotion et la colère ainsi que par une foule qui réclamait davantage Vengeance que Justice.

En vérité, sur les milliers d'exécutions judiciaires ou extra-judiciaires ordonnées dans l'immédiat après-guerre, beaucoup - et probablement la plupart d'entre elles - n'auraient jamais été rendues si les accusés avaient réellement pu bénéficier d'un procès équitable, d'avocats compétents, et d'auditions basées sur des faits et des preuves plutôt que sur des rumeurs et des rancoeurs. Si l'on a coutume de dire que l'Histoire est toujours écrite par les vainqueurs, on se doit alors d'admettre que la Justice qui fut rendue à l'époque souffrait du même syndrome, et que les décisions qu'elle prit alors ne résisteraient sans doute pas à l'examen des tribunaux modernes.

C'est du moins l'argument de tous ceux qui, depuis 60 ans, contestent la légalité et les conclusions du Tribunal de Nuremberg...

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