samedi 4 février 2006

1063 - Nuremberg avant Nuremberg

... comme 5 000 autres Juifs, Moshe Travor servait dans la Brigade juive de l'armée britannique, une unité constituée en 1944 et placée sous le commandement du général juif canadien Ernest Benjamin. Comme il fallait s'y attendre, la découverte des atrocités nazies à l'endroit de leurs coreligionnaires les incita à donner une dimension particulière à leur "devoir de soldats".

"Nous étions en colère, raconta Moshe Travor (1), et beaucoup parmi nous pensaient que ça ne suffisait pas de participer à la guerre". S'étant procurés des listes d'Allemands suspectés d'avoir trempé dans le massacre de Juifs, et après avoir maquillé leurs véhicules et endossés des brassards de la Police Militaire britannique, Moshe et nombre de ses camarades décidèrent alors de faire Justice eux-mêmes, en se rendant au domicile des intéressés afin de les emmener pour "interrogatoires"

"Ils n'étaient pas trop méfiants, parce qu'ils ne savaient pas que nous étions de la Brigade juive (...) Nous emmenions le type et il ne résistait pas. Et à compter de ce moment-là, il ne voyait plus rien. Il ne revoyait plus sa maison".

Au terme d'un simulacre de procès où "peut-être on lui laissait une chance de dire quelques mots", le prisonnier était condamné et exécuté. "Notre méthode consistait à l'étrangler (...) C'est pas que j'étais content de le faire mais je l'ai fait (...) Je ne dis pas que j'étais indifférent, mais j'étais calme et tranquille, et j'ai fait mon travail. Vous pouvez même me comparer aux Allemands, parce qu'eux aussi, ils faisaient leur travail". Pour faire disparaître le corps, "on se rendait dans un coin choisi à l'avance. On attachait quelque chose de lourd à ses pieds - une pièce de moteur par exemple - avant de le jeter dans une rivière"

Bien évidemment, pareille procédure ne s'embarrassait guère de la recherche de preuves : "Il y avait des gars qui faisaient les choses spontanément. On avait un frère ou une mère qui avait été tué. Alors, quand on était en Allemagne ou en Autriche et qu'on voyait un Allemand à bicyclette, le chauffeur lui roulait tout simplement dessus" (2)...

(1) qui, en 1961, participa à la capture d'Adolf Eichman en Argentine et à son exfiltration vers Israël
(2) Rees, Auschwitz, page 362 à 364

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