jeudi 2 février 2006

1061 - Allemagne, année zéro

... en novembre 1918, l'Allemagne, qui n'avait pour ainsi dire subi aucun dommage sur son sol et combattait encore à l'extérieur de ses frontières, avait accepté non pas une capitulation, mais bien un simple armistice.

En visitant l'Allemagne, quelques semaines plus tard, le général Fayolle écrivit, de manière prémonitoire, "Le pays ne donne pas l'image d'un peuple vaincu. Tout respire l'ordre, la prospérité, la richesse. L'Allemagne n'est pas du tout épuisée. Si on la laisse libre, elle pourra recommencer la guerre dans dix ans, et même avant" (1)

Tous les efforts des Alliés tendirent dès lors à arracher sur le papier, à Versailles, la victoire que leurs armées n'avaient pu obtenir sur le terrain, en Allemagne. L'abdication de l'Empereur Guillaume II, et la période de grande instabilité politique qui s'ensuivit, leur permit d'interdire l'aviation allemande, de liquider sa marine de guerre, de rendre l'Allemagne seule responsable du conflit, et donc de la condamner à verser de colossales "indemnités de guerre" qu'elle était
par ailleurs bien incapable de payer.

Pour les Allemands, qui ne s'estimaient nullement battus, le Traité de Versailles fut immédiatement ressenti comme une humiliation et une effroyable iniquité, dont ils entendaient bien se venger le plus rapidement possible. Hitler et les Nazis n'eurent en vérité aucune peine à prospérer sur un terreau aussi fertile, à en rendre les Juifs responsables, et à précipiter une nouvelle guerre mondiale destinée à laver l'affront.

Faute d'avoir réussi à convaincre les Allemands de leur victoire, et de la justesse de leur cause, les Alliés s'étaient donc condamnés à repartir en guerre à peine 20 ans après celle qu'ils avaient pourtant présentée comme "la dernière".

En 1945, en revanche, l'état des lieux ne souffrait plus aucune discussion. Sur le plan matériel, l'Allemagne était bel et bien vaincue, son armée brisée et emprisonnée, sa population réduite à la mendicité, ses villes et ses usines transformées en amas de cendres encore fumantes, et son sol occupé par des armées étrangères. Sur le plan moral, les horreurs du nazisme, la découverte des camps et de leurs millions de victimes, avaient indigné le monde entier, et placé pour longtemps l'Allemagne et ses habitants au ban des nations civilisées.

Ruinés, épuisés, parfois rendus honteux d'eux-mêmes, les Allemands n'étaient cette fois plus du tout enclins à se replonger toutes affaires cessantes dans une nouvelle aventure guerrière. L'Allemagne de l'année zéro ne se préoccupait plus que de sa propre survie, en se demandant avec inquiétude quelle punition les Alliés allaient bien pouvoir lui infliger...

(1) Mosier, The Blitzkrieg Myth, page 41

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