mercredi 1 février 2006

1060 - le Droit du Vainqueur

... depuis que les guerres existent, le Vainqueur s'est toujours arrogé le droit de punir le Vaincu.

C'est Pharaon qui exige tribut de tous les pays qu'il conquiert. C'est Scipion Émilien qui, après s'être emparé de Carthage, en passe tous les défenseurs au fil de l'épée, brûle la ville, en abat les murs, recouvre de sel tout le territoire, puis emmène les 50 000 survivants en esclavage. C'est César qui couvre Vercingétorix de chaînes et l'exhibe à la foule, tel un animal sauvage, lors de son défilé de victoire. Ce sont tous les conquérants qui, prétendant agir au nom de leur dieu, de leur peuple, de leur bon droit ou tout simplement de celui du plus fort, pillent, violent, massacrent les civils, et s'emparent de tout ou partie des biens, propriétés et territoires qui leur appartenaient.

Avec le temps, l'évolution des mentalités et celle des lois, se développa pourtant la volonté de punir non plus l'intégralité du peuple vaincu mais seulement ses principaux, dirigeants, et de confier à des tribunaux, et non plus à de simples chefs de guerre, le soin de déterminer leur sort, le tout selon une procédure qui, à défaut d'exclure définitivement toute part d'arbitraire et de simple vengeance, offrait du moins un cadre formel au jugement, et certaines possibilités de défense aux accusés

Ainsi en fut-il au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsque l'article 227 du Traité de Versailles mit "en accusation publique Guillaume II de Hohenzolern (...) pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités". Hélas, comme la Hollande refusa d'extrader l'ex-empereur d'Allemagne, réfugié sur son territoire, le tribunal spécial international, composé de 5 juges (un Américain, un Français, un Italien, un Anglais et un Japonais), et chargé "de déterminer la peine qu'il estimera devoir être appliquée", ce tribunal ne put jamais être mis sur pied.

On se rabattit donc sur l'article 228 de ce même Traité de Versailles, lequel prévoyait quant à lui le jugement des "criminels de guerre allemands". Les nations victorieuses déposèrent alors une liste de ces criminels, et instruisirent chacune les faits qui leur étaient reprochés. La France à elle seule mit en accusation la bagatelle de 334 personnes, dont le maréchal Hindenbourg, futur chef de l'État allemand. Mais lorsque vint le moment du procès, à Leipzig, en 1921, devant des juges et un jury allemands, l'affaire se transforma en une gigantesque pantalonnade, qui aboutit, sous les vivats de la foule allemande, à l'acquittement de 888 des 901 accusés allemands, et à la condamnation à des peines légères - et jamais effectuées - des 13 autres.

Ce précédent fit très mauvais effet et convainquit les Alliés, avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la nécessité d'organiser eux-mêmes, en Allemagne, un procès public des plus grands criminels de guerre allemands, ainsi que d'organisations allemandes comme la SS....

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