samedi 26 novembre 2005

993 - entretenir l'illusion

... envoyer des millions de personnes à l'abattoir était un processus industriel complexe et difficile à mettre en oeuvre sans à-coups, et en particulier sans un minimum de coopération de la part du cheptel cheminant vers la Mort.

Des situations chaotiques comme celles de Beaune-La-Rolande - où les policiers français durent séparer de force les enfants juifs de leur mère pour les envoyer finalement à Auschwitz par convois séparés - nuisaient en particulier au bon déroulement des opérations. En plus de porter atteinte aux nerfs délicats des gardiens.

Tout devait donc être fait pour persuader le bétail humain du caractère relativement anodin du spectacle qui se déroulait sous ses yeux et dont il était en quelque sorte le clou final.

Les enfants furent donc finalement autorisés à voyager avec leur mère jusqu'à leur arrivée au quai de débarquement du camp, où tout - des petites maisons coquettes jusqu'aux pelouses soigneusement entretenues, était conçu pour entretenir l'illusion. De fausses ambulances et camions de la Croix Rouge se chargeaient d'évacuer les malades... et d'acheminer le Zyklon B jusqu'aux salles de douche dans lesquelles une installation de plomberie complète avait également été installée, comme dans toute salle de douche normale.

Dans les camps "mixtes", comme Auschwitz-Birkenau, la sélection entre ceux qui étaient immédiatement assassinés et ceux provisoirement laissés en vie car jugés capables de travailler était effectuée par des médecins SS, à même le quai de débarquement.

Dans les camps d'extermination "purs", comme Treblinka, il n'y avait aucune sélection et tout le monde était directement envoyé à la chambre à gaz, sauf dans les rares cas où l'on manquait de main-d'oeuvre à l'intérieur du camp lui-même.

Bien que régulièrement mise en avant dans l'abondante littérature consacrée aux camps, la distinction entre "travail" et "extermination" s'avérait, dans les faits, plus théorique que pratique et ne constituait dans tous les cas qu'un répit provisoire.

Les conditions de (sur)vie des Juifs ainsi sélectionnés étaient en effet si pénibles qu'ils finissaient tôt ou tard par rejoindre leurs coreligionnaires dans les fours crématoires auxquels ils étaient de toute manière voués : le régime nazi ne faisant nul mystère de son intention de les y expédier jusqu'au dernier lorsqu'ils ne lui seraient plus utiles...

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