jeudi 24 novembre 2005

991 - "je me disais que c'était ma faute si ma mère était partie. Je n'avais pas été gentille avec elle"

.... de la minuscule île de Guernesey à la Pologne en passant par la France, la Hollande ou la Belgique, partout les autorités locales collaborèrent à des degrés divers, afin d'identifier, arrêter puis livrer les Juifs à l'Occupant.

Un des épisodes les plus connus - bien qu'assurément pas le plus spectaculaire - est la célèbre rafle opérée en France les 16 et 17 juillet 1942, lorsque près de 13 000 Juifs, dont plus de 4 000 enfants, furent arrêtés à leur domicile par la police française, et conduits par cars au Vélodrome d'Hiver, dans le XVème arrondissement de Paris.

Après plusieurs jours d'attente dans des conditions épouvantables, les Juifs furent ensuite acheminés vers des camps provisoires, comme Beaune-La-Rolande

"Dans les latrines, en fait une tranchée creusée à même la terre, avec des planches, on faisait nos besoins au vu et au su de tout le monde", souligne Michel Muller, qui avait sept ans à l'époque. "J'avais une trouille d'aller là, c'était affreux. Et il y a des gens qui ont jeté leurs bijoux dans la merde" [pour ne pas les remettre à leurs geôliers]

La présence de ces milliers d'enfants posait néanmoins un problème aux autorités française. En effet, seule la déportation d'adultes avait été exigée par les Allemands. Les Français n'y avaient ajouté les enfants qu'au dernier moment, pour remplir le quota exigé et pour ne pas avoir à supporter le coût de leur entretien. En attendant l'aval de Berlin, Jean Leguay, délégué de René Bousquet en zone occupée, écrivit donc au Préfet d'Orléans que "les enfants ne doivent pas partir dans les mêmes convois que les parents (...) les trains d'enfants seront mis en route dans la deuxième quinzaine d'août"

Comme il fallait s'y attendre, l'irruption de la police française dans le camp de Beaune-La-Rolande, afin de séparer les parents de leurs enfants, donna lieu à des scènes atroces. "Ça s'est fait dans une très-très grande violence", souligne Annette Muller. "Les policiers [français] ont battu les femmes. Nous, les enfants, on s'accrochait à leurs vêtements. On criait énormément, on pleurait. Beaucoup de cris, et d'un coup, il y a eu un très-très grand silence. Une mitrailleuse avait été installée face aux femmes et aux enfants"

La menace fut suffisamment claire pour persuader les mères d'abandonner leur progéniture. "Après le départ de ma mère, moi, pendant quelques jours, je n'ai pas voulu sortir de la baraque tellement j'avais du chagrin. Je n'arrêtais pas de pleurer (...) et je me disais que c'était ma faute si ma mère [qu'elle ne devait plus jamais revoir] était partie. Je n'avais pas été gentille avec elle"

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