mercredi 5 octobre 2005

941 - travailler en direction du Führer

... la Shoah n'apparut pas brutalement, tel un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Elle fut au contraire précédée d'une multitudes de petites brimades et de spoliations, qui se renforcèrent sans cesse. Lentement d'abord, puis de plus en plus vite à mesure que l'Allemagne se prépara à la la guerre, entra en guerre, et se retrouva finalement sur le point de la perdre.

Comme le souligne Ian Kershaw, Hitler lui-même se mêlait pourtant fort peu des persécutions anti-juives. "Cela n'avait pas été nécessaire. Ses subordonnés avaient juste besoin de son aval pour réaliser ce qu'ils pensaient être ses "désirs". Et ces "désirs" n'étaient pas seulement en phase avec les convictions des antisémites virulents du mouvement. Aller au devant de tels "désirs" offrait des possibilités de carrière, de promotion et d'enrichissement personnel. (...) n'importe quelle mesure ou presque pouvait se justifier en montrant qu'elle contribuait à exclure les juifs de la société allemande. Le but final d'une Allemagne purifiée des Juifs (judenreines Deutschland) servit à légitimer les initiatives politiques prises par divers ministères, instances et organismes au sein du IIIème Reich, rivalisant d'ardeur pour mettre en oeuvre ce qu'ils pensaient être la volonté du Führer"

Le fait pousser les Juifs à l'exil contentait certes les idéologues du parti, mais privait également l'Allemagne de ressources précieuses. Si l'on pouvait encore, par de multiples manoeuvres et règlements discriminatoires, empêcher les Juifs de déguerpir avec leurs biens, il n'était évidemment pas possible de retenir leur expérience et leurs talents.

Au début, les ratonnades anti-juives étaient donc sinon réprimées, du moins réprouvées par l'État nazi. Des économistes comme Hjalmar Schacht (Président de la Reichsbank), des militaires comme Herman Goering (numéro deux du régime) mesuraient en effet l'impact négatif de ces brutalités sur l'image de l'Allemagne à l'étranger, et en particulier aux États-Unis.

A chaque nouvelle poussée de brutalité plus ou moins orchestrée correspondait donc un coup d'arrêt ordonné par les plus hautes sphères de l'État,... qui en profitait néanmoins pour imposer un nouveau tour de vis et restreindre encore davantage la liberté et les droits accordés aux Juifs.

Aucun commentaire: