vendredi 19 août 2005

894 - jeter le pétrole par les fenêtres

... le navire de transport est un gros cheval de trait frugal; le destroyer, un lévrier efflanqué et particulièrement glouton en carburant.

Lancés à pleine vitesse entre les îles du Pacifique, le plus souvent de nuit, les destroyers du "Tokyo Express" s'efforçaient de ravitailler les garnisons japonaises isolées. Mais, n'ayant jamais été conçus pour cette tâche, transportaient finalement fort peu et gaspillaient à une allure vertigineuse un carburant de plus en plus rare et précieux.

La simple logique comptable aurait voulu que ces garnisons soient, sinon autorisées à capituler - ce que le code du Bushido interdisait - du moins abandonnée à leur sort - ce qui finit d'ailleurs par arriver - tant il était devenu absurde de dépenser plus de carburant en transport que le carburant que l'on parvenait tant bien que mal à livrer sur place.

Mais les militaristes japonais n'entendaient pas perdre la face, et reconnaître que leur rêve de "grande sphère de co-prospérité asiatique" était bel et bien en train de tourner au cauchemar et à la banqueroute. On s'entêta donc bien trop longtemps à ravitailler des garnisons condamnées, en y consacrant un pétrole qui aurait pu être bien plus utile ailleurs.

Pour tenter malgré tout d'épargner un peu de ce précieux pétrole, on décida, à la mi-1944, de délocaliser la flotte de combat du Japon vers l'Indonésie, donc à proximité immédiate des raffineries. Outre l'incontestable économie de transport, cette mesure avait aussi pour avantage d'épargner aux rares pétroliers japonais une traversée du Pacifique que les sous-marins américains rendaient de plus en plus risquée.

Le problème, c'est que l'Indonésie manquait cruellement des infrastructures nécessaires pour entretenir et réparer une flotte, ce qui se traduisit rapidement par une diminution des capacités opérationnelles de celle-ci, au moment où la flotte américaine montait au contraire en puissance.

De plus, les raffineries indonésiennes elles-mêmes n'étaient pas assez perfectionnées. Le carburant produit était beaucoup trop volatil, ce qui se traduisit par l'explosion du porte-avions Taiho, touché par une seule torpille américaine en juin 1944, trois mois à peine après sa mise en service...

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