samedi 18 juin 2005

832 - la guerre du bout du monde

.. on mène les guerres avec les moyens dont on dispose, et pas avec ceux qui seraient nécessaires. Et rarement aura-t-on vu cette maxime mieux illustrée que lors de la Guerre des Falklands, en 1982, lorsque l'Angleterre se rendit compte que son désarmement massif des décennies précédentes la contraignait à présent à s'engager seule, et à l'autre bout du monde, dans un conflit contre l'Argentine, sans porte-avions, sans chasseur supersonique, sans système de radar avancé, et avec de vieux bombardiers au rayon d'action bien trop court pour parcourir ne serait-ce que le tiers de la distance.

L'Angleterre gagna pourtant cette guerre, avec quelques petits porte-hélicoptères conçus pour la lutte anti-sous-marine, des porte-conteneurs commerciaux, un paquebot de croisière hâtivement transformé en transport de troupes, une poignée d'avions à décollage vertical, et une demi-douzaine de bombardiers Vulcan conçus plus de trente ans auparavant pour larguer une bombe atomique sur l'Union soviétique.

A dire vrai, la dernière guerre des derniers bombardiers stratégiques britanniques fut davantage motivée par des considérations politiques que par de réelles possibilités opérationnelles. De l'île d'Ascension jusqu'aux Falklands, il y avait en effet plus de 6 500 kilomètres d'océan vide, à parcourir à l'aller comme au retour, ce qui imposait la bagatelle de six ravitaillement en vol, et la présence de onze avions ravitailleurs qui, en raison là encore de leur trop faible autonomie, devaient se ravitailler les uns les autres afin de permettre à un seul et unique Vulcan de délivrer ses vingt-et-une bombes de 450 kilos sur la piste d'atterrissage de Port Stanley (!)

Quelle que soit la manière dont on l'envisageait, c'était donc une mission de pur prestige, uniquement destinée à impressionner les Argentins et à redorer le blason des pilotes de la RAF, qui s'ennuyaient fort dans cette guerre où il n'y en avait que pour les gars de la Royal Navy.

De fait, sur les vingt-et une bombes larguées dans la nuit du 30 avril au 1er mai, une seule frappa la piste d'atterrissage, n'y causant que des dégâts minimes. Les vingt autres s'écrasèrent dans les champs avoisinants et même... sur un terrain de golf.

Le Vulcan, du moins, parvint à rentrer sain et sauf à sa base dans ce qui constitua, avec seize heures de vol, le plus long raid aérien de l'Histoire.

Un second raid identique fut mené dans la nuit du 3 au 4 mai. Cette fois, aucune des vingt-et-une bombes n'atteignit la cible...

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