jeudi 2 juin 2005

816 - un échec immédiat mais une réussite posthume

... dans les dictatures en guerre, des hordes d'indicateurs et de délateurs prêtent main forte aux forces de la répression, et empêchent l'émergence d'un mouvement de masse en faveur de la Paix

Dans un pays où le civisme est vertu nationale, et où le simple fait de distribuer quelques tracts anti-gouvernementaux vaut déjà condamnation à mort et exécution sommaire - comme Sophie Scholl et les étudiants de la "Rose Blanche" en firent l'expérience - il ne peut y avoir de révolte populaire ni d'appel décisif à la cessation des hostilités.

Conçu comme moyen de précipiter une paix rapide, le bombardement stratégique des villes de la dictature est nécessairement voué à l'échec, faute d'une opinion publique davantage réceptive au message des bombes qu'à celui des fusils maniés par les différentes milices restées fidèles au régime.

Lorsque le rideau final de la Seconde Guerre mondiale tombe sur les villes en ruines, les théories de Mitchell, Douhet, Trenchard et tant d'autres gisent elles aussi au milieu des gravats.

Jamais les bombes larguées sans retenue sur Cologne, Berlin, Hambourg ou Tokyo ne sont parvenues à mettre fin à la guerre. En revanche, elles ont créé une telle quantité de destructions, et un tel état d'épuisement général, qu'elles ont réussi à convaincre les populations vaincues de la réalité de leur défaite et de la folie de chercher à en tirer revanche.

Pour Hitler comme pour la majorité des Allemands, l'armistice du 11novembre 1918 avait en effet été ressenti comme un humiliation et une trahison : invaincue sur le terrain, combattant encore à l'extérieur de ses frontières, et n'ayant pas eu à souffrir de destructions sur son sol, l'Allemagne toute entière ne s'était pas estimée vaincue, et s'était donc empressée de repartir en guerre une génération plus tard.

En mai 1945, en revanche, le constat est implacable et parfaitement compris de tous : l'armée est battue, les villes détruites et le pays tout entier soumis à l'occupation de ses vainqueurs.

Contre toute attente, le bombardement stratégique des villes n'a pas empêché la guerre. Il n'en a probablement même pas hâté la fin.

Il lui a simplement évité de recommencer 20 ans plus tard...

Aucun commentaire: