jeudi 14 avril 2005

767 - les illusions perdues

... les partisans du bombardement stratégique sont convaincus de remporter du haut des airs une guerre qu'ils ne veulent plus mener au sol.

Mais si les villes allemandes et japonaises se transforment progressivement en cendres, c'est au sol, "comme au bon vieux temps" que la guerre continue d'être gagnée ou perdue. Pour préparer les offensives au sol, en Normandie ou à Arnhem, à Anzio ou à Okinawa, on bombarde donc encore et encore, persuadé que les bombes qui tuent derrière les lignes ennemies sauvent d'autres vies sur le Front.

Et lorsqu'on se rend compte que, contre toute attente, les bombardements ne précipitent pas la fin de la guerre, et que les offensives au sol s'enlisent les unes après les autres face à la résistance opiniâtre de l'ennemi, l'on se dit que c'est faute d'avoir suffisamment bombardé, et aussi qu'en bombardant davantage, on finira bien par emporter la décision.

Petit à petit, cependant, le doute commence à s'installer dans les esprits

"Je ne connais pas la réponse", écrit Henry Hartley Arnold, commandant en chef de l'aviation américaine. "Ou nous entretenons des idées trop optimistes sur les résultats des raids aériens, ou nous nous sommes terriblement trompés en évaluant l'effet des destructions sur la machine de guerre allemande" (...) Nous ne sommes peut-être pas en mesure de contraindre l'Allemagne à la capitulation par des raids aériens. D'un autre côté, il me semble qu'avec cette prodigieuse puissance de feu, on devrait obtenir des résultats bien meilleurs et bien plus décisifs" (*)

En décembre 1944, la contre-offensive allemande dans les Ardennes démontre pourtant que l'ennemi n'est toujours pas disposé à se soumettre.

Et comme on ne sait rien faire d'autre, comme il faut bien venger les milliers de soldats américains tués ou blessés en Belgique, comme il faut tout tenter pour empêcher d'autres soldats américains de mourir en Allemagne, on lâche à nouveaux la meute des loups, qui s'en vont rebombarder les ruines des villes allemandes...

(*) cité par Jorg Friedrich, "L'incendie", page 132

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