dimanche 3 avril 2005

756 - la faute de l'autre

... en l'absence de bombe nucléaire, et quelles que soient la puissance des bombes explosives et le nombre de bombes incendiaires conventionnelles, il n'est pas possible d'annihiler une grande ville en une seule fois.

Il faut donc bombarder et rebombarder sans cesse, procéder méthodiquement par zones, par quartiers, étudier les photographies aériennes que ramènent les avions de reconnaissance après chaque raid, décider des endroits qu'il convient de "traiter" à nouveau, déterminer une nouvelle proportion de bombes incendiaires et explosives.

C'est ainsi que Cologne sera bombardée 262 fois tout au long de la guerre, Essen 272 fois, Duisbourg 299 fois,...

Dans ce monde de flammes, les militaires se contentent d'obéir aux ordres des politiciens (qui leur disent ce qu'ils doivent bombarder), de suivre les conseils des scientifiques (qui leur expliquent comment le faire) et d'utiliser les armes que les industriels mettent à leur disposition.

Le remords, quand il existe, est tardif et ne se manifeste que des années plus tard, dans des biographies et des interviews où l'on s'efforce de minimiser, sinon de nier, sa propre responsabilité et de se donner le "beau rôle".

"Ce que je savais me rendait malade", écrivit ainsi le physicien Freeman Dyson quarante ans après la guerre. "Je me suis dit maintes fois que j'avais le devoir moral de descendre dans la rue pour dire au peuple anglais les bêtises que l'on commettait en son nom. Mais je n'en avais pas le courage. Je suis resté jusqu'à la fin dans mon bureau à calculer comment tuer 100 000 personnes de la manière la plus économique possible"

A l'inverse, la plupart ne regrettent rien, ou se réfugient derrière la faute des "autres", la faute de ceux qui leur ont ordonné de faire comme ceci, ou conseillé de s'y prendre comme cela

"Le physicien réalise une possibilité scientifique, on ne l'interroge pas sur la licéité de sa mise en oeuvre. "L'état de guerre, écrit [le professeur Solly] Zuckerman, incite le scientifique à de grands élans d'imagination. Le monde à sa disposition s'élargit soudain dans des proportions insoupçonnées. Cela se traduit notamment par la possibilité de disposer de "ressources à un degré dont on ne peut que rêver en temps de paix"".

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