mercredi 23 mars 2005

745 - l'histoire sans héros

... pour les civils, comme ceux de Londres, qui connurent les bombardements de la 2ème Guerre mondiale, et pour les citoyens d'aujourd'hui, amollis par trois générations de Paix, il paraissait (et il paraît toujours) invraisemblable que des bombes aient pu tomber sur d'autres villes que les villes visées, qu'elles aient détruit des écoles, des hôpitaux, des lotissements, des fermes, voire même des champs, situés parfois à des dizaines de kilomètres de tout objectif militaire.

Pour l'expliquer, on peut invoquer les défaillances du renseignement, les mauvaises conditions météorologiques, l'absence de visibilité, ou le pur et simple accident. Mais le "facteur humain" y joue un rôle tout aussi important.

Dans la plupart des cas, et chez tous les belligérants, il n'y a en effet pas de "Dummy Run", de "coup pour rien". Lorsque l'objectif n'est pas repéré du premier coup, on ne fait pas un deuxième ou un troisième passage, en s'exposant à chaque fois au feu de la DCA ennemie. Et pas question non plus d'entreprendre l'interminable trajet du retour, puis l'atterrissage, avec le plein chargement de bombes. Au mieux, on se cherche un objectif secondaire - il y en a toujours plusieurs de prévus - sur lequel les lancer. Au pire, on les largue immédiatement, peu importe où, histoire d'alléger l'avion.

Les aviateurs ne sont pas des héros sans peur et sans reproche, mais de simples être humains âgés d'une vingtaine d'années. Entassés pendant des heures dans un avion poussif, inconfortable, bruyant, hyper-exigu, soumis à un froid polaire (ni chauffage ni pressurisation masque à oxygène obligatoire et - 30 degrés celsius à l'intérieur), traqués par les projecteurs la nuit, canonnés en tout temps par la DCA, mitraillés par les chasseurs adverses infiniment plus maniables et performants, et avec comme seule perspective celle de rentrer intact à la base pour remettre ça le lendemain ou le surlendemain, ils ne songent qu'à sauver leur propre peau, tout en sachant que les bombes qu'ils larguent ont finalement bien davantage de chance de tuer un civil qu'un officier de l'armée ennemie...

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