dimanche 20 février 2005

714 - le "moral bombing"

... comme beaucoup d'autres, des hommes comme Trenchard, Mitchell ou Douhet avaient été frappés par la longueur et l'effroyable coût humain de la Première guerre mondiale, où la seule bataille de Verdun (1916) avait fait un million de morts sans que l'un ou l'autre des belligérants parvienne à en tirer un quelconque avantage.

Pour eux, ce carnage inutile s'expliquait d'abord et avant tout par le fait que la guerre, aussi meurtrière qu'elle ait été, n'avait jamais empêché les citadins de continuer à mener une vie normale, s'amusant dans leurs villes, fréquentant cinémas, restaurants et théâtres, et, surtout, travaillant jour et nuit à produire de nouvelles armes qui, utilisées quelques dizaines de kilomètres plus loin, faisaient mourir des millions de soldats supplémentaires.

En bombardant les villes au moyen de "croiseurs aériens", on pouvait dès lors espérer faire coup double.

Comme les usines d'armements, et de manière générale les usines tout court, étaient à cette époque généralement situées au coeur même des villes, bombarder les villes reviendrait donc, de facto, à réduire ou même à supprimer complètement la production d'armements nouveaux. Privée d'obus, de cartouches, de canons, de véhicules, l'armée ennemie serait bientôt rendue incapable de combattre, ce qui l'obligerait à demander la paix, épargnant ainsi de nombreuses vies humaines.

De plus, le bombardement des villes attenterait gravement au moral des citadins qui, considérant que la Mort ne faisait pas partie de leur contrat de travail - à la différence de celui des militaires - et constatant de visu la destruction de leurs propres foyers, exerceraient une telle influence sur les "décideurs politiques" qu'elle pousserait ces derniers à négocier une paix rapide.

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