... Dans sa ville pourtant située à quelques dizaines de kilomètres du Front, de la boue et de la boucherie des tranchées, le civil menait une vie paisible et bien protégée. N'étaient le rationnement et la pénurie de certains biens, on aurait eu du mal, tant à Paris qu'à Londres ou Berlin, à reconnaître que le pays était engagé dans une guerre aussi impitoyable que meurtrière. Une guerre qui, en 1914, coûtait par exemple à la France la bagatelle de 2 000 soldats... par jour.Dans sa ville, le civil continuait de vaquer à ses occupations habituelles, à se rendre au théâtre ou au cinéma et, surtout, à produire les armes qui, quelques dizaines ou centaines de kilomètres plus loin, tuaient les combattants par milliers.
La saignée fut bientôt telle qu'il fallut se résoudre à envoyer au Front les ouvriers des industries d'armements. Mais comme il ne pouvait être question d'arrêter - ni même de ralentir - la production des balles et des obus, les épouses et les fiancées remplacèrent donc sur les chaînes de production les maris et promis partis se faire tuer au Front par les balles et les obus produits par les épouses et les fiancées du camp d'en face.
Et elles les remplacèrent d'autant plus volontiers que l'augmentation du coût de la vie, voire la disparition brutale de l'être aimé, ne leur laissait en vérité aucun autre choix si elles voulaient simplement survivre et continuer à entretenir leur famille.
Chaque belligérant en était ainsi arrivé à un monstrueux cercle vicieux où le pays se dévorait lui-même, où une moitié de la population était occupée à produire, dans ses villes, les armes qui tuaient l'autre moitié de la population, dans les tranchées. Et l'efficacité de ces armes était devenue telle qu'elle empêchait, chez l'un comme chez l'autre, toute progression vers les villes adverses, progression qui seule aurait pu mettre fin au conflit, en privant l'adversaire de ses usines et donc de ses armes.
C'est alors que les Zeppelin entrèrent en scène.
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