705 - à l'arrière de l'Avant-garde

... A sa mise en construction, en octobre 1941, ce devait être le plus gros et le plus puissant cuirassé britannique jamais construit. Mais à son entrée en service, en avril 1946, la guerre était finie depuis un an et, bien loin d'être à "l'Avant-garde", le "Vanguard" n'avait tout simplement plus le moindre ennemi à combattre...

Pourtant, afin de gagner du temps, les ingénieurs britanniques s'étaient résolus à réutiliser les tourelles des vieux Glorious et Courageous (Saviez-vous que... - 637 - ), lesquelles avaient été démontées et tenues en réserve lors de la conversion de ces deux étranges "grands croiseurs légers" en porte-avions, en... 1924 (!) Quant aux canons de 380mm qui y furent installés, ils provenaient tout simplement d'un stock dont les premiers exemplaires dataient de... 1915 (!)

Mais, dans une Angleterre en guerre, où les chantiers navals avaient bien d'autres navires à construire ou à réparer, on avait gravement sous-estimé la durée de gestation de ce dinosaure de plus de 50 000 tonnes. Né bâtard, le Vanguard naquit surtout trop tard, à une époque où les cuirassés avaient perdu toute utilité.

En guise d'exploits guerriers, le dernier cuirassé britannique dut même se contenter de voyages d'agrément, en particulier pour la famille royale, à qui il servit de yacht d'apparat lors des visites qu'elle effectua en Afrique du Sud ou en Australie, à la fin des années 1940.

Utilisé pour l'entraînement au début des années 1950, le Vanguard fut ensuite réquisitionné pour le cinéma et les besoins du film "Coulez le Bismarck"... qu'il n'eut jamais à affronter, ni d'ailleurs aucun autre navire de guerre.

En 1960, ce fut la fin. Désarmé et condamné à la ferraille, le Vanguard fut remorqué jusqu'au chantier de démolition... et s'échoua en route, comme s'il avait voulu retarder l'inéluctable. Finalement sorti de sa fâcheuse posture, il arriva à Faslane le 9 août 1960.

L'aventure des cuirassés britanniques, qui avait véritablement débuté avec le Dreadnought en 1906, s'acheva ainsi misérablement, dans l'anonymat d'un parc à ferraille, à l'été 1962.