vendredi 3 octobre 2003

207 - un certain Ilya Ehrenbourg

... pendant des années, les propagandes allemandes et russes s'étaient attachées à diaboliser l'adversaire, systématiquement dépeint comme aussi malfaisant qu'acharné à la perte du peuple allemand ou russe.

Ces années de matraquage soutenu avaient créé, chez les uns et les autres, un inextricable mélange de peur atavique et de haine viscérale, incitant tantôt à résister jusqu'à la mort, tantôt à se lancer dans une fuite éperdue.

Mais en continuant à agiter le spectre du bolchevisme qui risquait d'annihiler la population allemande, la propagande nazie, plus que jamais soucieuse d'inciter celle-ci à la résistance, l'avait aussi incitée à s'enfuir le plus rapidement possible afin de chercher son salut vers l'Ouest, vers les anglo-américains qui s'apprêtaient à franchir le Rhin.

Du côté russe, l'entourage de Staline commençait pour sa part à réaliser les inconvénients d'une propagande qui, en incitant depuis des années la population russe à haïr et à tuer le maximum d'Allemands, devenait à présent contre-productive. Car ce pays - l'Allemagne - qui serait bientôt conquis, il allait bien falloir l'occuper, l'administrer, le pousser à rejoindre le glacis communiste, ce qui impliquait non plus de tuer tous les Allemands, mais bien de s'assurer, sinon leur sympathie, du moins leur collaboration minimale.

Il importait donc de changer très rapidement le contenu, et l'orientation, de la propagande, et donc de sacrifier celui qui était devenu le symbole et le héraut de la lutte contre la "Bête fasciste", celui qui depuis des années, dans ses éditoriaux et pamphlets, incitait le soldat russe à tuer tous les Allemands qu'il rencontrait

Cet homme s'appelait Ilya Ehrenbourg

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