samedi 4 octobre 2003

208 - "Compte seulement le nombre d'Allemands que tu as tués"

... Né en 1891, Ilya Ehrenbourg avait profité de la guerre d'Espagne pour devenir le principal correspondant de guerre des Izvestia, le journal officiel du gouvernement soviétique.

Quand débuta la "Grande Guerre patriotique", en 1941, Ilya Ehrenbourg devint très vite un des propagandistes les mieux cotés de l'armée rouge. Pendant quatre ans, et notamment dans le Krasnaïa Zvedzda (le journal de l'armée rouge), il incita ses compatriotes à tuer et violer le plus d'Allemand(e)s possible.

Ainsi, en 1942, il écrivit :

"Ne compte pas les jours, ne compte pas les kilomètres.
Compte seulement le nombre d'Allemands que tu as tués.
Tue les Allemands - c'est la prière de ta mère
Tue les Allemands - c'est le cri de ta terre russe
N'hésite pas. Ne renonce pas. Tue."


Ehrenbourg devint rapidement si populaire que l'écrivain russe Lev Kopelev, qui avait osé critiquer ses articles publiés dans Krasnaïa Zvezda, fut rapidement arrêté par le SMERSH pour "propagande en faveur de l'humanitarisme bourgeois, de la pitié envers l'ennemi".

Mais si les multiples appels au meurtre d'Ehrenbourg ne dérangeaient nullement le Staline de 1941 à 1944, ils commencèrent en revanche à gêner le Staline de 1945, en particulier lorsque différents conseillers lui firent remarquer qu'il allait tout de même falloir occuper l'Allemagne, la remettre en état, l'intégrer à l'espace politico-économique soviétique, bref que dans cette perspective, il était maintenant inutile, et même franchement contre-productif, d'appeler à tuer tous les Allemands.

Le 11 avril 1945, quand Ehrenbourg publia dans Krasnaïa Zvezda ce qui serait son dernier article dans ce journal, Victor Semionovitch Abakoumov - le chef du SMERSH - rapporta à Staline les "opinions incorrectes du camarades Ehrenbourg", qu'il définit comme "politiquement nuisibles"

Le coup de grâce fut asséné le 14 avril, lorsque Georgy Alexandrov, chef de la propagande soviétique, écrivit dans La Pravda que "Le camarade Ehrenbourg simplifie trop les choses", et ajouta qu'il rejetait fermement le propos d'Ehrenbourg selon lequel l'Allemagne n'était rien de plus qu'une "colossale bande de brigands".

L'article d'Alexandrov fut ensuite lu sur Radio-Moscou, puis reproduit dans Krasnaïa Zvezda. Atterré par sa subite disgrâce, Ehrenbourg écrivit une lettre de protestations à Staline, qui ne lui répondit jamais

Comme beaucoup d'outils staliniens, Ehrenbourg était à présent devenu inutile. D'autres allaient suivre...

Aucun commentaire: