dimanche 28 mai 2023

7578 - l'ironie suprême

Tout le monde voyait le Tirpitz, mais le Tirpitz n'avait toujours pas bougé...
... Altenfjord, 21h40

Si la décision du Premier Lord de la Mer, prise peu après 21h00, obéit donc à une incontestable logique, elle n'en est pas moins prise dans la précipitation, sous le coup de l'émotion, et aussi contre l'avis de la plupart de ses subordonnés qui, mais en vain, lui ont fait remarquer que rien, après tout, ne prouve jusqu'ici que le Tirpitz a réellement appareillé, et surtout, qu'en dispersant le convoi, on expose bien davantage les cargos aux coups des avions et des sous-marins allemands !

Rien n'y a fait : en temps de guerre, c'est évidemment le privilège du chef de prendre les décisions - bonnes ou mauvaises - sans être contesté, et personne, au sein de cette Royal Navy aux traditions ancestrales, ne s'est d'ailleurs véritablement objecté à celle de Pound qui, pourtant, vient de condamner plus d'une vingtaine de navires à connaître une fin aussi tragique que brutale, dans les eaux glaciales de l'Arctique !

Le plus incroyable, finalement, c'est que le Tirpitz, par une de ces formidables ironies dont seule l'Histoire a le secret,... n'a toujours pas quitté l'Altenfjord !

Tournant en ronds sur la passerelle du Monstre, Schniewind continue en effet de ronger son frein dans l'attente des ordres de Carls qui, à 17h00, a de son côté adressé un véritable ultimatum à Raeder : si Rösselsprung n'est pas lancée dans les prochaines 24 heures, il sera alors trop tard et il n'aura d'autre choix, affirme-t-il, que d'annuler toute l'opération et de ramener le Tirpitz à Trondheim.

Hélas, la réponse du grand-amiral, qui lui est parvenue vers 20h30, n'a apporté aucun élément nouveau : si Raeder a approuvé le point de vue de son subordonné, il n'a hélas pas pu lui donner l'autorisation formelle de passer à l'action, faute, une fois de plus, d'informations véritablement satisfaisantes sur la position et les intentions du ou des porte-avions britanniques !

Et c'est dans un humour sans doute involontaire que l'État-major naval a conclu la journée, en soulignant qu'il "peut seulement espérer que les heures d'obscurité et les premières heures de la matinée du lendemain clarifieront la situation" (1)

(1) Irving, op. cit, page 115

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