dimanche 6 novembre 2016

5003 - l'impossible explication

Prisonniers allemands après Stalingrad. La plupart mourront en captivité
El Alamein pouvait encore être présenté comme une "retraite stratégique", et le débarquement allié en Afrique du Nord comme un "simple événement militaire", certes fâcheux mais finalement de peu d’importance, puisque opéré sur un théâtre d’opérations très secondaire et non conquis au préalable par le grand Reich allemand. 

Stalingrad, en revanche, est un véritable séisme, car comment expliquer au peuple allemand, à qui, pendant des semaines, on n'a cessé de répéter que la chute de la ville serait "décisive", qu'elle était "déjà acquise", et que plus rien ni personne n'en chasserait jamais la Wehrmacht, comment lui expliquer à présent que cette défaite est bel et bien la pire de l'Histoire allemande, comment lui expliquer que l'armée est à présent occupée à retraiter tout en luttant pour sa survie (1),… et surtout, comment lui expliquer que la guerre va continuer de plus belle et imposer de plus en plus de sacrifices ? 

Au début, évidemment, les services du Dr Goebbels, dans l'espoir d'un improbable miracle, se sont efforcés de mentir sur la gravité réelle de la situation : l'encerclement de la VIème Armée - effectif dès le 22 novembre 1942 – n’a ainsi été annoncé que… le 16 janvier 1943 (!) 

Mais à présent, quelqu’un doit bien annoncer la terrible vérité,… en s’efforçant néanmoins de la présenter sous l’angle le moins négatif possible, c.-à-d. en insistant d’abord sur le rôle et l’importance du "sacrifice ultime" de tant de vaillants soldats pour la survie du Troisième Reich, et ensuite en utilisant ce sacrifice comme un levier pour mobiliser toutes les énergies au service de la Nation et de son Führer.

Dans toute l'Allemagne, un deuil national de trois jours est donc décrété, tandis qu’une musique de circonstance – c-à-d lugubre – est diffusée sur toutes les stations de radio du pays… 

(1) à Stalingrad, la Wehrmacht n’avait néanmoins perdu que quelque 300 000 hommes (tués, blessés ou faits prisonniers), soit moins de 3% des quelques onze millions d'Allemands déjà mobilisés sous les drapeaux

1 commentaire:

Patrick Fleuridas a dit...

Blog toujours pointu dans ses analyses et conclusions. félicitations. Si les pertes humaines ne sont "que" de 300 000 hommes,les pertes matériels sont plus graves pour l'armée allemande: chars, canons,véhicules, toute l'infrastructure des divisions perdues sera difficile à remplacer.
Patrick Fleuridas