lundi 11 août 2014

4175 - le "paradoxe Heydrich"

... en décembre 1941, alors qu'en compagnie d'Heydrich il arpentait les rues de Prague dans le but de "germaniser" un jour la capitale tchèque, Albert Speer avait déjà constaté l'incroyable légèreté  avec laquelle le Reichsprotektor traitait sa propre sécurité dans un pays pourtant hostile puisque envahi et occupé militairement par l'Allemagne depuis 1939.

Mais plus encore, Speer avait été frappé par le "paradoxe Heydrich", par cet homme qui, à Berlin, au coeur-même du Troisième Reich, soit à l'endroit du monde où il était assurément le moins susceptible d'être victime d'un attentat, multipliait les mesures de sécurité et avait été jusqu'à faire installer dans toutes les pièces de sa résidence - y compris dans sa salle de bain ! - un système d'alarme directement relié aux commissariats des alentours.

A Berlin, avait également noté Speer, les voitures dans lesquelles circulait Heydrich étaient toutes munies "de plaques minéralogiques amovibles (1), de pistolets en face de chaque siège, et de pistolets-mitrailleurs pour ceux assis aux places arrières", alors qu'à Prague, en revanche, "ce même Heydrich circulait en contravention avec les règles qu'il avait lui-même édicté pour la protection des cadres de l'État et du Parti" (1)

Mais plutôt que d'"inconscience" ou de  "désinvolture" dans le chef d'Heydrich, il convient de parler ici encore de "considérations politiques" : en tant que Reichsprotektor, en tant que SS qui a toujours voulu "montrer l'exemple", en tant qu'incarnation ultime du "surhomme aryen" auquel il a lui-même fini par s'identifier, et peut-être aussi en tant qu'éternel adolescent romantique, Heydrich "refusait catégoriquement toute escorte au motif que celle-ci porterait atteinte au prestige allemand et donnerait l'impression qu'il craignait les Tchèques". Il considérait qu'"aussi longtemps qu'il conserverait l'ascendant psychologique, il ne serait pas attaqué - une erreur de jugement fatale comme on allait le voir" (3)

(1) à Prague, Heydrich disposait d'au moins deux Mercedes découvrables, une grosse 770 immatriculée SS-3, et une à peine moins discrète 320 immatriculée... SS-4 !
(2) cité par Gerwarth, op cit, page 276
(3) ibid, page 276

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