L'anecdote vaut mille morts : le 30 juin, alors qu'ils pénètrent dans la petite ville de Grodno (Biélorussie) en tournée d'inspection, Heydrich et Himmler ont la surprise de n'y trouver aucun membre des Einsatzgruppen.
Consternation : la ville abrite la plus importante communauté juive de la région et a pourtant été conquise par la Wehrmacht une semaine auparavant ! Heydrich s'emporte, adresse une sévère réprimande au responsable de l'Einsatzkommando (1) local.
L'affaire remonte jusqu'à Arthur Nebe, chef de l'Einsatzgruppe B, qui se confond en excuses, et garantit à son supérieur que même si "seulement 96 Juifs ont été liquidés dans les premiers jours", il a personnellement donné des ordres pour que cela soit "grandement augmenté" (2)
Et de fait, de retour deux semaines plus tard, les deux hommes ont la satisfaction d'assister à de nombreuses exécutions massives de civils, non seulement à Grodno mais aussi à Oschmiany et Vilnius...
A Augustowo, le chef de l'Einsatzkommando Tilsit, Hans Böhme, est pour sa part bien embêté et se demande si ses hommes, engagés dans diverses "expéditions punitives" au cours des jours précédents, ne sont pas allés trop loin dans l'exécution de civils.
Pas du tout, le rassure Heydrich qui, en compagnie d'Himmler, "approuve entièrement ses actions", ce qui, on s'en doute, ne peut qu'inciter Böhme et ses hommes à poursuivre de plus belle : le lendemain, 300 civils de plus sont passés par les armes; le 18 juillet, le "compteur" de l'Einsatzkommando Tilsit atteint la marque de 3 302 personnes, ce qui ravit Heydrich, lequel, entre deux visites sur le terrain, se prépare activement aux Championnats d'Allemagne d'escrime.
En août, il se classera cinquième...
(1) les quatre Einsatzgruppen engagés en URSS sont divisés en Einsatzkommandos (ou "commandos d'intervention") comprenant eux-mêmes plusieurs Sonderkommando (ou "commandos spéciaux")
(2) Gerwart, op. cit. page 191
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