mercredi 3 mars 2010

2551 - paris perdus

... contrairement à Hitler, le général Tojo n'ambitionnait certes pas de vaincre, ni a fortiori de coloniser, un pays non seulement plus peuplé mais aussi infiniment plus vaste que le sien.

Dans son esprit, et celui de l'État-major impérial, la destruction de la flotte américaine du Pacifique, ancrée à Pearl-Harbor, priverait les Américains de toute possibilité de se "projeter" à l'extérieur de leurs frontières pour plusieurs mois, si pas plusieurs années, ce qui laisserait au Japon le temps nécessaire pour conquérir l'Asie du Sud-Est et une partie du Pacifique, et pour s'y retrancher confortablement, en sorte que les États-Unis, en bonne démocratie soucieuse de préserver la vie de ses soldats, préféreraient sans doute négocier une paix de compromis plutôt que de se lancer dans une coûteuse et fort meurtrière campagne de reconquête.

La suite des événements allait cependant très vite démontrer l'indigence de ce scénario : leurs porte-avions mais aussi leurs infrastructures portuaires intactes, les Américains conservaient une marge de manœuvre qui, bien que limitée, allait néanmoins leur permettre de lancer un raid de bombardement sur Tokyo le 18 avril 1942, soit à peine quatre mois plus tard (1)

En juin, lors de la Bataille de Midway, trois porte-avions américains parvinrent à couler quatre porte-avions japonais en ne perdant qu'un seul des leurs, faisant ainsi basculer le rapport des forces dans le Pacifique et permettant aussi une reconquête qui, au grand dam de l'État-major japonais, s'amorça dès le mois d'août suivant, avec un débarquement à Guadalcanal.

Hitler, de son côté, n'était pas resté inactif, déclarant la guerre aux États-Unis le 11 décembre 1941, quatre jours après l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. "Nous ne pouvons pas perdre cette guerre", s'était-il exclamé, "Nous avons maintenant un allié qui n'a jamais été conquis en trois mille ans!" (2)

Dans l'esprit du Führer, les États-Unis et leurs 130 millions de citoyens seraient en effet tellement occupés dans le Pacifique contre le Japon et ses 70 millions de fanatiques qu'ils ne pourraient plus intervenir en Europe, ni même continuer à consacrer autant d'efforts à soutenir une Grande-Bretagne qui, pour voler à la rescousse de ses propres possessions extrême-orientales, se verrait elle-même contrainte d'affaiblir sa situation militaire à l'Ouest

Il se trompait lui aussi...

(1) Saviez-vous que... 663 à 665
(2) Kershaw, Hitler, tome II, page 649

Aucun commentaire: