... "Leurs canons portaient plus loin. Nous ne pouvions les attaquer de front. Je faisais donc avancer mes chars en tirant des bords, comme des navires en mer et j'essayais de les tourner pour les attaquer par l'arrière". Mais devant cette manoeuvre, les chars lourds soviétiques [des KV-1] se dispersèrent, à l'exception de l'un d'eux qui avait perdu une chenille, et dont le mécanisme de tourelle était bloqué.
Nous prîmes position derrière lui et ouvrîmes le feu. Nous pouvions voir les impacts sur le blindage, mais aucun de nos projectiles ne perçait celui-ci. Puis l'écoutille de la tourelle s'ouvrit (...) Les Russes se décidèrent alors à sortir. Ils étaient en état de choc et abasourdis par les explosions, mais aucun d'eux n'était blessé, même légèrement. Il était déprimant de voir, combien nos canons étaient inférieurs" (1)
Ce témoignage d'un tankiste allemands témoigne des difficultés que rencontrèrent les Panzers dès lors qu'ils se virent confrontés aux KV-1 et, surtout, aux T-34 russes.
La supériorité du KV-1 est d'abord et avant tout liée à son blindage très épais, lequel propulse le poids de l'engin à 48 tonnes, soit à presque 2,5 fois celui des Panzers III et IV. Ce poids élevé rend cependant l'engin moins rapide et beaucoup moins maniable que les tanks allemands.
Mais la supériorité du T-34 est beaucoup plus préoccupante puisque provenant moins du poids que de la conception générale de ce tank dont la silhouette surbaissée n'offre - à la différence de celle du KV-1 - qu'une petite cible aux artilleurs allemands, et le blindage fortement incliné qu'une très petite prise à leurs obus.
Ajoutez-y des chenilles quasiment deux fois plus larges que celles des Panzers (donc plus efficaces dans la boue et la neige), un puissant moteur diesel de 500 CV (moins vulnérable à l'incendie que les moteurs à essence de tous les tanks allemands), un canon de 76mm à haute vitesse initiale (partagé avec le KV-1), ou encore une construction aussi rustique que solide, et vous vous retrouvez face à une recette gagnante et particulièrement difficile à contrer.
Heureusement pour eux, les Allemands peuvent néanmoins compter, comme lors de la Bataille de France, sur de biens meilleures tactiques, le soutien de la Luftwaffe,... et quelques remarquables canons antitanks, à commencer par le célèbre 88mm.
Mais à l'évidence, il importe à présent de trouver une parade à ces blindés soviétiques qui, bien que conçus et fabriqués par des "sous-hommes slaves" s'avèrent nettement supérieurs à ceux des Aryens...
(1) Anthony Beevor, Stalingrad pp 134-135
3 commentaires:
Il faut tout de même relativiser le potentiel et l'usage qui sera fait du T-34, surtout dans les premières années de la guerre (1941-1942).
Le T-34 a aussi de gros défauts de conception : une tourelle trop exiguë (pour deux hommes seulement) qui impose au chef de char d'autres fonctions que celle de commander le blindé. La tourelle n'est d'ailleurs pas dotée d'une coupole, mais seulement de périscopes.
Seul le chef de peloton dispose d'une radio, la communication avec les autres blindés se faisant par... fanions ! Résultat : la tactique russe consistera souvent en une charge compacte et frénétique, en avant-toute.
Seul le chef de char et le conducteur disposent d'un interphone, les autres membres d'équipage (seulement 4 contre 5 pour les Panzer III et IV) ne peuvent donc communiquer directement entre eux.
Enfin, le moteur du T-34 est plus bruyant que celui d'un Panzer III et IV, et pouvait s'entendre au double de la distance de ses homologues Allemands (600m). Sans parler d'une fiabilité mécanique discutable.
Enfin, la formation et la durée de vie d'un équipage russe n'excédait pas quelques semaines, contre plusieurs mois d'entraînement pour les Allemands.
Le potentiel du T-34 ne s'affirmera réellement qu'avec la modification de la doctrine d'emploi de ce char et ses améliorations constantes (tourelle, canon, équipement radio, etc.) en 1943 et surtout 1944.
Tout cela est vrai (je le mentionne d'ailleurs moi-même à diverses reprises), mais n'oubliez pas que nous parlons ici du rendement des armes en tant que telles. Or, sur un plan strictement matériel, il ne fait aucun doute que le T-34 (et le KV-1) sont de bien meilleures armes que les Panzer III et IV, dont la conception est plus ancienne et qui sont sous-blindées et sous-armées. Les Allemandes le reconnaîtront eux-mêmes, en envisageant la possibilité de fabriquer des T-34 pour leur propre compte...
Détail cocasse pêché dans les mémoires de RV Jones , le très british et très humoriste chef du renseignement scientifique anglais:
Hitler se fait présenter des tanks russes capturés sur le front de l'est et s'écrie que ces engins mal finis et mal dégrossis sont de la merde et que les tankistes allemands n'ont rien à craindre d'une armée d'untermenschen équipée de pareilles casseroles.
Présent sur place , le Général - Chevalier (Ritter) Von Thoma, inspecteurdes Panzers , qui a une formation d'ingénieur et qui a suivi l'arme blindée depuis le banc d'essai de la Guerre d'Espagne...
Il sait très bien, lui , que les T34 sont mal finis, tôles brutes mal ébarbées, mal peintes...etc mais comme il les a examinés un peu plus dans le détail il sait aussi que les canons , les roulements et autres usinages cruciaux sont parfaitement réalisés et qu'en plus le moteur Diesel est beaucoup moins susceptible de prendre feu (le gasoil a un "point éclair" très élevé, bien plus que la vapeur d'essence)...mais il ferme sa gueule et ne cherche pas à contredire le génial Fürher sachant très bien qu'il risquerait de lui en cuire.
Capturé par les anglais Von Thoma est interné dans un délicieux manoir anglais en compagnie d'une pléiade d'autres généraux allemands (RV Jones, qui les interroge dit qu'il a le sentiment d'être dans un restaurant de poisson équipier d'un vivier où le client peut choisir le poisson qu'il mangera à son déjeuner)...et bien entendu les anglais ont posé des micros de la cave au grenier , une tactique "ungentlemanlike", qui leur permet d'en apprendre très long, notamment sur les fusées V2.
Publier un commentaire