
... sur le plan de la puissance brute, et même sur celui de la mobilité, le Karl satisfait aux attentes des militaires.
Mais quand le premier exemplaire de série (1) est finalement livré à la Wehrmacht, en novembre 1940, il y a déjà plusieurs mois que la Ligne Maginot - celle-là même qu'il était supposé détruire - a été contournée, la France vaincue, et l'Armistice signé dans une clairière de Compiègne, en sorte que les Karl doivent attendre l'été 1941, et l'invasion de l'URSS, pour connaître enfin le baptême du feu, en particulier contre la forteresse polonaise de Brest-Litovsk (2)

Dit autrement, en URSS comme ailleurs, il reste finalement très peu d'objectifs à ce point irréductibles que seuls les Karl seraient en mesure d'en venir à bout, ce qui explique pourquoi ces mortiers géants, dont la mise en œuvre mobilise des centaines de personnes et des ressources considérables, vont passer l'essentiel de la guerre dans des dépôts plutôt que sur un champ de bataille.

Dans ce qui constitue le grand happening, mais aussi le chant du cygne, de l'artillerie super-lourde, les Karl remplissent enfin la mission pour laquelle ils ont été conçus. Mais entre la fin du siège de Sébastopol (juillet 1942) et l'écrasement de l'insurrection de Varsovie (septembre 1944) il va s'écouler deux ans pendant lesquels ces mortiers construits à grands frais ne tireront aucun obus, si ce n'est, parfois, à l'entraînement.
A Varsovie, sous l'œil impassible des Soviétiques, les Karl contribueront puissamment à la destruction totale de la ville. Complaisamment filmés par les caméras de la Propagande allemande, qui y voit l'occasion rêvée de rappeler la puissance germanique à la face du Monde, ils vont pulvériser un pâté de maisons à chaque tir, puis seront à nouveau réexpédiés en Allemagne, faute d'autre cible potentielle à se mettre sous le canon.
En mars 1945, ils tireront encore une dizaine d'obus contre le Pont de Remagen - sans le moindre succès - puis disparaîtront sans gloire, en même temps que le régime nazi qui les a fait naître mais ne les a pour ainsi dire jamais utilisés...
(1) seulement six exemplaires + un prototype d'essais seront construits
(2) déjà conquise par la Wehrmacht en septembre 1939, la forteresse de Brest-Litovsk était passée sous contrôle soviétique après la capitulation polonaise, et ce en accord avec l'infamant "Protocole secret" du Pacte germano-soviétique d'août 1939
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