... tout au long de sa (brève) carrière, le Tiger I va provoquer non seulement le respect et la terreur chez ses adversaires, mais aussi la frustration et l'épuisement chez ses utilisateurs.
A l'été 1941, la découverte des KV-1 russes donne un brutal coup d'accélérateur aux projets de tanks lourds allemands, qui s'étiolaient depuis 1937. Consultés dans l'urgence, Porsche et Henschel vont soumettre leurs propositions pour un engin disposant du célèbre canon de 88mm à haute vitesse initiale et surtout d'une protection sans égale pour l'époque.
La manière la plus simple, et la plus rapide, d'y arriver consiste tout simplement à accroître l'épaisseur du blindage - qui à l'avant atteint 11 cm - mais avec pour conséquence de propulser le poids à 55 tonnes, soit quasiment trois fois celui d'un Panzer IV.
Trop complexe, avec sa transmission électrique, le prototype de Porsche est finalement écarté (il donnera néanmoins naissance à une petite série du catastrophique chasseur de chars Elefant), ce qui laisse Henschel seul en piste pour construire ce nouveau tank, baptisé Tiger, dont la fabrication en série débute en août 1942.
Au combat, et conformément aux prévisions, le Tiger s'avère un engin formidable, capable à lui seul de décimer les rangs américains, britanniques et même soviétiques... à condition qu'il parvienne à se rendre jusqu'au champ de bataille, et qu'il ne tombe pas en panne.
Car à plus de 3.5 mètres de large, le Tiger est tout simplement trop gros pour les plateformes ferroviaires, ce qui, pour le hisser sur un train, contraint son équipage à lui ôter ses garde-boues, ses roues externes et ses chenilles de combat, puis à lui enfiler des chenilles de transport plus étroites.
Rendu à la gare de destination, ce même équipage doit évidemment répéter l'opération en sens inverse,... puis prier tous les dieux du Walhalla germanique pour que la transmission et le moteur Maybach de 700 CV ne déclarent pas prématurément forfaits.
Comme si cela ne suffisait pas, la suspension à multiples barres de torsion, au demeurant très efficace, est malheureusement trop complexe, tandis que ses roulements affichent une fâcheuse tendance à geler dans l'hiver russe.
Il en résulte donc une fiabilité particulièrement médiocre et encore aggravée par la difficulté d'accès aux différents éléments mécaniques, pour les entretenir ou les remplacer.
Le Tiger tombe donc en panne beaucoup plus souvent qu'à son tour, ce qui pose d'insondables problèmes de dépannage. Vu qu'il n'existe aucun véhicule capable de remorquer pareille masse, la seule solution consiste à recourir aux services de trois ou quatre gros half-track "Famo" placés en file indienne. Une solution qui, on s'en doute, n'est pas facile à adopter sur ou à proximité du champ de bataille
En raison de son poids, il se voit également interdire la plupart des ponts de l'époque, ce qui ne facilite évidemment pas la planification des itinéraires, ni la tâche des logisticiens chargés de lui fournir l'essence qu'il engloutit en quantités astronomiques.
Lent, pataud, et pour le moins massif, il constitue également une excellente cible pour tout chasseur-bombardier en maraude, ce qui s'avère un très gros handicap à l'Ouest, où la supériorité aérienne des Alliés est incontestable.
L'ensemble de ces limitations va donc finir par entraîner la mort du Tiger I, dont la production est arrêtée en 1944, après 1 300 exemplaires seulement.
Les Allemands, pourtant, n'ont toujours pas renoncé à la formule...
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