mercredi 22 mars 2006

1109 - l'heure de Jackson

... la lecture du réquisitoire préliminaire du procès de Nuremberg constitue indubitablement l'heure de gloire de Robert Jackson, celle qui va définir le ton, l'esprit et le but des mois de travaux et d'auditions qui vont suivre

"Ce procès, déclare le procureur général américain, représente l'effort d'ordre pratique de quatre des plus puissantes nations, avec l'appui de dix-sept autres, pour recourir au Droit international afin de faire face à la plus grande menace de notre temps : la guerre d'agression (...)".

"Ce qui constitue l'importance de ce procès, souligne-t-il, c'est que ces prisonniers représentent des influences sinistres qui se dissimuleront de par le monde, bien après qu'eux-mêmes seront retournés en poussières. Nous montrerons qu'ils sont des symboles vivants des haines raciales, du terrorisme et de la violence, de l'arrogance et de la cruauté du pouvoir (...)"

"La véritable partie plaignante à votre barre est la Civilisation", conclut-il. "Dans tous nos pays, la Civilisation est encore imparfaite et elle doit lutter. Elle ne prétend pas que les États-Unis ou tout autre pays n'ont pas une part de responsabilité dans les circonstances qui ont fait du peuple allemand une proie facile pour les flatteries et les menaces des conspirateurs nazis. Mais elle souligne l'épouvantable suite d'agressions et de crimes que j'ai énumérés (...)"

"La seule ressource des accusés, prévient Jackson, peut seulement résider dans leur espoir que le Droit international soit tellement en retard sur le sens moral de l'Humanité qu'une conduite que ce sens moral qualifie de criminelle ne puisse être considérée comme répréhensible aux yeux du Droit. La Civilisation demande si le Droit est lent au point d'être absolument inefficace lorsqu'il s'agit de crimes d'une telle ampleur commis par des criminels. Elle n'espère pas que vous puissiez rendre la guerre impossible, mais elle espère que votre décision placera la force du Droit international, ses prescriptions, ses défenses, et surtout ses sanctions, au service de la paix, en sorte que les hommes et les femmes de bonne volonté, dans tous les pays, puissent avoir la permission de vivre sans en demander l'autorisation à quiconque, sous la protection du Droit" (1)

(1) Wieviorka, pp 44 à 46

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