jeudi 9 mars 2006

1096 - Sauckel : l'arriviste

... comme beaucoup d'arrivistes médiocres, Fritz Sauckel doit l'essentiel de sa carrière à son engagement précoce dans le national-socialisme - il intègre le NSDAP en 1922 - qui lui permet de devenir Gauleiter de Franconie en 1925, et député au Reichstag en 1933. Mais le véritable élan dans sa carrière se produit en 1942, lorsque Hitler le charge du recrutement de tous les travailleurs destinés à l'effort de guerre allemand.

Les besoins en main d'oeuvre sont gigantesques et la plupart des Allemands déjà occupés en usines ou mobilisés sur le Front. Il faut donc importer de toute urgence une pléthore de travailleurs étrangers. Sauckel en recrutera ainsi plus de cinq millions dans toute l'Europe, certains sur base volontaire, la plupart contraints et forcés (1) Le rôle essentiel de Sauckel - le seul qu'il se reconnaît - est donc de satisfaire les demandes insatiables du Ministre de l'Armement Albert Speer, comme lorsque ce dernier - qui ne se soucie nullement des détails pratiques - lui réclame, en août 1942, un million de travailleurs russes à livrer avant la fin octobre.

"J'ai toujours essayé de promouvoir la bonne entente entre les Russes et les Allemands, souligne Sauckel, (...) j'ai essayé d'obtenir des tickets et des vivres pour les prisonniers de guerre russes (...) Je n'avais rien à voir avec les camps de concentration, qui étaient du ressort de Himmler (...) Ma tâche était d'affecter des prisonniers de guerre et la main d'oeuvre étrangère aux usines ou aux chantiers en cours. Je n'avais rien à voir les châtiments, les criminels et tout ça. C'était le travail de Himmler (2)

Aux audiences, chacun s'accorde à reconnaître en Sauckel le personnage le plus méprisable après Julius Streicher, véritablement hors concours."C'est le type de l'homme consciencieux mais obtus, fanatique et mesquin à la foi, immensément orgueilleux, d''un terrible orgueil de race, et dépourvu d'intelligence. Surtout, il n'a pas d'âme" (3)

Un portrait aussi peu flatteur, et qui contraste aussi singulièrement avec celui d'un Albert Speer élégant et plein de contrition, ne peut que desservir Sauckel à l'heure du jugement. Reconnu coupable au même titre que Speer pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'Humanité", Sauckel est condamné à mort quand Speer n'écope que de 20 ans de prison.

"Je suis innocent, cette condamnation est une erreur !" s'écrie Sauckel avant que la trappe ne s'ouvre sous ses pieds


(1) Sauckel lui-même reconnaître que sur ces cinq millions de travailleurs, seuls deux cents mille ont été recrutés sur base volontaire
(2) Gellately, page 271
(3) Wieviorka, page 169

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