mercredi 8 mars 2006

1095 - Von Schirach : celui qui croyait en Hitler

... dès son accession au Pouvoir, Adolf Hitler n'a de cesse que d'embrigader la Jeunesse afin de mieux la préparer au métier des armes et lui faire découvrir les charmes du national-socialisme.

Le 01 décembre 1936, un décret rend donc obligatoire l'affiliation aux "Jeunesses hitlériennes" pour tous les jeunes-gens et jeunes-filles d'Allemagne âgés de 14 à 18 ans. A la fin de l'année, cette organisation, fondée en 1933, ne compte pas moins de 5 437 601 membres...

A sa tête, on trouve Baldur Von Schirach qui, comme la quasi-totalité des "gros poissons" du nazisme, a adhéré au NSDAP dès le début des années 1920 et entretient des rapports d'amitiés avec Hitler, en particulier depuis qu'il a épousé, en 1932, une ancienne maîtresse de Hitler, Henriette Hoffman, qui n'est autre que la fille du photographe personnel de Hitler, Heinrich Hoffman, chez lequel travaille également une jeune apprentie nommée... Eva Braun (1)

"J'ai essayé de construire quelque chose qui rassemblait toutes les classes de la Jeunesse", déclare Von Schirach à Nuremberg. "C'était un État de la jeunesse qui incluait les enfants des classes ouvrières aussi bien que les enfants des familles aristocratiques (...) Notre bataille pour 18 jours de vacances par an pour chaque jeune-homme a été un succès (...) si vous voulez comprendre l'essor stupéfiant du mouvement de la jeunesse au cours des dix dernières années, vous devez observer l'effet sur un garçon de dix ou douze ans. Un garçon de cet âge ne s'intéresse pas à la politique. Il faut lui donner quelque chose d'utile. L'idée d'autodirection et d'autogouvernement - chaque garçon a la responsabilité de lui-même et de sa petite tâche" (2)

Contrairement à ce que l'on imagine, si le nom de Von Schirach reste étroitement associé à celui, aujourd'hui considéré comme infamant, des "Jeunesses hitlériennes", le Tribunal de Nuremberg juge finalement plus sage de ne pas chercher à le condamner sur cette base (3), qui constituait pourtant la plus grande partie de ces activités. Après tout, techniquement, les si décriées "Jeunesses hitlériennes" n'étaient rien d'autre qu'une version simplement un peu plus "musclée" du scoutisme et des différents mouvements de jeunesse qui, à la même époque, et y compris dans les pays démocratiques, embrigadaient la jeunesse et la préparaient à l'obéissance et au métier des armes.

En conséquence, si le Tribunal "reconnaît que von Schirach a bel et bien utilisé les Jeunesses hitlériennes pour éduquer la jeunesse allemande dans l'esprit du national-socialisme", il est également forcé de convenir que "en dépit de la nature belliqueuse des activités des Jeunesses hitlériennes", il n'est pas en mesure de retenir "que von Schirach était impliqué dans les plans d'agression de Hitler". Exit donc l'accusation de "complot"

Comme Von Schirach n'est pas poursuivi pour le chef d'accusation numéro deux ("crimes contre la Paix") ni trois ("crimes de guerre"), ne reste plus, pour le condamner, que le chef d'accusation numéro quatre ("crimes contre l'Humanité"). Justement, Von Schirach a également été Gauleiter et Gouverneur de Vienne et, à ce titre, "a participé à la déportation des Juifs". Néanmoins, là encore, le tribunal est forcé de reconnaître que "Lorsque von Schirach est devenu Gauleiter de Vienne, seuls 60 000 des 190 000 Juifs viennois s'y trouvaient encore" et aussi que "Von Schirach n'avait pas initié ces pratiques", même si "il n'y avait pas moins pris part"

En conséquence, Von Schirach se retrouve condamné à 20 ans de prison. Une sentence qui, au regard des faits véritablement retenus et démontrés contre lui, paraît exagérément sévère. Libéré de Spandau en 1966, Von Schirach se lance alors dans la publication de ses mémoires, sobrement intitulées "Je croyais en Hitler"


(1) pour une description des rapports compliqués entre Hitler et Eva Braun : Guido Knopp "Hitler et les femmes", pp 79 à 130
(2) Gellately, pp 303-304
(3) pour la même raison, les "Jeunesses hitlériennes" n'ont d'ailleurs jamais figuré sur la liste des "Organisations criminelles" jugées à Nuremberg

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