lundi 6 mars 2006

1093 - Funk : le Calimero

... petit, rondouillard, larmoyant, Walther Funk est un Calimero égaré dans un monde trop injuste.

Journaliste économique, il se retrouve, un peu par hasard, catapulté Ministre de l'Économie, puis Président de la Reichsbank au gré des évictions successives de Hjalmar Schacht, qui le méprise d'ailleurs souverainement.

A Nuremberg, Funk se présente à la barre comme l'homme de paille inoffensif, celui qui n'était au courant de rien et se contentait d'apposer sa signature sur les documents qu'on lui présentait. En privé, dans sa cellule, il ne cesse de se plaindre de son sort et de l'intolérable dégradation de son statut social

"Nous avions une merveilleuse cuisinière qui avait autrefois travaillé pour un frère de l'empereur François-Joseph. (...) Ma cave à vins était réputée pour ses vins rares du Rhin et de la Moselle, et nous avions de la Chartreuse qui venait des cloîtres mêmes où on la fabriquait (...) Les Russes ont pillé ma maison de Wannsee. J'avais une bibliothèque de quatorze mille livres (...) Je peux encore vous dire où se trouvait chaque livre (...) Ma maison de Bad Tölz avait aussi une belle bibliothèque, mais plus petite (...) C'est ma femme qui l'avait décorée et meublée de pièces anciennes, dont un sanctuaire baroque de Würzburg (...) Ma femme dit que les Américains ont laissé les choses intactes mais que des Allemands et des Polonais ont volé des effets personnels tels que du linge et des habits (...) Ma nièce y habite et se charge de mon ancien personnel domestique" (1)

Indubitablement, le personnage suscite sinon la sympathie, du moins une certaine indulgence chez les juges qui, même s'ils le décrivent comme complice de nombreux crimes - et en particulier du recel d'or et de bijoux littéralement arrachés aux Juifs des camps - lui reconnaissent néanmoins des circonstances atténuantes : "en dépit du fait qu'il occupa des postes officiels importants, déclare le Tribunal, Funk ne joua jamais un rôle prépondérant dans les différents programmes auxquels il participa. C'est une circonstance atténuante que le tribunal retient en sa faveur" (2)

Et de fait, bien que reconnu coupable des trois derniers chefs d'accusation, Funk n'est condamné qu'à la prison à vie

"Ils ne vont pas me garder en prison toute ma vie, n'est-ce pas ?" (3) demande-t-il, visiblement surpris, peu après l'énoncé du verdict.

Il a tort de s'en faire : en 1957, il est libéré de la prison de Spandau pour "raisons de santé" et meurt paisiblement à Dusseldorf, le 31 mai 1960

(1) Gellately, page 146
(2) Wieviorka, page 166
(3) ibid, page 176

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