vendredi 3 mars 2006

1090 - Schacht : l'insaisissable

... avec Hjalmar Schacht, le Tribunal de Nuremberg quitte la sphère des avocats et des militaires pour entrer directement dans celle des banquiers.

Fils d'un riche commerçant danois, et élève brillant, Schacht entre à la Dresdner Bank en 1903. Président de la Reichsbank dès 1923, il démissionne sept ans plus tard afin, dit-il, de protester contre le paiement des réparations de guerre dues au terme du Traité de Versailles de 1919. Voyant en Hitler une sorte de "sauveur de l'Allemagne", Schacht lui apporte son soutien, et introduit le petit parvenu autrichien dans les milieux financiers. Reconnaissant, Hitler le replace à la tête de la Reichsbank dès mars 1933, puis le nomme Ministre de l'Économie en 1934, un poste qu'il occupe jusqu'en 1937, avant d'en être évincé par Hermann Goering.

Schacht conserve néanmoins la direction de la Reichsbank. Cependant, dès 1938, l'Allemagne nazie se retrouve au bord de la faillite. Ses réserves d'or et de devises sont inexistantes, et même l'or issu, sans bourse délier, des banques centrales tchèque et autrichienne après l'annexion de ces pays ne peut combler les brèches. Le 7 janvier 1939, Schacht se résigne donc à adresser un mémorandum à Hitler, dans lequel il lui explique, en termes néanmoins prudents, qu'il est impératif de réduire les dépenses publiques qui, de 1933 à 1939, ont été consacrées à 52% au réarmement.

Mais Hitler, non content de se prendre pour un fabuleux stratège, s'imagine aussi prodigieux économiste : il limoge Schacht et n'aura plus de cesse que de s'emparer de tout l'or qu'il pourra trouver dans toutes les banques centrales des pays qu'il va bientôt conquérir. Schacht reste toutefois ministre sans portefeuille jusqu'en janvier 1943. Un an plus tard, ses amitiés avec les comploteurs du 20 juillet lui valent d'être arrêté et expédié à Dachau jusqu'à sa libération par les Américains... qui l'enferment cependant peu après afin de le traîner devant le Tribunal de Nuremberg en tant qu'ancien ministre de Hitler.

Avant même le début du procès, tout le monde sait déjà que culpabilité de Schacht à l'égard des deux premiers chefs d'accusation dont il fait l'objet - "complot" et "crimes contre la Paix" - sera très difficile à établir. Mais lorsque le Tribunal, après avoir examiné les preuves retenues contre lui, le déclare non coupable de tous les crimes visés par l'acte d'accusation, c'est néanmoins la stupeur... y compris parmi ses avocats, qui ne s'attendaient pas à un tel verdict.

Schacht n'en a pourtant pas fini avec la Justice,... ni avec la Gloire. Libéré par les Américains, il est aussitôt arrêté par la police allemande qui, après de multiples péripéties juridiques, parvient à le traîner devant un tribunal de dénazification. Emprisonné jusqu'en 1947, condamné à huit ans de réclusion, il est acquitté en appel. En 1948, à 71 ans, Schacht se retrouve donc libre mais sans ressources. Qu'à cela ne tienne : il part comme conseiller économique en Indonésie, travaille plusieurs années au Proche-Orient, rédige deux autobiographies qui se transforment en autant de best-sellers, et meurt à Munich en 1970, à l'âge de 93 ans.

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