vendredi 27 janvier 2006

1055 - le gringalet

... avant même le début de la Seconde Guerre mondiale, les comptables du monde entier s'étaient rendus compte que si les performances des avions ne cessaient d'augmenter, leur complexité - et surtout leur coût - ne cessaient eux aussi de suivre une courbe exponentielle.

Conscients du phénomène, et des risques que cette véritable explosion des budgets faisaient peser sur leur activité, les constructeurs explorèrent, à différentes reprises, la piste du "chasseur léger", volontairement simple (pour ne pas dire "simpliste"), construit bien évidemment en matériaux non stratégiques (le plus souvent en bois) et le plus légèrement possible, ce qui impliquait évidemment un armement réduit, une quasi-absence de blindage, et un moteur choisi davantage pour son économie que pour ses performances.

Naturellement, l'engin devait néanmoins demeurer capable d'affronter ses rivaux plus lourds, plus puissants, plus sophistiqués et plus coûteux, ce qui, si cela s'était avéré réalisable, aurait assurément amené les comptables à se demander pour quelle mystérieuse raison ils avaient honoré pendant des années les factures de ces derniers (!) Mais, comme il fallait s'y attendre, du Caudron-Renault au Heinkel "Volksjager", en passant par le Bell XP-77, la formule du "chasseur léger et économique" n'aboutit en réalité qu'à créer des gringalets non seulement incapables de se mesurer à leurs rivaux plus costauds, mais coûtant de surcroît presque aussi cher qu'eux...

Construit presque entièrement en bois, et minimaliste à tout point de vue (1 500 kgs et deux mitrailleuses seulement), le Bell XP-77 contrastait singulièrement avec le reste d'une production américaine débordant littéralement de mitrailleuses, plaques de blindage et chevaux vapeurs.

Avec 500 CV seulement - le quart de ce dont disposait un "Corsair" ! - les performances du XP-77 s'avérèrent également si pitoyables que l'USAAF, qui en avait commandé 25 exemplaires "pour voir" en 1942, décida deux ans plus tard d'y renoncer avant même les premiers vols,... qui démontrèrent l'inutilité totale du programme et de l'argent qui y avait été investi...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour,
blog très informatif et complet...je pense que les tentatives persistantes de divers états majors pour promouvoir des chasseurs légers ont diverses origines: L'une, lointaine, est le mythe biblique de David et Goliath, et l'autre , plus contemporaine, est la furia médiatique et sportive qui entourait les grands prix de vitesse aériens de la période des années 30 (La coupe Deutsch de la Meurthe, le trophée schneider pour les hydravions , les démentielles courses sur pylône des années 20 et 30 aux USA,immortalisées par le roman de William Faulkner "Pylône", et le film qui en fut tiré par Howard Hawks , lui même pilote acrobatique et "barnstormer").
La maison Caudron Renault (et son pilote Henri Détroyat, "prêté" pour la circonstance par le concurrent Morane-Saulnier) avaient frappé un grand coup en 1936 avec le très fluet et très sophistiqué Caudron "Rafale" qui avait littéralement laminé la concurrence américaine à domicile lors des National Air Races, humiliant la concurrence américaine avec un appareil propulsé par un modeste moteur 6 cylindres en ligne de "seulement" 350CV (les champions américains de la spécialité utilisaient des monstres comme le Laird Turner"solution"de Roscoe Turner ou le très dangereux Gee Bee de Doolittle, propulsés par des moteurs en étoile gargantuesques donnant 2 à 3 fois plus de puissance.
Les armes secrètes de Caudron étaient son train escamotable (les ricains se contentaient de caréner leurs roues avec des "guêtres" plus ou moins bien profilés) son hélice Ratier à pas variable (un système pneumatique qu'il fallait gonfler à la pompe à vélo et qui était à sens unique , obligeant à atterrir avec l'hélice au grand pas, interdisant toute reprise d'altitude sur une approche manquée, un "léger détail" qui coûtera la vie à la charmante aviatrice Hélène Boucher qui faisait partie de la même "écurie de courses".)
De plus le caudron était profilé avec un soin maniaque par l'ingénieur Riffard et laqué avec les mêmes techniques qu'un piano de concert, ce qui donne un remarquable bonus question résistance de trainée.
Dès 1937 les américains avaient sorti des copies plus ou moins inspirées du Caudron (avec un moteur menasco lui aussi très inspiré du renault .
L'apport de la course au pylône est indéniable dans l'avènement du chasseur monoplan monomoteur de la 2° GM, le Spitfire devait beaucoup aux hydravions Super marine de la coupe Schneider, le Mammouthesque Thunderbolt P47 est issu des avions de courses Seversky P36 pilotés entre autre par Jacqueline Cochrane, mais les exigence de la guerre imposaient l'emport de plus de carburant que pour quelques tours de circuit à pleine balle (Le Dewoitine 520 , entre autres pouvait franchir la Méditerranée sans réservoir largable) et surtout de mitrailleuses et de canons.
Le problème c'est le degré plus ou moins réussi de l'adaptation de la course à la série...à usage militaire . A ce niveau là les américains avaient un certain avantage car leurs avions de course , construits dans une optique de "force brute" (no replacement for displacement) étaient plus facilement transformables en avions de combat que les délicates merveilles volantes de Caudron ou d'AerMacchi.

Anonyme a dit...

On retrouve d'ailleurs cette différence de philosophie dans les courses motonautiques de l'époque (les démentiels canots automobiles américains de Garfield Wood propulsés par pas moins de 4 moteurs...aviation de 1000CV attelés sur 2 hélices face au petit mais véloce "Alagi" du comte italien Téo Rossi di Montelera (l'héritier richissime des vins et apéritifs Martini & Rossi)avec son unique moteur...d'avion Isotta Fraschini ou le petit monstre de l'anglais Hubert ScottPaine , le Miss Britain, propulsé par un moteur d'avion (encore) , un Rolls Royce "R" autrement dit une version course du Merlin et construit bien entendu en aluminium avec des techniques aviation, un modernisme relevant de la Science Fiction nautique pour la fin des années 30.
Même chose en course automobile et ce jusqu'à nos jours (la Chevrolet Corvette, la monstrueuse Dodge "Charger", et la non moins violente Ford GT 40 face aux merveilles de mécanique de Ferrari ou aux agiles Lotus de Colin Chapman) ....l'Amérique ou le triomphe du "Plus c'est gros , plus c'est beau"...