mardi 17 janvier 2006

1045 - ... aux déconvenues de la flèche inverse

... si l'aile en flèche permettait d'augmenter la vitesse maximale des avions, elle dégradait également leur comportement à faible vitesse et basse altitude, au point de les rendre dangereux, ce qui imposa très vite l'ajout de cloisons et autres volets hyper-sustentateurs, forcément lourds et compliqués.

Pour pallier cet inconvénient, les ingénieurs de Junkers eurent alors une idée ahurissante et à vrai dire digne d'un roman de Jules Vernes : inverser le sens de la flèche, qui se retrouva donc orientée non pas vers l'arrière (comme dans tous les avions à réaction actuels) mais bien vers l'avant (!)

Aérodynamiquement, et à la différence de l'aile en flèche arrière, l'aile en flèche inverse permettait aux extrémités des plans de ne décrocher qu'en tout dernier lieu, ce qui rendait l'avion beaucoup plus sûr et stable à faible vitesse. En revanche, elle augmentait considérablement les contraintes en torsion, au point qu'il fut rapidement jugé nécessaire de disposer les moteurs très en arrière des ailes, afin de tenter d'en limiter les effets.

Même ainsi, le concept semblait si étrange, et à vrai dire si éloigné du simple bon sens, qu'on décida d'en valider la pertinence sur un avion expérimental - le Junkers 287. Pour gagner du temps, et de l'argent, cet appareil devait être construit avec un maximum de pièces déjà existantes et même... avec des pièces récupérées sur des avions américains abattus. Les roues avant (non escamotables) provenaient ainsi d'un bombardier américain B24 "Liberator", le fuselage d'un Heinkel 177 "Greif", le train d'atterrissage principal d'un Junkers 352, et la queue d'un Junkers 388 (!)

Il en résulta un véritable monstre, dont la laideur criante ne fit certes pas grand-chose pour améliorer les préjugés déjà considérables envers l'aile en flèche inverse. Conçu en tant que biréacteur, le Junkers 287 était tout simplement trop lourd pour décoller. Il fallut donc lui adjoindre deux autre réacteurs, montés de part et d'autre du fuselage et, comme ce n'était pas encore suffisant, deux fusées largables d'appoint sous les ailes.

Plusieurs essais en vol purent être menés avant la fin de la guerre. Mais, bien qu'effectivement très stable, le Junkers 287 fut loin d'atteindre les performances calculées. Capturés par les Soviétiques, les prototypes de l'avion furent ensuite modifiés par leurs soins, et brièvement testés, sans qu'aucune production en série n'en résulte. Aujourd'hui encore, l'aile à flèche inverse demeure pur caprice d'ingénieur...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

"Aujourd'hui encore, l'aile à flèche inverse demeure pur caprice d'ingénieur"

Pas tout à fait, le Soukhoi SU-47 et le Grumman X-29 volent bel et bien !

D'Iberville a dit...

A combien d'exemplaires et de vols quotidiens ?