dimanche 17 avril 2005

770 - prévenir mais pas guérir

... si les démocraties peuvent tuer autant que les dictatures, elles se doivent en revanche de justifier les morts et de tenter autant que possible de les éviter.

En 1939, ce sont d'ailleurs des tracts, et non des bombes, que l'on largue par tonnes au dessus des villes allemandes. Dès 1940, les tracts précèdent, ou suivent, les bombardements. Le tract ajoute en effet une dimension psychologique à la force brute. Lancé avant la bombe, il prévient les civils de ce qui va leur arriver s'ils ne quittent pas les villes et les usines d'armements. Lancé après le raid, il le justifie et explique les raisons qui ont poussé à s'en prendre à cette ville-ci et cette usine-là,... même si, dans les faits, tous les projectiles sont tombés à côté de la cible visée et décrite dans le tract.

"Dans un tract étrange, largué par tonnes à l'automne 1943 au dessus de Hanovre, "A la population civile des régions industrielles allemandes", Churchill évoque son appel du 10 mai 1942, au début de la guerre des bombardements. La population civile des villes ayant une production intéressant l'armement devait en partir. (...) Tant qu'il y aura une production de guerre en Allemagne, "toutes les villes industrielles allemandes constitueront un théâtre d'opérations. Un civil qui se trouve sur ce théâtre d'opérations court évidemment autant de risques de perdre la vie qu'un civil qui se trouve sans autorisation sur un champ de bataille. S'agissant des femmes et des enfants, ils n'ont rien à faire sur un champ de bataille" (*)

Naturellement, le simple fait de ramasser, de lire, de distribuer les tracts ainsi tombés du ciel constitue un délit grave qui, à la fin du conflit, vaut même la peine de mort à celui qui s'en rend coupable. Sans autorisation de l'État, il est cependant impossible de quitter les villes. C'est en effet l'État qui permet aux civils de prendre la fuite ou qui, au contraire, les force à rester sur place et dans des villes officiellement devenues "forteresses" même si dépourvues du moindre rempart.

De toute manière, le principal obstacle à l'exode est le citadin lui-même, plus que réticent à l'idée de quitter sa ville, de laisser sa maison sans surveillance, à la merci des pillards, et de partir "à la campagne", dans des régions et des villages qu'il ne connaît pas et où il est loin d'être toujours le bienvenu.

C'est ce qui explique pourquoi la plupart des habitants de Hanovre, déjà bombardée en février 1941, sont encore présents sur place le 8 octobre 1943, lorsque le Bomber Command britannique incinère 10 kilomètres carrés du centre ville, y tuant près de 1 200 personnes...

(*) Jorg Friedrich, "L'Incendie", page 209

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