dimanche 12 décembre 2004

644 - le soleil levant

... au terme du Traité de Washington de 1922, le Japon, la France et l'Italie ne pouvaient plus posséder et mettre en oeuvre que 10 cuirassés chacun.

Les Japonais, qui avaient écrasé la marine russe à Tsou-Chi-Ma en 1905, et participé aux côtés des Alliés à la défaite de l'Allemagne en 1914-1918, s'estimèrent lésés par ce Traité qu'ils avaient signé de fort mauvaise grâce et qui, selon eux, correspondait à un "complot de Blancs" (les États-Unis et l'Angleterre, dotés chacun de 18 cuirassés) pour maintenir le Japon à un rang inférieur.

Ne pouvant construire de nouveaux cuirassés avant 10 ans, ils commencèrent donc à exploiter fort subtilement toutes les clauses autorisant la modernisation des bâtiments existants,... y compris ceux qui, officiellement du moins, avaient été déclarés "démilitarisés".

Le Kongo et ses trois frères furent ainsi entièrement reconstruits de la proue à la poupe, allongés de plus de 7 mètres, et renforcés de multiples plaques de blindage tandis que leurs moteurs étaient remplacés, faisant passer la puissance de 64 000... 136 000 CV.

En matière de bâtiments neufs cependant, le Japon ne pouvait espérer rivaliser avec les États-Unis. Sachant cela, l'État-major impérial décida de se contenter d'un plus petit nombre de navires,... pour autant qu'ils soient les plus puissants que l'on puisse réaliser.

Mais pour construire les plus puissants cuirassés du monde, il fallait enfreindre un Traité qui avait fixé à 35 000 tonnes le poids maximal d'un cuirassé.

Le Japon allait s'y consacrer au delà de l'imaginable...

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Bonjour!
Bravo pour votre blog très intéressant...
On pourrait dire que dès le départ la carrière du Kongo a été placée sous le signe de la tricherie: Les japonais avaient mis en concurrence deux marchands de canons (Siemens _allemand et Vichers _britannique et présidé par le trop fameux Basil Zaharoff) pour fournir son armement. Les allemands avaient offert un pot de vin de 15% aux amiraux japonais sur quoi Zaharoff renchérit et emporta le morceau avec un pot de vin encore plus goûtu de 25%...mais les allemands avaient démasqué la manoeuvre et causèrent un scandale retentissant qui expédia le vice amiral Kazu en prison pour 3 ans , causa la démission du premier ministre et provoqua la démission en bloc du conseil d'administration de la firme Mitsui, le partenaire japonais de la Vickers.

Tricheries ensuite avec les refontes du navire: il y eut deux refontes successives qui firent passer le poids de son blindage de 6500 à 10300 tonnes en violation flagrante du traité de Washington...les refontes du Kongo étaient des tours de force d'ingénierie : les 32 chaudières d'origine anglaise (chauffe au charbon) furent remplacées par 16 chaudières mixtes puis , au cours d'une seconde refonte par 11 chaudières japonaises Kampon "tout au mazout" à haute pression . Il y eut aussi deux changements des turbines de propulsion (turbines à entraïnement direct lors de la première refonte puis turbines à réduction d'engrenages lors de la seconde...

Quand on a quelques lumières sur la construction navale, il s'agit d'un travail titanesque, sidérant et hors de toute considération économique raisonnable , c'est de la chirurgie à coeur ouvert en particulier pour les réducteurs des turbines qui normalement sont quasiment construits avec la coque dès le début du chantier et se trouvent dans les entrailles les plus profondes du navire...avec çà le Kongo, né Croiseur de bataille (26ou 27 noeuds en pointe) est devenu cuirassé à la première refonte (28 noeuds en pointe , puis cuirassé rapide (autour de 30 noeuds ) lors de la seconde...on croirait avoir affaire au boulot des hot-rodders américains qui transformaient une vieille ford d'avant guerre en voiture de course tapant le 170 à l'heure, mais là c'est d'un joujou de près de 40 000 tonnes dont on parle.

En matière de vitesse navale ce sont les derniers noeuds (ou fractions de noeud)les plus coûteux en puissance: Le Paquebot Normandie avait remporté le Ruban bleu à près de 30 neuds avec sa révolutionnaire machinerie turbo-electrique en régime normal à 160000 CV (une puissance électrique suffisante pour faire fonctionner tout le réseau parisien du Métro de l'époque). Battu de quelques dixièmes de noeuds par le Queen Mary, les français firent alors fonctionner les machines en régime dit de "super surcharge"(une possibilité étudiée dès la conception qui permettait de gagner encore 40 000CV soit 200 000 en tout)

Avec ce "gonflage d'usine" assorti de nouvelles hélices à 4 pales et d'un carénage soigné, le Normandie reprit le ruban bleu avant de le re-perdre d'un souffle face au Queen Mary. Le chef mécanicien du Normandie ,l'ingénieur Jean Hazard parla dans ses mémoires d'une "débauche de puissance, injustifiable autrement que pour des raisons de prestige et de notoriété" ...parole d'orfèvre s'il en fut...