lundi 24 novembre 2025

9099 - Oui,... mais plutôt non

MacArthur et Hirohito, en septembre 1945 : quand les USA écrasent physiquement le Japon...

... car à Washington, la réponse pour le moins alambiquée du gouvernement japonais à la Déclaration de Potsdam, ou plus exactement l'exigence d'une "condition impériale", a suscité bien plus de colère que de satisfaction !

Ces perfides Japonais, pense-t-on, ne cherchent une fois de plus qu’à gagner du temps et n’ont décidément toujours rien compris à la signification, peut-être trop occidentale pour eux, d’une Capitulation… "sans condition" !

Pour autant, au Département d’État, et plus encore, à des milliers de km de là, au Foreign Office britannique, chacun comprend les difficultés que rencontrent en ce moment les modérés japonais,… et aussi qu’il ne serait finalement profitable à personne de renforcer le camp des ultras qui, s’ils venaient à l’emporter pour de bon à Tokyo, contraindraient alors les États-Unis soit à débarquer en force au Japon, soit à lancer une campagne de bombardement nucléaire massive, qui se traduirait par le génocide de toute la population japonaise,… deux perspectives aussi peu enthousiasmantes l’une que l’autre.

Reste qu’en acceptant cette "condition impériale" réclamée par le gouvernement Suzuki, on reviendrait bel et bien sur l’exigence d'une Capitulation… "sans condition" qui depuis deux ans constitue le fondement-même de la politique américaine, et qu’on donnerait aussi aux Japonais l'impression qu’ils sont, jusqu’au bout, demeurés maîtres de leur Destin !

Alors, dans l’après-midi du 10 août, le Président Truman se décide à endosser une note de compromis rédigée par le Secrétaire d’État James Francis Byrnes, laquelle stipule "qu'à partir du moment de la capitulation, l'autorité de l’Empereur et du gouvernement japonais pour gouverner l'État sera soumise au Commandant suprême des puissances alliées" - autrement dit au général MacArthur - et aussi que "la forme ultime de gouvernement du Japon sera établie par la volonté librement exprimée du peuple japonais lui-même". 

dimanche 23 novembre 2025

9098 - La guerre est donc terminée ?

Bâtiments de l'aérodrome de Tokishuma, attaqués par des avions de la BPF

… côtes du Honshu, 10 aout 1945, 21h00

Quelques heures plus tard, et à quelques centaines de km de là, Britanniques et Américains se remettent quant à eux à la besogne

"Le 10 août fut une autre journée fructueuse, avec 372 sorties aériennes et des frappes contre des navires à Okkaichi et Onagawa Wan, ainsi que sur les aérodromes de Masuda, Matsushima et Koriyama. 

Les artilleurs antiaériens japonais furent efficaces jusqu'au bout ; un Corsair, un Avenger et deux Firefly furent détruits lors d'une frappe combinée à Koriyama. 

Le bilan de la journée s'établit à seize avions ennemis détruits et trente et un endommagés ; deux destroyers, deux navires d'escorte, divers autres navires, des locomotives, du matériel roulant et des installations aéroportuaires furent également endommagés. 

La dernière frappe eut lieu à 18h00 et les flottes se retirèrent" (1)

A 21h00, une nouvelle sensationnelle se propage sur le King George V : selon une agence de Presse nippone, le Japon a accepté les termes de la Déclaration de Potsdam !

La guerre est donc terminée ? 

Oui,… mais plutôt non

(1) Winton, op cit, page 436

samedi 22 novembre 2025

9097 - où l'on repart pour un tour de manège

Hirohito, sur le pont du cuirassé Musashi, en 1943 : une constante complicité avec l'Armée

… Tokyo, 10 août 1945

L’Empereur-Dieu parti, tous les participants à la Conférence, en ce compris les militaires, signent alors un document présenté par Togo et approuvant la décision impériale.

Mais alors que l’horizon semble enfin s’éclaircir, les représentants militaires s’empressent toutefois d’introduire un amendement, qui accepte la Déclaration de Potsdam "sous réserve que la déclaration alliée ne comporte aucune exigence qui porterait atteinte aux prérogatives de Sa Majesté en tant que Suzerain".

On est donc bel et bien reparti pour un nouveau tour de manège,… puisque le caractère hautement alambiqué de cette formulation ne manquera pas de faire bondir les Américains, tant il se prête à une multitudes d’interprétations possibles !

Dans le même temps, et au propre comme au figuré, les ultras parmi les ultras fourbissent leurs armes et ourdissent carrément un Coup d’État, qui se traduirait par l’arrestation et l’assassinat de tous les politiciens favorables à Potsdam, la création d’un nouveau gouvernement décidé à poursuivre la guerre jusqu’au bout, fut-ce au prix d’un Holocauste général, et, si nécessaire, la destitution de l’Empereur lui-même !

Chacun retient son souffle et attend à présent une réponse des Alliés, ou plus exactement une réponse des Américains, puisque ce sont les seuls qui, depuis le début, dictent le tempo

vendredi 21 novembre 2025

9096 - supporter l'insupportable

Hirohito, passant l'armée en revue sur son cheval blanc, en 1938

… Tokyo, Palais impérial, 9 août 1945, 23h50

Peu avant minuit, dans l’abri antiaérien du Palais impérial, une conférence extraordinaire a quant à elle été convoquée par l’Empereur-Dieu. 

En principe décisive, cette conférence débute par la lecture du texte de la Déclaration de Potsdam mais, comme c’est le cas depuis des semaines, les uns et les autres sont encore loin de s’accorder sur la réponse à lui donner !

Togo, Ministre des Affaires étrangères, se déclare ainsi prêt à l’accepter… à condition qu’une clause soit introduite garantissant le statut actuel de l’Empereur, tandis qu’Anami, Ministre de la Guerre, continue de prêcher la résistance à outrance.

A 02h00, voyant que l’on ne fait une fois de plus que tourner en rond, le Premier Ministre Suzuki se lève soudainement, s’incline devant l’Empereur, et lui demande tout de go d’exprimer sa volonté

Hirohito, toujours assis à la table, se penche en avant et dit alors : "Je vais exprimer mon opinion. C'est la même que celle du Ministre des affaires étrangères. Il faut supporter l'insupportable", avant de poursuivre par une critique à peine voilée de l’Armée pour ne pas avoir tenu, depuis 1941, ses promesses envers la Nation.

Le Premier Ministre Suzuki prend alors la parole : "Nous avons entendu votre auguste Pensée", lui dit-il avant que Hirohito, qui a dit tout ce qu’il avait à dire, se décide à quitter la pièce sous les courbettes obligées de toute l’assistance…

jeudi 20 novembre 2025

9095 - "Plus de pétrole !"

Le King George V, en mer : mon Empire pour un peu de mazout...

… et comme c’est toujours la même chose, Américains et Britanniques décident donc de poursuivre leurs propres opérations sur les côtes japonaises au moins jusqu’au 13 aout,... ce qui, côté britannique, pose toutefois un sérieux problème puisque, contrairement à la 3ème Flotte américaine, la British Pacific Fleet ne dispose, nous l’avons vu, d’aucune autre escadre en mesure de venir prendre la relève des quatre porte-avions ainsi que des cuirassés, croiseurs et destroyers qui opèrent maintenant depuis plusieurs semaines en compagnie des Américains, et dont il est prévu depuis longtemps qu’ils s’en retournent tous à Sydney d’ici le 12, afin de se ravitailler et se remettre en état, et ainsi se préparer à la première phase de l’Opération Olympic !

[Rawlings] "répondit à Halsey que, même si la flotte britannique ne pouvait maintenir ses opérations à pleine puissance, il comptait néanmoins mettre en oeuvre formation complète le 12 août, après quoi les porte-avions devraient s’en retourner à Sydney. 

Il espérait toutefois conserver le King George V et trois croiseurs [armés de canons] de 6 pouces pour le bombardement naval prévu le 13,  "à condition que nous puissions nous mettre sous [la protection de] votre CAP"

Cependant, même rester pour ce bombardement risquait de signifier que [faute de carburant] certains destroyers de couverture n'atteindraient Manus que remorqués, mais l'amiral Rawlings n'y voyait aucune objection. 

Au même moment, il informait l'amiral Fraser, à Guam, du programme révisé, concluant par l'éternel cri du coeur de la BPF : "Plus de pétrole !" (1)

(1) ibid, pp 435-436

mercredi 19 novembre 2025

9094 - plus ça change, plus c’est toujours la même chose…

"Pas de Capitulation !", caricature américaine, 7 aout 1945

... "Au beau milieu des activités du 9 août, la nouvelle tomba : la Russie avait enfin déclaré la guerre au Japon et une seconde bombe atomique avait été larguée sur la ville de Nagasaki, sur l'île de Kyushu. 

Cette fois, il était impossible de contenir les spéculations et les rumeurs au sein de la flotte. Des inventions extravagantes et des suppositions éclairées, connues en langage courant sous le nom de "buzz", se répandirent sur tous les navires : la guerre était désormais presque terminée. 

Malgré les appréhensions et les interrogations pour l'après-guerre, la flotte accueillit avec enthousiasme l’annonce du bombardement atomique, le considérant comme un moyen de mettre rapidement fin à la guerre" (1)

Pour autant, et aussi stupéfiant cela puisse-t-il sembler au lecteur contemporain, rien ne semble encore ébranler la volonté des responsables japonais de poursuivre la dite guerre !

A Tokyo, l’amiral Toyoda, chef d’une Marine impériale désormais sans navire (!), se déclare en effet convaincu que "l’opinion internationale" se chargera bien d’empêcher les États-Unis de lancer une troisième bombe atomique sur le Japon, alors que pour le général Korechika Anami, Ministre de la Guerre, même la mort éventuelle de toute la population japonaise demeure préférable à la "Capitulation sans condition" exigée par les Alliés !

Et si certains politiciens civils se déclarent désormais plus ouverts à l’idée-même de cette Capitulation, c’est néanmoins pour se remettre aussitôt à exiger diverses "conditions" comme l’absence d’une armée d’occupation étrangère, ou encore d’un tribunal allié qui, comme celui de Nuremberg, tout juste entériné par l’Accord de Londres du 08 août, serait autorisé à juger les citoyens japonais, et particulièrement l’Empereur, pour "crimes de guerre"

En d’autres termes, plus ça change, plus c’est toujours la même chose…

(1) ibid, page 434

mardi 18 novembre 2025

9093 - loin de pouvoir rivaliser...

Le destroyer Termagant, ou comment contraindre un cycliste japonais à plonger dans un fossé...

… aussi incroyable cela puisse-t-il sembler, alors que plus d’un million de soldats soviétiques sont occupés à déferler comme un ouragan en Mandchourie, alors qu'une bombe atomique vient à nouveau d'annihiler totalement une autre grande ville japonaise, y faisant là encore des dizaines de milliers de morts d’un seul coup, une poignée de croiseurs et de destroyers américains et britanniques sont occupés à déverser quelques centaines d’obus de moyen calibre sur une petite ville japonaise sans intérêt, et vont jusqu’à mentionner dans les rapports que leurs tirs ont contraint un cycliste nippon - que l’on devine particulièrement redoutable - à plonger dans un fossé !

Heureusement, les aviateurs, qui ont décollé à l’aube, revendiquent tout de même de meilleurs résultats, en essuyant néanmoins de lourdes pertes, et surtout sans que l’on puisse prétendre ne serait-ce qu'une seconde que les dits résultats rivalisent, même de loin, avec ceux obtenus au même moment par l’Armée rouge ou le B-29 Bock’s Car.

"Les vols débutèrent à 04h10 et se poursuivirent toute la journée. Dix frappes individuelles et quatre frappes combinées furent lancées, pour un total de 407 sorties offensives et de reconnaissance aérienne ou photographique. 

(…) les aérodromes de Shiogama, Matsushima, Kessenuma, Yamada, Hachinoe et Koriyama furent bombardés et mitraillés, causant la destruction de quarante-deux avions ennemis et des dommages à vingt-deux autres. 

Des navires furent également attaqués à Onagawa Wan, Kessenuma et Okotsu : deux destroyers, un vieux destroyer, un chasseur de sous-marins et plusieurs petits caboteurs, jonques et chaloupes furent coulés, et deux autres destroyers, un torpilleur et quelques petites embarcations probablement coulés. Un autre destroyer, deux navires d'escorte et de nombreuses petites embarcations furent endommagés" (1)

(1) Winton, op cit, pp 429-430