mardi 28 octobre 2025

9072 - l'Honneur américain n'a pas de prix...

L'épave à moitié chavirée du porte-avions Amagi, à Kure, en 1946

… Kure, 24 juillet 1945

Aussi inutiles soient-ils devenus pour l’effort de guerre nippon, les porte-avions, cuirassés, croiseurs ou destroyers de la Marine impériale présents à Kure n’en sont pas moins habilement camouflés, protégés contre les attaques à la torpille par la faible profondeur de la rade, et surtout couverts par une grande quantités de canons antiaériens de tout calibre, qui vont coûter aux Américains plusieurs dizaines d’appareils et d’aviateurs.

Qu’importe : même s’il a un coût, l’Honneur américain, celui foulé aux pieds à Pearl Harbor, à Wake, à Manille, à Corregidor et en tant d’autres endroits au début de la guerre, cet Honneur n’a manifestement pas de prix !

Et de fait le porte-avions Amagi, les cuirassés-porte-avions Ise et Hyuga, le cuirassé Haruna, ou encore les croiseurs Tone, Ōyodo et Aoba, se retrouvent bientôt transformés en amas de ferrailles, et seulement sauvés de l’engloutissement complet par la faible profondeur des eaux !

Pour les Américains, et malgré les pertes dans leurs propres rangs, cette attaque du 24 juillet s'avère en tout cas un succès complet,… mais aussi un succès qui appelle néanmoins une récidive, puisque plusieurs navires japonais n’ont été que légèrement endommagés lors de cette succession d’attaques aériennes menées tout au long de la journées, attaques qui, pour l’anecdote, ont également entraîné la perte des antiques croiseurs-cuirassés Iwate et Izumo ainsi que du cuirassé Settsu, qui datent pourtant tous d’avant la 1ère G.M. et ne servaient plus depuis longtemps que pour l’entraînement des équipages ou, dans le cas du Settsu, comme navire-cible (1)

(1) ironiquement, le cuirassé américain Utah, débarrassé de ses tourelles, ne servait lui aussi plus que de navire-cible et d’entraînement lorsqu’il fut coulé en décembre 1941, dans la rade de Pearl Harbor, par des aviateurs japonais qui l’avaient confondu avec un porte-avions ! 

lundi 27 octobre 2025

9071 - une chasse toujours bien gardée

Le croiseur Tone (à gauche de l'image), attaqué par des appareils du porte-avions Shangri-La

… car après Yokosuka et le cuirassé Nagato, il y a bien sûr le port de Kure avec les cuirassés-porte-avions Ise et Hyuga, le cuirassé Haruna, les croiseur Tone, Aoba et Ōyodo, ou encore les porte-avions Katsuragi et Amagi, tous en très mauvaise condition, à court de mazout, incapables de reprendre la mer, et en conséquence transformés en simples batteries flottantes ou, dans le cas des porte-avions, abandonnés à leur sort et sans le moindre avion à leur bord.

Dans l’état où ils se trouvent, aucun de ces bâtiments ne saurait encore menacer qui que ce soit, mais, du point de vue américain, ils n’en demeurent pas moins des navires de guerre appartenant à une Marine ennemie qui, quatre ans plus tôt, a perfidement attaqué la base aéronavale de Pearl Harbor.

Pas question donc de laisser à la Marine impériale japonaise ne serait-ce que l’illusion d’une puissance depuis longtemps perdue… mais pas question non plus de permettre à la British Pacific Fleet, pourtant alliée, de s’en prendre également à elle !

"Cette décision était inhabituelle pour l'amiral Halsey et à vrai dire indigne de lui. Cependant, dans un passage souvent cité de ses mémoires, ce dernier raconta comment il avait cédé à contrecœur et à l'insistance de son propre chef d'état-major, lequel l’avait prié de couper court à toute éventuelle revendication d’après guerre, par les Britanniques, d'avoir porté ne serait-ce qu'une partie du coup final ayant anéanti la flotte japonaise.

L'amiral Halsey était convaincu, apparemment contre son gré, qu'une attaque entièrement américaine serait la meilleure chose à faire en regard des intérêts américains, mais il n’en s’agissait pas moins d’une manière grossière de traiter un allié qui avait déclaré la guerre au Japon quelques heures seulement après l'attaque de Pearl Harbor" (1)

(1) Winton, op cit. page 409 

dimanche 26 octobre 2025

9070 - le tendon d'Achille britannique

Le Barfleur - classe Battle - en 1946

… la logistique et, en particulier, le ravitaillement en carburant, voilà bien le problème, et le véritable tendon d'Achille de la British Pacific Fleet qui, depuis le début, et jusque dans ces ultimes semaines de la guerre, perturbe ses activités, réduit ses capacités opérationnelles, et l’empêche au bout du compte de se hisser au niveau américain !

Si le ravitaillement en côte-à-côte, spécialité autant que norme américaine, a également fini par s’imposer chez les Britanniques, leurs propres pétroliers, non contents d’être bien moins nombreux que les américains, sont également plus petits et plus lents, donc beaucoup moins à même de ravitailler rapidement une flotte de combat, et aussi de pallier aux éventuels imprévus… comme l’arrivée, le 20 juillet, du porte-avions Indefatigable qui, guéri de ses problèmes de catapultes, a finalement pu quitter Sydney et s’est précipité à la rencontre de ses camarades, mais en consommant bien plus de mazout qu’estimé !

Avec l'arrivée de l’Indefatigable, mais aussi des destroyers Wakeful, Wrangler et du tout nouveau Barfleur (1) qui l’accompagnent, la BPF se retrouve certes plus puissante qu’auparavant, mais aussi, et peut-être surtout,… en déficit de quelque 2 500 tonnes de mazout, ce qui, une fois encore, pousse ses responsables à quémander l’aide des Américains - lesquels vont par exemple accepter de ravitailler eux-mêmes les croiseurs Uganda, Gambia et Achilles - mais aussi à recourir à toutes sortes d’expédiants, comme la conversion en pétroliers auxiliaires des porte-avions d'escorte, Arbiter et Ruler, qui avaient eux-mêmes déjà été convertis en simples transporteurs d'avions !

Le 24 juillet, les Américains mais aussi les Britanniques sont cependant prêts à lancer une nouvelle série de raids contre les côtes japonaises, leurs aérodromes, leurs installations, leurs ports et aussi les quelques navires qui s’y trouvent encore,... mais que les Américains, une fois de plus, sont bien décidé à se garder pour eux seuls… 

(1) le Barfleur sera l'unique destroyer de la nouvelle classe Battle à servir durant la 2ème G.M.


samedi 25 octobre 2025

9069 - Où l'on reparle (encore) de la Logistique...

Le ravitaillement des navires en mer : l'éternel talon d'Achille des Britanniques...

… car une fois encore, le principal ennemi de la British Pacific Fleet n’est ni météorologique, ni japonais ni même américain, mais tout simplement... logistique!

"Les flottes devaient avoir fait le plein de carburant le 21 juillet à midi, un calendrier serré pour la flotte britannique. Le 19, l'amiral Rawlings demanda l'autorisation pour la TF-37 de se rendre indépendamment au rendez-vous. 

(…) L'amiral Halsey prolongea la période de ravitaillement de vingt-quatre heures, jusqu'au 22 juillet à midi. Cette mesure permit aux navires américains de se réapprovisionner en munitions et fut également très bien accueillie par les unités britanniques.

(…) En route vers l'est pour le rendez-vous, l'amiral Rawlings reçut le "plan opérationnel" complet de l'amiral Halsey et constata avec consternation qu'à deux reprises, le ravitaillement devait être effectué en une seule journée, avec de longs trajets à effectuer le même jour. 

Ce programme n'effrayait pas les Américains, équipés de flottes de grands pétroliers rapides et à fort débit de pompage. Mais pour les Britanniques, avec leurs petits et lents pétroliers, c'était une toute autre histoire !

L'amiral Rawlings prévoyait que des difficultés de ravitaillement pourraient même faire manquer à sa flotte des frappes d'une journée. En réalité, la Task Force 37 ne manqua pas une seule journée d'opérations, mais, comme Rawlings l'admit volontiers, cela fut dû à un typhon qui contraignit Halsey à modifier ses plans, et fit ainsi gagner un temps précieux à la flotte britannique.

Tout au long des opérations de juillet-août, l'approvisionnement en carburant de sa flotte fut bien plus problématique pour l'amiral Rawlings que pour l'ennemi" (1)

(1) ibid, pages 405-406 

vendredi 24 octobre 2025

9068 - un lot de consolation

Hellcat américain, photographié depuis un appareil britannique : l'entente cordiale...

… comme "lot de consolation", la British Pacific Fleet s’est quant à elle vue offrir le bombardement et le mitraillage de divers aérodromes et installations de la région de Tokyo, affaire menée sans autre opposition que les tirs de la DCA japonaise, mais affaire pour le moins décevante,… puisque bon nombre d’appareils nippons prétendument détruits au sol ne sont, une fois de plus, rien d’autres que des leurres !

"Les Japonais avaient habilement construit des maquettes d'avions à partir de lattes de bambou posées sur des tréteaux et recouvertes de filets de camouflage. Les pilotes de l'Implacable remarquèrent que de l'herbe poussait sur certains de ces prétendus "avions"" (1)

Pour ne rien arranger, et alors que la guerre tire à sa fin, voilà à présent la météo qui s’en mêle et transforme en autant de déconvenues des frappes que les Britanniques souhaiteraient sinon glorieuses, du moins dignes de retenir l’attention des médias.

"Les conditions météorologiques allaient perturber les opérations des flottes combinées tout au long des mois de juillet et d'août au large du Japon. Il était rare que le temps soit simultanément clément en mer et à l'intérieur des terres.

Il arrivait au contraire fréquemment que des frappes soient lancées par beau temps, mais que leurs cibles se révèlent finalement cachées par les nuages, ou, a contrario, que la flotte soit enveloppée de brouillard et de pluie, tandis que les cibles étaient quant à elles dégagées et ouvertes aux attaques" (2)

Mais si la météo perturbe autant les activités des Britanniques que celles des Américains, les premiers doivent de surcroit composer avec leur vieil et éternel ennemi…

(1) et (2) ibid, page 404-405

jeudi 23 octobre 2025

9067 - ruse de guerre

Marins américains, inspectant l'épave encore à flots du cuirassé Nagato, 30 aout 1945

… Yokosuka, 18 juillet 1945

"La flotte britannique ne fut pas autorisée à participer à cette attaque. La raison officielle, comme le rapporta le commandant C.E.A. Owen, officier de liaison britannique auprès de l'amiral [américain] McCain, était le trop faible rayon d'action des avions britanniques. 

Ce prétexte, comme les Américains le reconnurent plus tard, était toutefois fallacieux : en réalité, la marine américaine considérait la flotte japonaise comme son "pigeon d’argile" personnel, et la vengeance pour Pearl Harbor n'était pas l'affaire des étrangers" (1)

Conséquence de ce choix patriotique, qui va tout de même leur coûter une douzaine d’appareils, les Américains sont donc les seuls à se présenter au-dessus de Yokosuka le 18 juillet afin de s’en prendre au Nagato.

Au moins deux bombes de 500 livres font mouche, tuant une trentaine de marins,… et aggravant encore un peu plus l’état du malheureux cuirassé nippon qui, pour autant, est loin d’être aussi K.-O. que le rapportent les aviateurs américains à leur retour de mission !

Et les Japonais, décidément sournois, n’ont aucune intention de les détromper : redoutant -  non sans raison - une nouvelle attaque qui pourrait, cette fois, s’avérer décisive, ces derniers vont au contraindre tout mettre en oeuvre pour convaincre leurs adversaires que le Nagato est définitivement hors de combat, en s’abstenant tout d’abord de réparer les dégâts causés par les bombes mais aussi, et surtout, en remplissant les ballasts du navire afin qu’il s’enfonce davantage dans la rade et donne ainsi l’impression de reposer directement sur le fond, comme s’il avait bel et bien été coulé 

Une ruse de guerre bien inutile vu la future tournure des évènements, puisque le Nagato, seule grosse unité de la Marine impériale encore à flots au lendemain de la Capitulation japonaise, sera saisi par les Américains à Yokosuka le 30 août, convoyé jusque Bikini au printemps 1946, et finalement sacrifié lors des essais atomiques menés sur l'atoll en juillet de la même année...

(1) Winton, op cit, page 404

mercredi 22 octobre 2025

9066 - "l’affaire du Nagato"

Un Avenger américain, survolant le cuirassé Nagato, aout 1945
… toutefois, qu’ils soient aériens ou navals, et menés par les Britanniques ou par les Américains, ces bombardements relèvent d’abord et avant tout du symbole tant ils ne représentent en vérité que peu de choses par rapport aux raids menés par les centaines de B-29 qui, presque quotidiennement, et depuis des mois, incinèrent les villes japonaises les unes après les autres.

Mais à la guerre comme à la guerre et, comme nous l’avons déjà souligné, puisque les avions, les navires, les aviateurs et les marins sont là, et construits et payés pour cela, personne ne comprendrait qu’ils restent sur place à ne rien faire si ce n’est attendre la fin des hostilités !

Reste que même à cette étape du conflit, et même si elle bénéficie à présent de la bienveillance de Halsey, et du droit d’opérer aux côtés de la 3ème Flotte américaine, la British Pacific Fleet ne dispose toujours pas - et ne disposera en fait jamais - du droit de mener la guerre qu’elle veut, comme le démontre, le 18 juillet, "l’affaire du Nagato"

Après la destruction du Yamato en avril, destruction au cours de laquelle la BPF - nous l’avons vu - a été soigneusement et complètement tenue à l’écart, le Nagato, bien que de 20 ans son aîné, est devenu, avec des 39 000 tonnes et ses 8 canons de 410mm, le plus puissant cuirassé japonais encore à flots.

Mais "à flots", il faut le dire vite, puisqu’incapable de reprendre la mer autant en raison de son mauvais état général que de la dramatique pénurie de mazout, le Nagato, dès son retour à Yokosuka, en novembre 1944, a été ancré dans la rade, transformé en simple batterie flottante, et progressivement dépouillé de son armement et de son personnel !

Mais toute batterie flottante ancrée et dépouillée soit-il devenu, il n’en constitue pas moins, en ce mois de juillet 1945, une cible de premier choix pour l’Aéronavale.

Du moins pour l’Aéronavale... américaine