dimanche 7 décembre 2025

9112 - "comment se fait-il qu’il nous a fallu quatre ans pour balayer ces gens-là ?"

Le destroyer Hatsuzakura, canons baissés, en Baie de Tokyo

… Atsugi, 28 août 1945

Le 28 août, c’est au tour de la délégation américaine de débarquer sur l’aérodrome d’Atsugi

Et contrairement à la délégation japonaise de moins d’une dizaine de personnes, celle-ci se présente en force, à plus de 150, et avec tout l’orgueil de ceux qui se savent victorieux !

Pour autant, la méfiance demeure, en particulier lorsque leurs hôtes japonais, croyant bien faire, leur offrent des rafraîchissements... qu’ils s’empressent de refuser, par crainte d’être empoisonnés !

Le lendemain, c’est au tour de la 3ème Flotte de Halsey, et du cuirassé Missouri, d’apparaître dans toute sa majesté en Baie de Tokyo, accompagnée néanmoins des quelques navires de la British Pacific Fleet, menés par le cuirassé King George V de l’amiral Rawlings.

Le 31 aout, le destroyer Hatsuzakura, un des rares survivants de la défunte Marine impériale, se présente le long du Missouri pour escorter celui-ci jusqu’au mouillage qui lui a été assigné pour la cérémonie officielle de Capitulation

A l’annonce de sa venue, Halsey, qui redoute toujours une félonie, a fait sonner le branle-bas, mais la vue du chétif et très décati bâtiment nippon qui, conformément aux ordres, avance lentement et tous canons baissés, le stupéfie.

"Vous aviez demandé la Marine japonaise, amiral", s’exclame, hilare, son aide de camp, "eh bien bien la voilà !"

"Foutre Dieu", rétorque Halsey, "comment se fait-il qu’il nous a fallu quatre ans pour balayer ces gens-là ?"…

samedi 6 décembre 2025

9111 - le one-man-show

Arrivée de la délégation japonaise à Ie Shima, sous les regards curieux des soldats américains

… Ie Shima, 19 aout 1945

Certes, il faudra bien - et ne serait-ce que par politesse ! - offrir un strapontin aux dits Britanniques, aux Australiens, aux Néo-Zélandais, à ces Hollandais dont le dialecte est assurément inintelligible mais dont le pétrole a tout de même été sinon la cause du moins l'objectif principal de cette guerre, ainsi qu’aux Chinois nationalistes du pourtant très inefficace Tchang Kaï-Shek, aux Français du pourtant si déplaisant Charles De Gaulle, et même à ces maudits Soviétiques qui se sont invités à la 25ème Heure et comme un véritable cheveu sur la soupe !

Mais toute cette affaire n’en sera pas moins un show à l’américaine, et même un authentique one-man-show, puisque confié à nul autre que le grand Douglas MacArthur !

Dans l’appareil militaire, pourtant, MacArthur est presque unanimement décrié voire même détesté par ses pairs, et le moins qu’on puisse en dire, c’est que, de toute la guerre, il n’a pas non plus franchement brillé par ses hauts faits d’armes ou la profondeur de sa vision stratégique, mais dès le lendemain de sa défaite et de son humiliante fuite de Corregidor, en mars 1942, le Grand Homme a en revanche toujours brillamment su se mettre en scène auprès du public américain, qui lui a vite pardonné son statut de looser et au contraire appris à le considérer comme un héros national.

C’est donc pour rencontrer MacArthur, et nul autre que lui, que les délégués japonais débarquent le 19 aout 1945, et sous bonne garde, sur la minuscule île de Ie Shima.

Car si l’expression Capitulation "sans condition" se passe désormais de toute profonde analyse sémantique, reste tout de même à déterminer le jour et le lieu de la cérémonie, le déroulé du protocole, les noms de ceux qui, d’un côté comme de l’autre, seront amenés à signer l’acte officiel qui mettra enfin un terme définitif à la Seconde Guerre mondiale, et last but not the least, des détails aussi "anodins" que la future Occupation du pays

Mais, en Grand Seigneur, MacArthur, qui depuis plusieurs semaines a installé ses pénates à la Casa Blanca de Manille (1), n’entend évidemment pas se déplacer lui-même pour recevoir la délégation des vaincus, ce pourquoi ces derniers vont-ils devoir se rendre jusqu’à lui dans un autre avion, américain cette fois.

Et toujours sous bonne garde, tant chacun vit encore dans la hantise d’une ultime traîtrise…

(1) après avoir découvert son ancienne et luxueuse suite du Manila Hotel entièrement saccagée, et déploré la disparition de sa précieuse argenterie, MacArthur avait décidé de réquisitionner à son usage exclusif ce luxueux manoir du chic quartier de Santa Mesa.


vendredi 5 décembre 2025

9110 - les seuls et vrais vainqueurs

… bien que peu nombreux et désordonnés, et au demeurant parfaitement prévisibles, ces différents incidents ne rassurent évidemment personne, et d’autant moins que la cérémonie officielle de Capitulation est encore lointaine.

Et cette cérémonie, il faut encore l’organiser et en régler les innombrables petits détails, ce qui, là non plus, ne sera pas une mince affaire !

Toutefois - et considérable avantage par rapport à la cérémonie allemande qu’il avait fallu tenir une première fois à Reims le 7 mai 1945, et une seconde fois à Berlin le lendemain afin de satisfaire Joseph Staline - la cérémonie japonaise sera non seulement unique, mais aussi et surtout exclusivement américaine, puisque montée et orchestrée par eux de A à Z, et où ils se donneront bien sûr le rôle principal pour ne pas dire unique. 

Car si, au plan politique, le Japon a bel et bien été vaincu par une coalition réunissant une bonne dizaine de pays, et si, au décompte des effectifs engagés sur le terrain, les Américains ont toujours été minoritaires (!), ce sont bel et bien les États-Unis, leur puissance industrielle, leur logistique ou encore leurs armes, au bout du compte atomiques, qui ont mis le Japon à genoux et l’ont finalement contraints à la reddition, et ce sont encore les États-Unis qui sont aujourd’hui les seuls en mesure de l’occuper et de le reconstruire.

Avant-guerre, les Japonais eux-mêmes considéraient du reste les USA comme leur seul et véritable adversaire et, à présents contraints à la Capitulation, les considèrent également comme leur seul et véritable vainqueur.

N’en déplaise à ce que peuvent penser les Britanniques…

jeudi 4 décembre 2025

9109 - des incidents qui font craindre le pire

"Une perfide attaque surprise" : la crainte des marins alliés en ces premières heures de la paix

… et de fait, malgré l’annonce officielle de la Capitulation japonaise, chacun continue de redouter le pire.

Ainsi, à 11h20, alors que chacun, sur l’Indefatigable, est occupé à s’étreindre et laisser éclater sa joie, un bombardier en piqué Yokosuka D4Y Suisei surgi de Dieu-sait-où largue deux bombes qui explosent à quelques encablures du porte-avions avant de se faire descendre par des Corsair de la patrouille de couverture !

Dans l’après midi, deux autres appareils sont également abattus à proximité des navires de la 3ème Flotte américaine, alimentent là encore l’hypothèse d’un ultime coup-tordu.

Mais d’autres incidents se révèlent en revanche tout simplement tragiques.

"Tout le monde se demandait ce que les Japonais allaient faire à la dernière minute, et il n’est donc surprenant que le poste radar positionné à une centaine de kilomètres de la flotte ait signalé la présence d'un important groupe d'avions non identifiés à quelque cent trente kilomètres. 

De nombreux chasseurs embarqués étaient en vol et une section fut chargée d'enquêter sur ce signalement. Je n'oublierai jamais l'écoute des ondes radio des chasseurs lorsque cette formation fut interceptée et identifiée comme un groupe hétéroclite d'avions ennemis. Le chef de la section déclara : "Ils orbitent sans intention offensive apparente" avant d’ajouter "Mon Dieu, ils sont tous en train de boire la tasse !" et pendant ce qui me sembla un long moment, il a compté le nombre d'avions quittant l'orbite et plongeant les uns après les autres dans la mer. 

Je crois qu'il y en avait plus de quarante. Nous avons appris plus tard qu'il s'agissait du noyau dur des pilotes kamikazes qui, après avoir déjà entendu leurs obsèques, se considéraient officiellement morts et ne pouvaient donc pas se rendre" (1)

(1) Winton, op cit, page 444

mercredi 3 décembre 2025

9108 - à quoi faut-il s’attendre ?

... car après Guadalcanal, après Tarawa, Saïpan, Okinawa et tant d’autres lieux où ils se sont battus avec férocité et jusqu’au dernier homme, comment imaginer que ces Japonais constamment perçus et décrits comme "perfides" et "fanatiques" vont subitement se mettre à respecter les règles et surtout leur parole ?

Du haut en bas de la hiérarchie, que ce soit dans la Marine, l’Armée ou l’Aviation, mais aussi chez les simples civils au pays, chacun les soupçonne donc de "cacher quelque chose".

Et à quoi faut-il s’attendre lorsqu’on arrivera en vue des côtes japonaises et, pire encore lorsqu’on débarquera à Tokyo, se demande-t-on partout avec angoisse.

Ne va-t-on pas être accueilli par des nuées d’avions-suicide, puis chargés au sabre et à la baïonnette par des légions de soldats et de civils japonais fanatisés ?

Et à supposer-même que l’Empereur et la plupart de ses concitoyens soient sincères et tiennent leur parole, les jusqu’au-boutistes ont-ils vraiment baissé les bras ? 

Après tout, ne viennent-ils pas, il y a quelques heures à peine, de tenter un coup d’État sanglant visant à renverser le dit Empereur, ou du moins à le contraindre à renoncer à toute idée de Capitulation ?

Chacun demeure donc sur ses gardes, convaincu que la situation peut encore basculer d’un côté comme de l’autre, et que les prochains jours seront à l’évidence décisifs...

mardi 2 décembre 2025

9107 - "Trinquons à cela"

 … à ces paroles, Halsey demeure quelques instants silencieux.

"Trinquons à cela", s’exclame-t-il finalement avant de s’en aller fêter dignement la victoire avec tout l’équipage du Missouri.

"Ma première réaction, naturellement, fut la joie de réaliser que cette guerre qui avait si mal commencé pour nous s’était finalement achevée si victorieusement", écrira-t-il.

"Ma seconde pensée fut "Merci mon Dieu, je n’aurai plus à envoyer d’autres hommes à la mort"" (1)

Mais Halsey ne serait pas Halsey s’il ne continuait de soupçonner ces perfides japonais d'ourdir quelque ultime traîtrise !

Pas question donc de baisser sa garde : dans toute la Flotte, les postes de veille sont maintenus en permanence, et les patrouilles continuent de se relayer sans relâche dans le ciel comme elles le font depuis des mois

Quant aux pilotes de chasse qui apercevraient un appareil japonais un peu trop curieux, ceux-ci de se voir instamment priés "de le descendre non plus de façon vindicative mais bien de manière amicale" !

En cette affaire, Halsey, ne fait néanmoins que partager le sentiment unanime des Américains, mais aussi des Britanniques, en ces premières heures d’une après-guerre encore fort officieuse...

(1) Wikovits, op cit, page 234

lundi 1 décembre 2025

9106 - Peace at last...

Civils japonais en larmes, écoutant le discours de Capitulation, 15 aout 1945

… Tokyo, 15 août 1945, 12h00

Car aux premières heures de cette même journée du 15 aout 1945, la NHK a commencé à diffuser des appels invitant la population japonaise à se mettre à l’écoute à midi

A midi, aussitôt après la diffusion de l’hymne national, la voix de l’Empereur-Dieu retentit. La plupart des Japonais ne l’ont jamais entendue de leur vie, et le vieux japonais utilisé par Hirohito est de surcroît difficilement compréhensible pour le commun de ses sujets 

"Après avoir longuement réfléchi aux tendances générales du monde et aux conditions réelles qui règnent aujourd'hui dans Notre Empire", déclare le Divin Monarque, "Nous avons décidé de régler la situation actuelle en recourant à une mesure extraordinaire. Nous avons ordonné à Notre Gouvernement de faire savoir aux Gouvernements des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Chine et de l'Union soviétique que Notre Empire accepte les dispositions de leur Déclaration commune".  

Aussitôt après cette lecture, au Japon comme dans tous les territoires encore sous sa domination, des milliers d’officiers et de simples soldats, de hauts fonctionnaires ou de simples quidams, ne pouvant accepter la honte de cette "Capitulation sans condition", décident de mettre fin à leurs jours.

Dans l’après-midi, les membres du gouvernement Suzuki - du moins ceux qui ne se sont pas déjà suicidés - démissionnent en bloc.

Mais à Washington, devant un parterre d’invités et de journalistes, Truman n’a pas attendu cette diffusion radiophonique pour passer à l’action : après avoir reçu, par l’intermédiaire des ambassades japonaises de Suisse et de Suède, le texte officiel de la Capitulation, il s’est empressé de le brandir devant un parterre d’invités et de journalistes, avant d’ordonner aux responsables de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation de mettre immédiatement fin à toutes leurs opérations offensives sur l’Empire désormais déchu.

Peace at last...