jeudi 27 mars 2025

8237 - les cercueils flottants

Bien que modernisé à plusieurs reprises, le Repulse était totalement obsolète en 1941... 
... dans ses limites de "fleet in being" qui fait hélas fi de la nouvelle réalité aérienne, le plan de Churchill n'est pas dénué d'intérêt, et s'avère même largement supérieur à celui de l’Amirauté britannique, laquelle se propose de n'envoyer en Extrême-Orient que des cuirassés obsolètes - autrement dit sacrifiables -  et de toute manière bien trop lents pour affronter les immensités du Pacifique, et leurs éventuels adversaires japonais, avec quelque chance de succès !

Mais l'Amirauté n'est pourtant pas convaincue et, trois jours plus tard, n'hésite d'ailleurs pas à le faire savoir, en proposant à nouveau l'envoi du Repulse et des quatre vieux Revenge.

Il n'en faut pas plus pour provoquer aussitôt une réplique cinglante du Premier Ministre, lequel, balayant les arguments des militaires, souligne que, "dans leur état actuel" - qui n'a quasiment pas varié depuis la 1ère G.M. ! - les Revenge ne sont rien d'autre que des "floating coffins", des "cercueils flottants". 

"La pertinence des dispositions que je me suis hasardé à suggérer", poursuit Churchill, "est validée par l'extraordinaire préoccupation actuelle de l'Amirauté à l'égard du Tirpitz. Le Tirpitz nous fait exactement ce qu'un King George V serait en mesure de faire dans l’Océan Indien face à la marine japonaise. Il provoque une crainte vague et générale, et il exerce sa menace partout en même temps. Il apparaît et disparaît, en provoquant des réactions immédiates et des perturbations chez l'adversaire". 

Et après avoir ajouté "qu'il ne voit pas le Japon affronter à la fois les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie tout en demeurant engagé en Chine" et "qu'il est plus que vraisemblable de le voir plutôt négocier avec les États-Unis durant les trois prochains mois sans entreprendre de nouvelles actions agressives ou s'engager activement du côté de l'Axe", Churchill de conclure, non sans naïveté, que "rien ne rendra le Japon plus hésitant que l'apparition de la force mentionnée dans ma note (...) et par-dessus tout celle d'un King George V. Ceci pourrait en vérité représenter une dissuasion décisive" (1) 

 (1) lettre de Winston Churchill à Dudley Pound, Premier Lord de la Mer, 29 août 1941

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Bonjour! Les navires de la classe Revenge (sortis de chantiers autour de 1910 ont été abondamment utilisés pendant la 2° GM mais non sans problèmes qui montrent bien qu'ils étaient vraiment des fonds de tiroir et du 2° choix:
* Le Royal Oak fut torpillé alors qu'il se croyait en sécurité dans la base de Scapa Flow par le U boot de Gunther Prien , audacieusement infiltré à travers un chenal annexe qui n'avait qu'imparfaitement obstrué (le U boot eut d'ailleurs bien du mal à passer et à sortir de cette nasse comme la belette de la fable de La Fontaine dans le grenier à lard)...heureusement pour les anglais les autres grands navires étaient en mer sans quoi l'action de Prien, en plus d'être un magnifique coup de propagande aurait aussi été une victoire stratégiquement significative.
*Le Resolution fut torpillé par un sous marin français (de Vichy), d'ailleurs pas au mieux de sa forme, lors de l'attaque anglo gaulliste de Dakar en 1940 (ironiquement le Beveziers, nom francisé de Beachy Head, une des rares victoires françaises sur l'anglois honni, au temps de la marine en bois et à voiles)...Le Resolution ne coula pas mais il était tellement mal en point qu'il dut passer 9 mois en cale sèche, plus que pour les cuirassés anglais esquintés à Alexandrie par les plongeurs commandos italiens.
*Le Ramillies (dont le nom renvoie à la guerre de cent ans ) fut torpillé par un sous marin...japonais alors qu'il participait à l'attaque...de la colonie française de Madagascar...une nouvelle couleuvre à avaler pour De Gaulle...qui le décidera à faire accélérer la création (pas si symbolique que çà ) de l'Escadrille Normandie Niemen, à se méfier de Churchill et, après la guerre, a retarder à plaisir l'entrée de la Grande Bretagne en déconfiture économique dans le Marché Commun...Le Ramillies ne coula pas mais, salement éventré, passa lui aussi presque un an entre les cales sèches de Durban et de Devonport (les techniciens anglais notèrent que ces anciennes constructions étaient encore très solides en raison d'un échantillonnage bien plus robuste que les navires plus récents comme les Nelson et Rodney) avant de servir de batterie flottante pour le D Day à Arromanches et autres lieux.
* Le Royal Sovereign était considéré comme le moins bon de la série...et fut refilé...aux soviétiques pour l'escorte des convois de Mourmansk (rebaptisé Arkhangelsk) puis rétrocédé dans un état pitoyable (les russes n'avaient ni le temps ni la volonté de peaufiner sa maintenance) en 1949 ...et ferraillé dans la foulée.
A noter aussi que le Renown et le Repulse (qui finira tragiquement près de Singapour) faisaient aussi partie de cette série mais furent convertis sur cale en croseurs de bataille (moins de blindage mais machines plus puissantes)...Tout çà est en clair contraste avec la montée en puissance industrielle des américains après Midway (des Liberty ships come s'il en pleuvait, des sous marins lancés à cadence accélérée, comme pour les porte avions d'escorte et d'escadre, et la réactivation des quelque 200+ destroyers "Clemson" et la construction en pagaille de destroyers neufs...