dimanche 17 octobre 2021

6988 - l'Empire du manque d'essence

Le Yamato et le Musashi, à Truk, en 1943 : protégés des Américain,... mais inutiles
… dans le lagon de Truk, le Yamato, le Musashi, et les plus grosses unités de la Flotte combinée japonaise, sont préservés non seulement des bombes et des torpilles américaines mais aussi, et peut-être surtout, de leur propre et formidable appétit pour les hydrocarbures !

Et c’est bien là le second paradoxe de cette Marine impériale, qui est partie en guerre pour s’approprier le pétrole des Indes néerlandaises mais qui, depuis qu’elle s’en est emparée, peine à remplir les réservoirs de ses bâtiments,… faute de pétroliers  en suffisance, et faute de pouvoir protéger ceux qu’elle possède lors de leurs traversées !

A elle seule, l’affaire du Kenyo Maru, vaut son pesant de mazout tant elle illustre à merveille le drame de ces navires et de ces marins japonais contraints de demeurer à l’ancre et ainsi de laisser périr leurs compatriotes et camarades de combat afin d’économiser le précieux carburant.

Car le 17 octobre 1942, lorsque le pétrolier Kenyo Maru, attendu de longue date, est finalement arrivé à Truk, il est arrivé vide, et on n'a alors eu d'autre choix, pour remplir les réservoirs des bâtiments engagés dans les opérations de Guadalcanal,... que d'en siphonner 5 000 tonnes aux cuirassés Yamato et Mutsu, les condamnant encore davantage à l’immobilisme !

Et loin de s’arranger, la pénurie n’a fait que s’aggraver dans les mois suivants, et d’autant plus que le Japon, confronté également au manque de cargos et à la vulnérabilité de ceux-ci, n’a vite eu d’autre choix, pour ravitailler ses garnisons isolées sur d’innombrables îles, que de recourir à des destroyers qui, en authentiques lévriers des mers, peuvent certes courir très vite, mais ne transportent finalement pas grand-chose et, surtout, engloutissent le mazout à une allure encore plus frénétique que les cuirassés ou les porte-avions...

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Bonjour! excellent résumé de la situation...il faut ajouter que la logistique du pétrole ce sont aussi les raffineries (il y en avait aux Indes Néerlandaises pour la consommation locale mais dans un contexte de Guerre, transporter des produits pétroliers raffinés c'est se balader sur les mers à bord d'une bombe de plusieurs milliers de tonnes...

Même si le brut des Indes Néerlandaises est un des plus légers au monde (en quelque sorte pré - raffiné dès la sortie du puits), il est cependant nécessaire de le raffiner pour en tirer de l'av-gas (du super carburant aviation à haut indice d'octane) avec le désagrément supplémentaire pour les japonais de de pas maîtriser les additifs anti-détonants (le Plomb Tétraéthyle , aujourd'hui interdit, sauf justement pour les usages d' aviation a pistons )..
Sans ces additifs on ne peut pas augmenter le taux de compression (et donc la puissance des moteurs) sans provoquer du cliquetis (en fait une auto-détonation du carburant) qui massacre les sièges de soupapes et les soupapes elles mêmes , crée des points chauds "perle" les bougies d'allumage (la perle qui court-circuite les bougies est un bout d'alliage d'aluminium fondu provenant de la calotte du piston et dans les cas sévères de détonation on se retrouve carrément avec un piston percé....

Les français ont eu les même s problèmes avant guerre et ont dû mettre à la poubelle l'étude d'un super-moteur d'avion (le Lorraine Radium) les anglais ont dû beaucoup ruser , avec l'aide du grand gourou de la combustion interne (l'ingénieur Harry Ricardo) pour faire fonctionner correctement les moteurs Rolls-Royce V12 Racing (ancêtres du Merlin)et chez Bristol l'autre sorcier des moteurs d'avions ( Roy Fedden) a préféré se passer de soupapes pour les Bristol "Centaurus" (à chemises de cylindres mobiles) qui ont équipé les hawker Tempest et Fury ...et même les Noratlas français dans les années 60

Les japonais , de plus en plus aux abois ont tenté des bricolages douteux (utiliser le pétrole tel que sorti du puits ou le raffiner artisanalement et localement en y ajoutant de l'alcool de riz pour faire voler leurs avions (un vrai cauchemar de mécano)... Le problème de la détonation -cliquetis était bien connu, et évoqué par la presse des années 30 ...On en trouve un écho au début de "Tintin au pays de l'or noir" où on assiste à une épidémie d'explosion de moteurs provoquée par des saboteurs injectant un additif diabolique dans les cuves de pétrole, avec une parodie de la chanson de Trenet en fond musical(Boum! Quand Votre moteur fait Boum!) La première édition était située en Palestine mandataire, mais après guerre Hergé a préféré ne pas fâcher les israêliens et a entièrement remanié son oeuvre en transportant l'action au Khémed , une pétromonarchie fictive)