lundi 30 novembre 2020

6568 - et pendant ce temps-là

Midway : le tournant de la Guerre du Pacifique, 4 juin 1942

… car depuis le début du printemps de 1942, des nouvelles de plus en plus mauvaises en provenance de tous les coins du monde ne cessent de parvenir aux oreilles d’Hitler !

A Malte, la Luftwaffe, pourtant renforcée par le 2ème Fliegerkorps rapatrié de Russie, a perdu 150 appareils - soit la moitié de son effectif - au cours du seul mois d'avril, mettant un terme définitif aux derniers espoirs hitlériens de s'emparer de l'île et, partant, d'assurer à l'Afrika Korps de Rommel les approvisionnements dont elle a un besoin vital.

Bien que victorieux à Tobrouk (21 juin), le dit Rommel est désormais  bloqué à El-Alamein, d'où, faute de renforts, il sera bientôt délogé par les troupes de Montgomery (23 octobre), puis finalement contraint de battre en retraite jusqu'en Tunisie.

A l'Ouest, la montée en puissance du Bomber Command britannique, et de ses gros quadrimoteurs, a rendu possible les premiers raids de "mille bombardiers" : le 30 mai, Cologne a été réduite en cendres, prélude à une vaste campagne qui va incinérer les villes allemandes les unes après les autres.

Et la situation n’est pas meilleure pour l’allié japonais sur lequel Hitler fondait tous ses espoirs : après plusieurs mois de victoires ininterrompues, le Japon a en effet subi un cinglant échec à Midway (4 juin), y perdant quatre de ses irremplaçables porte-avions, et tous ses espoirs de nouvelles conquêtes

Pire encore : le 7 août, les Marines américains ont débarqué à Guadalcanal, dont il finiront par s'emparer, au terme d'une éreintante campagne de six mois.

De l'offensive et d’une guerre courte, le Japon est donc passé à la défensive et à une guerre longue, tâches pour lesquelles il n’a, pas plus que l’Allemagne, jamais été préparé…

dimanche 29 novembre 2020

6567 - se détacher du réel

Le Werwolf et ses baraques en bois, perdues au milieu de nulle part

… Hitler, bien sûr n’a que faire de la mort de milliers, et même millions, de civils soviétiques, mais dans la chaleur étouffante et l’isolement extrême du Werwolf, son inhumanité, son détachement du réel et, évidemment, sa paranoïa, ne peuvent que croître.

"Lors des réunions de guerre quotidiennes, la santé d’Hitler recommença à se détériorer, ce qui, en retour, affecta considérablement ses relations avec tout le monde, et en particulier avec ses généraux.

En août, alors que la 6ème Armée se préparait à attaquer la périphérie de Stalingrad, Hitler était convaincu qu'il ne pouvait plus faire confiance à ses généraux. Il avait été mal conseillé, il avait été trompé par ses commandants sur le terrain, et trompé par ceux de son propre quartier général.

Sa suspicion s’aggravait chaque jour, et lors des conférences, il n’écoutait que rarement les conseils, et jamais les critiques. Sa haine grandissante envers l'état-major, couplée à la chaleur accablante de l'été, l’amenait à prendre des décisions à la hâte.

(…) Sa conviction d’être entouré de traîtres s’intensifiait à mesure que de nouveaux revers se faisaient jour sur le front de l'Est. Peu à peu, et tout au long de l'été, il commença à se convaincre que ses généraux étaient à blâmer pour toutes les déceptions militaires et toutes les retraites sur le front de l'Est
" (1)

Et malheureusement pour lui, la situation sur les autres Fronts ne lui apporte aucun réconfort…

(1) Baxter, op cit

samedi 28 novembre 2020

6566 - le début de la terreur

Statues d'enfants autour d'un crocodile : une des plus célèbres photo de Stalingrad en flammes

... Stalingrad, 23 aout 1942

Pour les civils de Stalingrad, réquisitionnés depuis des semaines pour bâtir des abris, creuser des fossés anti-chars ou manier les canons anti-aériens, la guerre débute véritablement le 23 août 1942, lorsque les bombardiers de la 4ème Luftflotte font irruption au dessus de la ville, avec la ferme intention de frapper un grand coup.

"Les bombes incendiaires mirent en cendres toutes les maisons de bois se trouvant à l'extrémité sud-ouest de la ville (...) Quant aux grands immeubles blancs bordant la Volga, il n'en restait que la carcasse, l'intérieur s'étant effondré. Beaucoup d'autres constructions étaient éventrées, effondrées ou en flammes. Des mères berçaient des bébés morts, et des enfants tentaient de réveiller des parents tués. Des centaines d'autres familles étaient enterrées vivantes sous les décombres.

(...) Les immenses réservoirs de carburant installés sur les bords de la Volga furent également atteints. Une boule de flammes jaillit jusqu'à près de 500 mètres dans le ciel, suivie, pendant plusieurs jours, d'une colonne de fumée noire visible à des centaines de kms à la ronde. Le pétrole en feu se répandit dans les eaux de la Volga.

(...) Des bombes vinrent encadrer le principal hôpital de Stalingrad, pulvérisant les vitres et projetant les malades hors de leur lit. (...) Certains membres du personnel de l'hôpital furent si terrorisés qu'ils s'enfuirent en abandonnant les malades, dont quelques-uns restèrent cinq jours sans nourriture et sans soins"
(1)

Ce jour-là, les bombardiers allemands déversent quelque 1 000 tonnes de bombes sur la ville, en ne perdant eux-mêmes que trois appareils. Réédités les jours suivants, les raids de terreur vont tuer environ 40 000 civils en une seule semaine.

Ce n’est que le début…

(1) Beevor, page 153

vendredi 27 novembre 2020

6565 - mètre par mètre

Carte des opérations du "Cas Bleu", de juillet à novembre 1942

... "Chaque armée [soviétique] devait créer trois à cinq détachements bien armés (...) pour former une deuxième ligne chargée d'abattre tout soldat tentant de s'enfuir (...) Les officiers ayant laissé leurs hommes battre en retraite étaient dégradés et envoyés dans des compagnies disciplinaires (ou Chtrafrotri) affectées à des tâches semi-suicidaires comme le déminage en zone de combats.

En tout, quelque 422 700 hommes de l'Armée rouge devaient "effacer avec leur sang les crimes commis contre la Mère-Patrie". L'idée parut si séduisante aux autorités soviétiques que des prisonniers civils furent également transférés du Goulag aux unités disciplinaires"
(1)

Et lorsque le fait d'abattre dans le dos ou de fusiller pour l'exemple des milliers de soldats déserteurs ou manquant de "force morale" ne suffit pas à remotiver le reste des troupes et à les convaincre de sacrifier leur vie à la défense de la Patrie et du communisme, on n’hésite pas à recourir au bon vieux principe romain de la décimation - ne cherchez pas plus loin l'origine du verbe "décimer".

En septembre 1942, le commandant de la 64ème division de fusiliers va ainsi faire rassembler ses hommes pour les haranguer puis, cette tâche essentielle accomplie, dégainera son pistolet d'ordonnance, remontera toute la première ligne et logera tranquillement une balle dans la tête d'un homme sur dix, ne s'arrêtant que le temps de recharger son arme !

Mètre par mètre, les Allemands continuent pourtant de progresser vers cette "ville bâtie sur la Volga", cette "ville qui s'appelle Stalingrad mais qui aurait pu s'appeler autrement" et dont Hitler ne veut à aucun prix "qu'elle devienne un nouveau Verdun"...

(1) Beevor, op cit, page 126

jeudi 26 novembre 2020

6564 - la Directive 45

Hitler, au Werwolf, 20 aout 1942. Notez le contraste par rapport à la Wolfsschanze

… 28 juillet 1942

Concrètement, la Directive du Führer No. 45  implique de dérouter vers le Caucase la plupart des Panzers prévus pour l'offensive vers Stalingrad, laissant ainsi à la seule 6ème Armée de Paulus, quasiment dépourvue de chars, le soin de s'emparer de la ville.

"Lorsqu'il reçut cet ordre [le maréchal] List (1) n’en crut pas ses yeux. Il ne pouvait en conclure qu'une chose, à savoir que Hitler possédait, sur l'effondrement de l'Armée rouge, des renseignements qu'il n'avait fait partager à personne. Dans le même temps, on apprenait que la 11ème Armée de Manstein [qui venait tout juste de s’emparer de la Crimée et de la forteresse de Sebastopol] était envoyée à Leningrad et que les divisions Grossdeutschland et SS-Leibstandarte étaient réexpédiées en France.

"Cette constante sous-estimation du potentiel ennemi, écrivit alors le maréchal Halder dans son journal, tourne progressivement au grotesque et devient dangereuse"
(2)

Et elle l’est d’autant plus qu’en face, Staline, non content de disposer de bien plus de soldats, de tanks et d’avions qu’Hitler, édicte, cinq jours plus tard, son Ordre numéro 227, plus connu sous son surnom de "Plus un pas en arrière", lequel stipule que tout Russe qui viendrait à se rendre aux forces allemandes deviendra un "traître à la patrie", et souligne que les "lâches et les paniquards" doivent être "exécutés sur place".

(1) nouveau commandant du Groupe d’Armées A
(2) Beevor, op cit, page 116-117

mercredi 25 novembre 2020

6563 - changement de plan

Hitler, recevant l'ambassadeur de Turquie au Werwolf, 14 aout 1942. Notez la rusticité des lieux

… Werwolf, 23 juillet 1942

Pour ne rien arranger, les conditions météorologiques au Werwolf sont encore pires qu’à la Wolfsschanze : lorsque Hitler et sa suite y débarquent, le 16 juillet, la température atteint les 40 degrés, mais chute très rapidement à la nuit tombée.

"Il n'y avait pas d'arbres, pas de collines, simplement un immensité sans fin de néant. Hitler et son personnel détestaient l'endroit où, pendant les trois mois suivants, ils furent contraints de vivre. Chaque soir, tout le monde devait avaler des comprimés contre la malaria" (1)

Rien d’étonnant dès lors à ce que, dans ces conditions, la santé physique d’Hitler - sans même parler de son équilibre mental ! - se détériore à nouveau et l’amène, une semaine à peine après son arrivée, à prendre une des décisions les plus catastrophiques de la guerre.

"Hitler s'impatientait de plus en plus des retards (...) Cette impatience le poussa au plus désastreux des changements de plan, avec, à la clé, une perte supplémentaire de temps et de carburant. Le stade intermédiaire de l'Opération bleue consistait en une avance rapide de la 6ème Armée et de la 4ème Armée blindée vers Stalingrad (...) avant de lancer une attaque contre Rostov et, au delà du Don, vers le Caucase.

Mais Hitler avait une telle hâte de voir se réaliser cette dernière opération qu'il décida que les deux phases auraient lieu simultanément. Cela eut pour effet de réduire considérablement la concentration des forces". (2)

(1) Baxter, op cit
(2) Beevor, op cit, page 116-117

mardi 24 novembre 2020

6562 - un dur changement de cadre

La piscine du Werwolf de Vinnytsia, destinée à Hitler... qui ne l'utilisera jamais

… pour égayer quelque peu l’ambiance encore plus austère qu’à la Wolfsschanze, l’Organisation Todt a également fait aménager un salon de thé et un autre de coiffure, mais aussi un bain public, un sauna, un cinéma et même une piscine, avant tout destinée à Hitler, qui ne l'utilisera pourtant jamais. 

Et parce que le Führer est végétarien, on a également prévu un vaste potager pour lui fournir tous les légumes frais dont il peut avoir besoin, des légumes qui seront bien évidemment testés par un goûteur officiel, afin de lui éviter tout risque d’empoisonnement.
 

Mais en dépit de toutes ces petites attentions, ce changement de cadre n’en est pas moins durement ressenti par tous les membres du "Cirque Hitler", acheminés sur place par plus d’une quinzaine d’appareils de transport.

Il faut dire que non content d’être encore moins confortable que la Wolfsschanze, le Werwolf est situé encore plus loin de tout, et en particulier encore plus loin de Berlin et de la Mère patrie.

De la capitale, il faut en effet plus de quatre heures de vol, et au moins un ravitaillement au sol, à un Junkers 52 pour rallier Vinnytsia, un trajet qui, compte tenu des conditions ferroviaires de l’époque, prend même plus d’une journée en train !

Et aussi excentrée soit-elle, la Prusse orientale fait historiquement partie du Reich alors que l’Ukraine n’est qu’une conquête récente où aucun Allemand, même avec l’arrogance que confère toujours la victoire, n’est en mesure de se sentir chez lui…

lundi 23 novembre 2020

6561 - le loup-garou de Vinnytsia

Hitler, à son arrivée au Werwolf de Vinnytsia, 16 juillet 1942

… Wolfsschanze, 16 juillet 1942, 08h15

Car la scission du Groupe d’Armées Sud en deux plus petits Groupes d’Armées, suivie du congédiement définitif de von Bock, ne constituent en fait que le prologue d’une tragédie qui trouvera son épilogue quelque six mois plus tard, dans "une ville sur la Volga connue sous le nom de Stalingrad".

Mais au matin de ce 16 juillet 1942, et pour le personnel de la Wolfsschanze, ce double événement représente plutôt le prologue d’un simple déménagement général, non pas pour Berlin ou le Berghof, mais plutôt pour un nouveau quartier-général de campagne encore plus inhospitalier et insalubre que celui de la Wolfsschanze : le Werwolf ("Loup-garou") de Vinnytsia (Ukraine)

A l’automne de 1941, et alors qu’il venait à peine d’emménager dans son Q.G de Prusse orientale, Hitler, toujours soucieux de "montrer l’exemple"… mais aussi de surveiller ses généraux d’au plus près, a en effet réclamé à l’Organisation Todt l’érection d’un nouveau Führerhauptquartier plus proche du Front puisque situé cette fois en plein coeur de l’Ukraine, à proximité de la petite ville de Vinnytsia, et à près de 1 000 km au sud-est de Rastenburg.

Réalisés entre novembre 1941 et juin 1942 par une main d’œuvre forcée essentiellement prélevée parmi les prisonniers de guerre soviétique, les aménagements du Werwolf sont pour le moins primitifs : le logement personnel d’Hitler - la Führerhaus - n’est en effet qu’une fort modeste cabane de rondins érigée à proximité d’un bunker bétonné, tandis que le reste du complexe se limite à une vingtaine de chalets et de baraquements en bois et à trois bunkers anti-aériens, le tout bien évidemment flanqué des traditionnels champs de mines, postes de tirs, fossé anti-chars et autres réseaux de barbelés…

dimanche 22 novembre 2020

6560 - le congédiement de von Bock

Hitler, à la Wolfsschanze, recevant le ministre des Affaires étrangères irakiens, 15 juillet 1942

… car si Hitler, lors de cette réunion, donne à von Bock la permission de capturer la ville stratégique de Voronej, il lui interdit en revanche de se laisser entraîner dans des combats urbains prolongés, attendu "qu’il ne voulait en aucun cas se retrouver avec un autre Moscou ou Leningrad entre les mains"

"Trois jours plus tard, il reçut un rapport selon lesquels Voronej avait été capturé, mais Hitler retenait toujours son souffle. Tandis qu’il arpentait son bunker de long en large, quelqu’un lui révéla que les unités de Bock s’étaient inexplicablement engagées dans une série de combats de rues acharnés et que, pendant deux jours, elles s’étaient fanatiquement efforcées de tenir la ville.
 
Bouillonnant de colère, Hitler ne pouvait pas croire ce qui s'était passé. Il était tellement irrité du comportement de Bock qu’il annonça qu’il allait immédiatement le relever de son commandement.

Bien qu’admettant que Bock avait été un commandant adéquat sur le Front de l'Est, il estimait ne plus être en mesure de travailler avec des généraux incapables de suivre ses directives à la lettre
" (1)

En rétorsion, Hitler décide donc, le 7 juillet, de scinder le puissant Groupe d’Armées Sud de Bock en deux plus petits Groupes d’Armées (A et B) : le premier revenant au maréchal Wilhelm List, et le second demeurant sous le commandement au moins nominative de Bock qui, six jours plus tard, est néanmoins formellement relevé de son poste (2) et remplacé par le général Maximilian von Weichs.

Mais l’affaire est loin d’être terminée…

(1) Baxter, op cit
(2) relevé de son poste pour la deuxième fois en moins de six mois, et mis « en disponibilité » (mais avec plein salaire, conformément à la coutume hitlérienne) von Bock ne retrouva plus jamais le moindre commandement opérationnel et décéda le 4 mars 1945 après le mitraillage de sa voiture par un appareil britannique

samedi 21 novembre 2020

6569 - "Nous foncions droit devant nous avec enthousiasme"

Hitler, accueilli au Q.G. du Groupe d'Armées Sud, 01 juillet 1942

... 1 juillet 1942

Au début, et comme à l'été précédent, l'avance des troupes allemandes s'effectue avec une grande facilité.

"Nous foncions droit devant nous avec enthousiasme",
expliqua un jeune lieutenant de Panzer, avant d'ajouter "et cependant, nous savions que l'ennemi allait attaquer dès l'hiver venu" (1)

Car comme à l'été précédent, les Russes en retraite continuent de brûler systématiquement tout ce qu'ils ne peuvent pas emporter avec eux,... et les Allemands de piller tout aussi systématiquement ce que les Russes n’ont pas réussi à brûler !

Et comme à l'été précédent, le galop initial finit par marquer le pas sur l'agenda qui, comme à l'été précédent, a été rédigé de manière bien trop optimiste pour une armée cheminant encore plus qu'avant à pied et à cheval !

Et comme à l'été précédent, ce ralentissement, on s’en doute, a le don d’irriter Hitler qui, le 1 juillet, décide de quitter la Wolfsschanze et de prendre l'avion pour le quartier-général de von Bock près de Poltava (Ukraine) et pour une réunion au sommet avec le chef du Groupe d'Armées Sud

Une réunion dont les suites vont bientôt s’avérer désastreuses…

(1) Beevor, op cit, page 114

vendredi 20 novembre 2020

6568 - quand une paranoïa chasse l'autre

Hitler, à la Wolfsschanze, recevant le leader nationaliste indien Sudhas Chandra Bose, 29 mai 1942

… Wolfsschanze, 28 juin 1942

Pour la seconde fois en moins de six mois, le refus obstiné d’Hitler d’envisager toute idée de retraite et, il faut bien le dire, le sacrifice de plusieurs milliers de soldats allemands supplémentaires, ont triomphé du pessimisme, et même du défaitisme, de l’État-major et, s’il en était encore besoin, renforcé Hitler dans sa conviction que lui, et lui seul, peut commander l’Armée et la mener à la victoire.

Cette victoire, justement, passe par le lancement du "Cas Bleu" (1), prévu pour le 28 juin. Mais le 19, un petit Fieseler-Storch est malencontreusement abattu derrière les lignes soviétiques avec, à son bord, les plans complets de l'opération, qu'un officier allemand imprudent a emporté avec lui, au mépris de toutes les consignes de sécurité !

Et en apprenant cette nouvelle, Hitler est d'autant plus furieux qu'il est cette fois hors de question de modifier les plans opérationnels, comme on l'avait fait lors d'un incident similaire survenu en Belgique, deux ans auparavant (2)

Fort heureusement pour Hitler, la paranoïa de Staline ne le dispute qu'à la sienne : entré en possession des documents récupérés dans l’épave, le Petit Père des Peuples, résolument convaincu de bientôt assister à une nouvelle offensive des Allemands sur Moscou, ne voit en effet en eux qu'une grossière tentative pour le pousser à dégarnir les défenses de la ville !

Le plan de défense soviétique n’est donc pas modifié, ce qui, une semaine plus tard, permet aux Allemands de lancer leur attaque comme prévu…

(1) officiellement rebaptisée "Operation Braunschweig" (Brunswick) le 30 juin
(2) le 10 janvier 1940, un avion de liaison allemand qui s'était égaré en Belgique avait dû effectuer un atterrissage forcé à Mechelen. La première mouture du plan d'invasion - ou "plan jaune" - tomba ainsi aux mains des Belges, qui la communiquèrent aux services de renseignement français

jeudi 19 novembre 2020

6567 - le triomphe de Kharkov

Fantassins soviétiques, sautant d'un char Matilda lors de la Seconde Bataille de Kharkov

… Wolfsschanze, 22 mai 1942

Mais après une semaine de combats acharnés, l’intervention de "l’artillerie volante" de la Luftwaffe, ainsi que celle des Panzers de von Kleist, finissent par faire de cette Seconde Bataille de Kharkov un succès et même un véritable triomphe allemand !

"Le 22, cette croyance obstinée [d’Hitler en la victoire] devint réalité. On lui remit un rapport selon lequel ses troupes, appuyées par un rassemblement massif de blindés, avaient encerclé les unités des l’Armée rouge et fait quelque 240 000 prisonniers.

Ce jour-là, Hitler sortit de son Führerbunker avec allégresse et en tant que vainqueur de Kharkov. Au Keitelbunker, il s'émerveilla ouvertement de son génie militaire ainsi que de la victoire qu'il venait de remporter contre ses généraux. Ceux qui le virent ce jour-là le découvrirent rayonnant de confiance.

Lors des réunions de guerre, Hitler, enhardi par cette première victoire militaire de 1942, paraissait plus que jamais convaincu que le futur Cas Bleu serait tout autant couronné de succès. Le Caucase, prédisait-il, serait l'endroit où l'ours russe subirait sa plus sanglante défaite. Durant de nombreux mois, ses généraux s'étaient disputés avec lui et s'étaient opposés à sa grande stratégie, mais maintenant il allait leur prouver qu'ils avaient tort"
(1)

Et même si les pertes de sa propre 6ème Armée atteignent près de 20 000 hommes, le général Paulus n’est pas loin de penser la même chose, lui qui se voit à présent encenser par la Presse allemande, mais aussi bientôt décoré de la Croix de Chevalier par le Führer en personne…

(1) Baxter, op cit

mercredi 18 novembre 2020

6566 - combattre le défaitisme

Un tank Matilda... russe, détruit lors de la Seconde Bataille de Kharkov, mai 1942

… Wolfsschanze, 8 mai 1942

Le 8 mai, désormais nanti du droit absolu de vie et de mort, et ayant convaincu Mussolini d’envoyer bientôt d’importants renforts de troupes en URSS, Hitler est de retour à la Wolfsschanze pour y superviser le bon déroulement de sa grande offensive du printemps.

Mais contre toute attente, ce sont les Soviétiques qui décident cette fois de prendre les devants : le 12, le maréchal Semion Timochenko lance en effet plus 600 000 hommes et près de 1 200 chars dans la région de Kharkov

Et comme il l’avait fait en décembre devant Moscou, le malheureux maréchal von Bock (1) de multiplier à nouveau les appels téléphoniques à la Wolfsschanze pour supplier son Führer d’autoriser la retraite !

"Hitler, furieux, déclarait que Bock était un défaitiste. L’offensive, soutenait-il, devait se poursuivre comme prévu, et ses généraux devaient apprendre à maîtriser leurs nerfs s’ils voulaient l’emporter. Les jours suivants, la crise régna sur la Wolfsschanze. Hitler sortait chaque jour pâle et épuisé de la salle de conférence après s’être disputé pendant des heures avec son État-major. Il demeurait convaincu que ses forces se devaient à tout prix de tenir Kharkov et affirmait que l’ennemi y serait détruit" (2)

Sur le terrain où les combats font également rage, un adjudant allemand de la 389ème division doit quant à lui faire face à un ennemi pour le moins inattendu : "un bataillon de femmes-bandits menées par une rouquine. (...) Les méthodes de combat de ces bêtes femelles se sont révélées traîtresses et dangereuses. Elles se cachent au milieu des meules de paille et nous tirent dans le dos dès que nous les avons dépassées" (3)

(1) bien que relevé de son commandement du Groupe d’Armées Centre en décembre 1941, von Bock avait néanmoins récupéré celui du Groupe d’Armées Sud un mois plus tard, suite à la mort de von Reichenau dans un accident d’avion
(2) Baxter, op cit
(3) Beevor, Stalingrad, page 101

mardi 17 novembre 2020

6565 - les Italiens à la rescousse

Hitler et Mussolini, au Château de Klessheim, 29 avril 1942

… Château de Klessheim (Autriche), 29 avril 1942

Trois jours plus tard, c’est dans un tout autre but qu’Hitler, devenu "Juge suprême du Peuple allemand", rencontre son homologue italien Benito Mussolini au Château de Klessheim (1), près de Salzbourg.

Pour le Führer, il s’agit en effet d’obtenir du Duce l’envoi de troupes italiennes supplémentaires sur le Front de l’Est, car même s’ils ne se font depuis longtemps plus aucune illusion sur le véritable potentiel militaire de leur allié transalpin, Hitler et son État-major ont néanmoins besoin de soldats italiens, mais aussi français, roumains, hongrois ou encore espagnols (2) sur les arrières du Front et plus généralement dans tous les endroits où la présence de combattants allemands n’est pas strictement indispensable

Et Mussolini, qui n’a plus grand-chose à refuser à son "ami" Hitler depuis que l’Afrika Korps de ce dernier a - provisoirement - sauvé l’Empire italien d’un total effondrement en Afrique du Nord, de bientôt autoriser la constitution puis l’envoi en URSS d’une véritable Armata Italiana in Russia (ARMIR) de plus de 200 000 hommes, appelée à se substituer à l’actuel Corpo di Spedizione Italiano in Russia (CSIR), trois fois moins nombreux.

Dès l’été, l’ARMIR, plus généralement connue sous le nom de 8ème Armée italienne, va donc opérer sur les flancs et les arrières de la Wehrmacht, et plus particulièrement sur ceux de la 6ème Armée allemande, dont le commandement, suite aux innombrables purges de l’hiver, a été confié, le 5 janvier précédent, à un général et officier d’État-major de 51 ans qui n’a jamais commandé une seule division au combat…

Friedrich Paulus

(1) depuis l’Anschluss, Hitler avait pris l’habitude, lorsqu’il séjournait au Berghof, de délocaliser au Château de Klessheim, distant de moins de 40 km, les rencontres ou réceptions trop importantes pour être organisées dans sa propre résidence privée.
(2) bien qu’ayant refusé d’engager directement l’Espagne aux côtés du Reich, Franco avait néanmoins accepté l’envoi de "volontaires" espagnols réunis au sein de la División Azul, qui combattit sur le Front de l’Est jusqu’à la fin de 1943

lundi 16 novembre 2020

6564 - le "Juge suprême du Peuple allemand"

Hitler, le 26 avril 1942, lors de l'ultime séance du Reichstag où il devint le "Juge suprême du Peuple allemand"

… Wolfsschanze, 24 avril 1942

Deux jours après la kolossale rencontre entre les deux premiers chars Tigre, le "Cirque Hitler" quitte la Wolfsschanze pour Berlin, où le Führer doit prononcer un important discours devant le Reichstag, et obtenir de ce dernier une réforme judiciaire et administrative sans précédent, puisqu’elle lui conférera en effet le droit absolu de récompenser, mais aussi, et surtout, de punir, tout citoyen allemand en dehors de toute procédure légale !

Le 26, devant le ban et l’arrière-ban des parlementaires réunis à l’Opéra Kroll (1), Hitler est donc promu, à l’unanimité des votes, "Juge suprême du Peuple allemand".

En pratique, la Loi d’Habilitation du 23 mars 1933 (2) se retrouve donc prolongée indéfiniment, tandis qu’Hitler se voit lui-même octroyer droit de vie et de mort sur tout le territoire du Reich et des pays conquis.

Ces Parlementaires obligés ne le savent pas encore, mais cette séance du 26 avril 1942, qui abolit de facto tous leurs privilèges et responsabilités, est aussi l’ultime séance tenue par le Reichstag sous le Troisième Reich : le 25 janvier 1943, soit cinq jours avant la date formelle de nouvelles élections législatives, et alors que la Chute de Stalingrad n’est désormais plus qu’une question d’heures, Adolf Hitler va en effet décider de postposer tout renouvellement de l’Assemblée pour un nouveau terme de quatre ans (3), soit jusqu’au 30 janvier… 1947 !

(1) depuis le 27 février 1933 et l’incendie du Reichstag, les sessions du Parlement allemand se tenaient dans le bâtiment, situé juste en face, de l’Opéra Kroll, spécialement réaménagé pour la cause.
(2) promulguée dans la foulée de l’Incendie du Reichstag, et renouvelable tous les quatre ans, cette loi avait déjà offert à Hitler le droit de gouverner par décret, c-à-d sans l’aval obligatoire du Parlement.
(3) jusqu’à la réunification de l’Allemagne, en 1990, les élections au Reichstag de 1938 auront donc été les dernières tenues sur l’ensemble du territoire allemand

dimanche 15 novembre 2020

6563 - le Tigre du Führer

Le Tiger I : aussi redoutable pour ses adversaires que pour ses utilisateurs

… si le prototype de Porsche, le VK 45.01 (P), fascine Hitler, sa conception extrêmement complexe, et en particulier ses deux moteurs refroidis par air et entraînant chacun leur propre moteur électrique (!) par ailleurs gros consommateurs de cuivre - denrée déjà rare au sein du Reich - a plutôt le don d’effrayer les responsables de la Wehrmacht,... mais aussi le nouveau  Reichsminister für Bewaffnung und Munition Albert Speer, qui préfère de loin la simplicité - néanmoins toute relative (!) - du modèle Henschel, lequel va donc finir par l’emporter (1) et donner naissance à un des plus célèbres - et formidables - tanks de la 2ème G.M. : le Tiger I,... dont l’emploi va néanmoins vite s’avérer bien plus difficile, et les résultats bien moins décisifs, qu’espéré par le Führer et son État-major.

Car si le Tiger, avec son canon de 88mm à haute vitesse initiale, peut espérer l’emporter facilement sur tout rival soviétique, britannique ou américain de l’époque, tout en demeurant, grâce à son épais blindage, à l’abri des coups de ceux-ci, son encombrement et son poids de près de 60 tonnes en ordre de marche - soit près du double du projet initial (!) - vont en revanche le handicaper sévèrement sur le champ de bataille, le rendre très vulnérable aux attaques aériennes,… et exercer une fâcheuse influence sur la fiabilité de sa transmission et de son moteur Maybach, toujours à la peine malgré ses prés de 700 CV !

Ajoutons-y le fait que le Tiger, toujours en raison de son poids, ne pourra pas emprunter la plupart des ponts de l'époque, et souffrira, tout au long de sa carrière, d’un entretien difficile et d’une suspension par trop fragiles (2), et on comprend que cette première - mais assurément pas dernière (!) - "arme-miracle" du Troisième Reich a finalement peu de chances de réussir à faire basculer le rapport de forces en faveur de l’Allemagne…

(1) en guise de consolation, Porsche, qui  avait déjà lancé la fabrication d'une centaine de châssis, se verra offrir la possibilité de les réutiliser en transformant en chasseur de char "sans tourelle" son projet avorté de char lourd. Désormais muni d'une casemate fixe implantée à l'arrière du véhicule, et ironiquement baptisé "Elefant" par ses équipages, le nouveau blindé de 70 tonnes sera lancé dans la bataille de Koursk à l’été 1943, où il s’avérera - comme prévu - à la fois bien plus fragile et bien moins efficace que le Tiger
(2) l’ensemble de ces limitations finira d’ailleurs par entraîner la mort du Tiger I, dont la production sera arrêtée en 1944, après seulement  1 300 exemplaires !

samedi 14 novembre 2020

6562 - un cadeau kolossal

Le VK4501(P) : le "cadeau" de Porsche pour l'anniversaire d'Hitler

… Wolfsschanze, 20 avril 1942

Car à la Wolfsschanze, c'est un cadeau en tout point kolossal qui est offert à Hitler pour son 53ème anniversaire :

… les deux premiers prototypes du monstrueux char Tigre !

Initiée dès 1937 par l’armée allemande, mais mise sur la glace après le succès relatif des bien plus modestes Panzer III et IV lors de la Campagne de France, l’idée d’un char lourd est brutalement revenue sur le devant de la scène à l’été de 1941, dès les premières rencontres de ces même Panzer avec les KV-1 et T-34 soviétiques, respectivement bien plus lourds et beaucoup plus modernes.

Aussitôt sollicitées, les firmes Porsche et Henschel ont alors chacune élaboré leur propre prototype, tous deux articulés autour du redoutable - et déjà célèbre - canon de 88mm, et ce sont ces deux engins qui se présentent à Hitler en ce 20 avril 1942.

Plus rapide, plus maniable, et en un mot plus performant, le modèle de Porsche part d’autant plus favori que Ferdinand Porsche bénéficie des faveurs d’Hitler, qui a fait financer par le Reich les Auto-Union de compétition conçues par l’intéressé, avant de lui réclamer une "voiture du peuple" - la future Coccinelle - susceptible d’être vendue à chaque Allemand pour moins de 1 000 Reichsmarks.

Le déclenchement de la guerre ayant mis un terme à ce projet, Ferdinand Porsche s’est alors retrouvé à concevoir des tanks pour l'usine de blindés Nibelungenwerk Steyr-Daimler-Puch, et tellement convaincu de l’emporter sur Henschel qu’il a dores et déjà lancé la fabrication d'une centaine de châssis destinés à sa dernière création…

vendredi 13 novembre 2020

6561 - le Cas bleu

Speer et Hitler, à la Wolfsschanze, pour son 53ème anniversaire, 20 avril 1942

… Wolfsschanze, 5 avril 1942

Le 05 avril, Hitler dicte donc ses ordres pour la campagne qui doit enfin "assurer la victoire finale à l'Est".

Aux trois grands axes de pénétration de l'été 1942, se substituent maintenant deux opérations distinctes : la première, dite "Lumière du Nord", est censée conclure le siège de Leningrad, qui dure déjà depuis huit mois, tandis que la seconde, provisoirement baptisée Fall Blau ("Cas bleu") visera quant à elle le Sud de la Russie, et le pétrole du Caucase.

"La première phase de l'Opération bleue devait consister à prendre Voronej. La deuxième visait à enfermer le gros des forces soviétiques par un vaste mouvement en tenaille à l'Ouest du Don. (...) A ce stade, une poussée sur Stalingrad n'avait d'autre but que d'éliminer les usines d'armements qui s'y trouvaient et de s'assurer une position sur la Volga. La prise de la ville elle-même n'était pas considérée comme nécessaire" 

(...) Hitler était si certain du succès dans la campagne du Sud qu'il entendait, dès que Sébastopol serait tombée, envoyer vers le Nord la 11ème Armée de Manstein. Il avait même évoqué avec celui-ci la possibilité d'envoyer, par le Caucase, des colonnes blindées jusqu'en Inde et jusqu'au Proche-Orient" (1)

Le 20 avril, c’est cependant un tout autre évènement, et même un événement d’un poids pour le moins considérable (!), qui retient l’attention d’Hitler et de ses nombreux invités tout spécialement venus à la Wolfsschanze pour célébrer son 53ème anniversaire...

(1) Beevor, Stalingrad, page 106

jeudi 12 novembre 2020

6560 - pas d'autre choix

Hitler, à la Wolfsschanze, recevant le Roi Boris III de Bulgarie, 24 mars 1942

… quelle que soit la manière dont on envisage le problème, l'armée allemande de 1942 est  donc moins forte que celle de 1941,… alors qu'on attend toujours d'elle qu'elle remporte une guerre que sa devancière n'a pu mener à son terme !

Et l'affaire s'annonce d'autant plus mal que la dite armée ne peut cette fois  plus compter sur le moindre effet de surprise : l'adversaire est désormais sur ses gardes, plus ou moins au courant de ses intentions,… et dispose pour sa part  d’effectifs non seulement plus étoffés, mais aussi plus aguerris et mieux équipés qu'en 1941 !

Mais si Hitler fait donc preuve d'un optimisme délirant en martelant sans cesse que le Russe est "fini" et qu'un dernier effort en viendra facilement à bout, il n’a cependant pas d’autre choix que de repartir à l’offensive : chaque semaine qui passe ne fera en effet qu'affaiblir la Wehrmacht et renforcer l’Armée rouge.

Pour conserver la moindre chance de l'emporter, il faut cependant renoncer à toute idée d'attaquer sur un large front, de la Finlande à la Mer Noire comme on l'a fait en 1941, et surtout renoncer à s'emparer de Moscou, et plutôt concentrer l'essentiel des moyens dont on dispose vers l'objectif considéré comme le plus vital, à savoir le pétrole du Caucase.

"Si je n'obtiens pas le pétrole de Maïkop et de Grozny, je dois finir cette guerre !.
, va-t-il d’ailleurs déclarer le 01 juin 1942, juste avant son dernier grand coup de dés…

mercredi 11 novembre 2020

6559 - quand l'espoir renaît

Hitler, à la Wolfsschanze, recevant des blessés de guerre, 15 mars 1942

… mars 1942

Tous les espoirs d’Hitler reposent donc sur la reprise de l’offensive à l’Est, dès l’arrivée du printemps.

Ragaillardi par cette perspective, "sa santé s’améliora. Il reprit lentement confiance, et ceux qui le voyaient quotidiennement estimèrent que le pire était maintenant passé sur le Front de l'Est. 

Tout au long du mois de mars, le rétablissement progressif des forces armées allemandes en Russie se poursuivit jusqu'à ce que la boue printanière et les inondations immobilisent temporairement les deux protagonistes. Ce répit permit à Hitler et à son État-major de préparer des plans méticuleux en vue de la nouvelle offensive" (1)

Reste que si l’espoir renaît, la situation militaire n’en est pas moins préoccupante, ne serait-ce que numériquement : sur le seul Front de l'Est, l'armée allemande a en effet perdu la bagatelle d’un million d'hommes (tués, blessés ou faits prisonniers), ainsi que plus de mille sept cents avions et des milliers de tanks et de véhicules divers !

En grattant tous les fonds de casernes et en faisant - déjà - appel à des volontaires étrangers, les pertes humaines n’ont pu être compensées qu'à raison de 50%, tandis que seuls 10% des véhicules perdus ont pu être remplacés, ce qui condamne plus que jamais le soldat allemand à cheminer à pieds ou à cheval

Et si les unités blindées ont tout de même réussi à recouvrer  leur dotation initiale, leurs tanks n’en demeurent pas moins toujours incapables de rivaliser avec les T-34 russes (2)

(1) Baxter, op cit
(2) au moins égaux aux T-34, les Panther et Tiger n'apparaîtront, et seulement en petit nombre, qu'en 1943

mardi 10 novembre 2020

6558 - "Le chef est toujours mort de fatigue, mais il ne veut jamais aller se coucher"

Hitler, à la Wolfsschanze, félicitant Walter Model, promu generaloberst, 28 février 1942

… Wolfsschanze, 15 février 1942

Le 15 février, les funérailles nationales de Todt étant réglées, le "Cirque Hitler" s’en retourne à la Wolfsschanze, où l’ambiance est toujours aussi sombre.

"Après deux jours de temps plus chaud, la température a de nouveau chuté", se plaint amèrement une de ses secrétaires. "Le chef est toujours mort de fatigue, mais il ne veut jamais aller se coucher, ce qui est une punition pour nous tous. Nous avions l’habitude de mettre des disques presque chaque soir, puis de nous réfugier dans nos propres pensées, mais depuis la fin tragique de Todt, les occasions d’écouter de la musique sont rares et très espacées" (1)

Et si la musique se fait rare, les conversations sont quant à elles de plus en plus monotones et surtout de plus en plus limitées aux seuls monologues du Führer, lui-même de plus en plus enclin à faire porter aux autres, et particulièrement à ses généraux, toute la responsabilité des échecs passés et du marasme actuel.

"Au dîner, il parlait avec insistance de l'hiver épouvantable comme d’une épreuve qu’il avait maîtrisée avec succès et il continuait à mépriser ouvertement le pessimisme de ses commandants, et à blâmer Brauchitsch pour la plupart des revers. A ses yeux, un certain nombre de généraux timorés avaient complètement saboté tout le plan de Barbarossa.

Hitler déclarait que Brauchitsch n’avait voulu que des victoires de pur prestige et non pas des vraies, et il claironnait avec emphase que le dégel avait commencé à l’Est et que cela paverait la voie vers la Victoire finale
" (2)

(1) et (2) Baxter, op. cit.

lundi 9 novembre 2020

6557 - l'adoubement

Hitler, félicitant Speer, en 1943. Notez le brassard de l'Organisation Todt

… Wolfsschanze, 9 février 1942

A presque 37 ans - il les fêtera le 19 mars - Albert Speer est tout sauf un nazi convaincu.

Le NSDAP, il n’y a adhéré qu’en 1931, par pur opportunisme, et parce qu’il percevait ce parti comme le meilleur moyen d’offrir un coup d’accélérateur déterminant à sa carrière de jeune architecte.

Et de fait, le parti,  mais aussi ses propres qualités personnelles, lui ont rapidement valu un avancement météorique que sa rencontre personnelle - et décisive - avec Hitler, deux ans plus tard, a définitivement sacralisée.

Depuis cette date, Speer fait partie du "premier cercle" d’Hitler, avec lequel il converse régulièrement d’architecture et de sujets divers, en particulier lorsque les deux hommes se retrouvent sur l’Obersalzberg, où Speer dispose bien évidemment d’une villa en contrebas de celle du dictateur.

Passer du rôle d’architecte-en-chef du parti et d’inspecteur-général de la construction à celui de Ministre de l’Armement ne va pas nécessairement de soi, mais Hitler a confiance en Speer… et aucune envie de confier des pouvoirs supplémentaires à des hommes comme Goering ou Himmler, qui risqueraient à terme de lui faire de l’ombre.

Le 9 février, Speer est donc officiellement adoubé à la place de Todt qui, détail piquant, lui avait proposé la veille de le ramener avec lui à Berlin dans son avion, une proposition que Speer, arguant de la fatigue de leur interminable réunion avec Hitler, avait finalement refusé,… ce qui lui avait ainsi sauvé la vie !

Le lendemain, le "Cirque Hitler" au grand complet quitte la Wolfsschanze pour Berlin et les indispensables funérailles nationales de Todt…

dimanche 8 novembre 2020

6556 - la surprise du chef

Arrivée du cercueil de Todt, à la gare de Berlin : un vide qu'Albert Speer allait rapidement combler

 … informé de la tragédie dans la matinée du 8, Hitler accuse le coup dans un premier temps mais surprend néanmoins son entourage dès l’heure du dîner, où il annonce son intention de trouver au plus vite un remplaçant à Todt,... dont les cendres n’ont même pas eu le temps de refroidir !

Impossible pourtant de suivre ceux qui voient dans cette indifférence la "preuve" de l’implication personnelle du Führer dans la mort de Todt : la délicate situation militaire et industrielle où se trouve plongé le Reich en ce début de 1942 impose en effet de nommer rapidement un nouveau Ministre de l’Armement, et l’insensibilité d’Hitler peut tout aussi bien s’expliquer - comme l’avait déjà souligné Hewel - par l’altération croissante de son comportement et par sa volonté de plus en plus manifeste "de ne montrer ni pitié ni pardon" et "de ne reculer devant aucun sacrifice" qui l’éloignerait, même le moindrement, de l’objectif de conquête qu’il s’est fixé.

De toute manière, les prétendants au poste de Todt ne manquent pas, à commencer bien sûr par le Reichsmarschall Hermann Goering, officiel numéro 2 du régime et toujours à la recherche de nouveaux trophées, mais qui, depuis son échec de la Bataille d’Angleterre, se sait sur une pente descendante.

Mais Hitler, fidèle à sa politique de toujours diviser pour mieux continuer à régner, décide alors, à la stupéfaction générale, de jeter son dévolu sur un tout autre candidat qui, malgré son jeune âge et le fait de n’avoir jamais participé, stricto sensu, au "Temps de la Lutte", est néanmoins devenu un de ses intimes qui, par une coïncidence qui pour certains n’en est pas une, se trouve précisément en ce moment-même à la Wolfsschanze

Albert Speer

samedi 7 novembre 2020

6555 - attentat ou simple accident ?

Funérailles officielles de Fritz Todt. à Berlin

… Wolfsschanze, 8 février 1942

Aujourd’hui encore, les circonstances entourant la mort de Fritz Todt divisent les historiens, tout comme elles vont diviser les observateurs de l’époque, ainsi que tous les enquêteurs chargés d’élucider cette affaire.

La disparition violente d’un personnage aussi important que Todt ne peut évidemment qu’alimenter la machine à rumeurs et accréditer la thèse d’un assassinat d’autant plus crédible que l’intéressé s’est attiré, au fil des années, de solides inimitiés mais aussi de fort nombreux rivaux désireux de prendre sa place et de s’attribuer tout ou partie de ses prérogatives.

Et si aucune preuve formelle de cette hypothèse ne sera finalement jamais découverte, on peut estimer que personne n’avait non plus véritablement intérêt, en pleine guerre, à rendre public le moindre indice qui aurait révélé une quelconque dissension au sein du régime nazi.

D’un autre côté, la mort de Todt, aussi spectaculaire soit-elle, peut tout aussi bien s’expliquer par un simple et fort banal accident, fréquent sur les avions de cette époque, et notamment par l’existence, sur tous les bombardiers allemands, d’un dispositif d’autodestruction actionné par un câble courant le long du siège du pilote, un câble que Todt, en s’asseyant à côté de ce dernier, et dans la carlingue ô combien étriquée d’un Heinkel 111, aurait malencontreusement accroché avec une de ses chaussures (1)

Mais attentat ou accident, ce qui compte pour Hitler, en ce moment, c’est de trouver au plus vite un remplaçant à son Ministre du Reich pour l’Armement et les Munitions

Et son choix va en surprendre plus d’un…

(1) thèse défendue en particulier par Hans Baur, pilote personnel d’Hitler

vendredi 6 novembre 2020

6554 - la mort de Todt

Fritz Todt
… Wolfsschanze, 7 février 1942

Le 7 février, c’est sous la neige que le Reichsminister für Bewaffnung und Munition ("Ministre du Reich pour l’Armement et les Munitions") Fritz Todt se présente à la Wolfsschanze pour discuter de l’Économie de Guerre avec Hitler.

Todt est un des plus importants personnages du Reich, un des rares intimes d’Hitler, un de ses plus vieux compagnons du "Temps de la Lutte" - il a en effet adhéré au NSDAP dès 1922 - et cette réunion, à laquelle participent d’autres personnalités de premier plan, dont Albert Speer, est d’autant plus importante que rien n’a jusque ici été prévu dans la perspective d’une guerre longue, puisque chacun - à commencer par Hitler - a en effet tablé sur un effondrement rapide de l’URSS, qui offrirait à l’Allemagne toutes les ressources dont elle a besoin !

Conformément aux habitudes insomniaques d’Hitler, cette réunion, bien que sans avancée ou décision déterminante, se prolonge toute la nuit et même jusqu’aux premières heures du lendemain où Todt, épuisé, manifeste son intention de s’en retourner directement à Berlin, tel qu'il l’avait initialement prévu.

Une voiture le conduit donc jusqu’au petit aérodrome de Rastenburg, distant de seulement quelques kilomètres, où il embarque immédiatement dans un bombardier Heinkel 111 converti pour le transport.

Mais à peine a-t-il quitté le sol que le bimoteur explose et s’écrase en flammes dans la forêt, tuant tous son équipage ainsi que Todt lui-même !

jeudi 5 novembre 2020

6553 - la même erreur,... en pire

Chaîne de montage de bombardiers B-24 aux USA. L'Allemagne ne possédait rien de semblable
 ... mais le problème, c’est qu’en déclarant la guerre aux États-unis le 11 décembre 1941, Hitler n’a fait que répéter son erreur du printemps précédant : sous-estimer dramatiquement le potentiel humain et industriel de l’adversaire.

Le Führer s’est en effet convaincu que la lutte contre le Japon ne manquera pas de mobiliser toutes les ressources de l'Amérique, et la détournera donc pour longtemps de l'Europe, lui laissant, à lui le temps nécessaire pour en achever la conquête et la transformer en inexpugnable forteresse autarcique.

En ce début de 1942, il est incapable d'imaginer que les Américains, ce peuple qu'il qualifie volontiers de "dégénérés", ont bel et bien les moyens de mener une guerre sur deux Fronts éloignés de plus de 10 000 km l'un de l'autre (!), et même - comme Roosevelt vient d'ailleurs de le promettre à Churchill - de donner la priorité au Front européen plutôt qu'à celui, autrement plus vital pour eux, de l'Asie-Pacifique !

"Quel que fut le mépris de Hitler, il ne connaissait pas le moyen de vaincre les États-unis. Et si la victoire définitive sur l'Union soviétique ne venait pas rapidement, les formidables ressources de l'Amérique pèseraient bientôt dans la balance.

Hitler devait maintenant placer ses espoirs dans les Japonais, qui pouvaient sérieusement affaiblir les Britanniques et enfermer les États-unis dans le conflit du Pacifique. Mais il ne pouvait plus s'en remettre à la seule force des armes allemandes. 

Il avait toujours prédit que, dans sa course à la suprématie, le temps jouait contre l'Allemagne. Ses propres actions, plus que celles d'aucun autre, avaient fait en sorte que tel était bien le cas maintenant" (1)

(1) Kershaw, page 670

mercredi 4 novembre 2020

6552 - trop peu nombreux

Chars KV-1 "offerts" par les travailleurs d'une ferme collective, Moscou, hiver 1941-42
... Les soldats allemands sont meilleurs - probablement les meilleurs du monde - ils sont mieux commandés, et ils disposent généralement d'armes plus performantes que celles de leurs adversaires.

Mais ils souffrent en revanche d’un handicap rédhibitoire : celui d’être trop peu nombreux.

L'Allemagne, tout comme d’ailleurs le Japon, ne dispose tout simplement pas d’assez de soldats pour remplacer ceux tués au Front, pas assez d'aviateurs pour prendre la relève de ceux disparus au combat, pas assez de tanks, de canons ou d'avions pour affronter ceux de ses adversaires.

La "volonté" des soldats, le sens tactique des officiers, la qualité du matériel, ou même la venue d'armes "miracle" - comme les futures fusées ou les avions à réaction - ne peuvent en effet emporter la décision sur des adversaires qui alignent cinq ou dix fois plus de soldats, de tanks ou d'avions et qui, de surcroît , finissent toujours - particulièrement du côté russe - par apprendre de leurs erreurs et par utiliser troupes et matériels plus intelligemment qu'au début.

Un chiffre résume à lui seul ce constat : bien qu'ayant perdu plus de 16 000 appareils depuis l’été (!), l’Aviation soviétique est, en ce début de 1942, plus puissante que l’Aviation allemande, qui a pourtant perdu sept fois moins d'avions (!), mais dont l'industrie ne parvient plus à compenser les pertes !

Et même s'il refuse à l’admettre en public, Hitler ne peut ignorer  que l'entrée en guerre des États-Unis ne fera qu’accroître ce déséquilibre

Comprenant que le temps joue plus que jamais contre lui, il n’a donc d’autre choix que de se lancer dans un nouveau pari : celui d'achever la conquête de l'URSS avant la fin de 1942,… c-à-d avant que les ressources matérielles des États-Unis ne fassent définitivement pencher la balance en faveur de ses adversaires…

mardi 3 novembre 2020

6551 - l'attente de la deuxième mi-temps

L'hiver russe : le plus grand allié de Staline dans son combat contre Hitler
... à la mi-janvier 1942, les positions des uns et des autres  sont donc à peu près stabilisées, chacun retient son souffle dans l'attente de la 2ème mi-temps, et chacun, à sa manière, a des raisons de croire en la victoire finale.

Côté allemand, et malgré un recul qui, en certains endroits, atteint plus de 100 kilomètres, la Wehrmacht occupe toujours une grande partie du territoire soviétique et continue d'encercler Leningrad et de menacer les richesses pétrolières du Caucase.

Et si les pertes ont été beaucoup plus élevées que prévu, du moins peut-on penser que le retour des beaux jours, ainsi que la venue de renforts et de matériels nouveaux, permettront de repartir à l'offensive et de contraindre enfin l’URSS  sinon à la capitulation, du moins à une paix négociée qui laissera  à l'Allemagne l'essentiel du fruit de ses rapines.

Côté soviétique, et malgré des pertes qui auraient été considérées comme insupportables pour n'importe quel pays occidental, la panique des premiers jours a cédé la place à un raisonnable optimisme : l'avance allemande a été brisée par l'Armée rouge, et même si la contre-attaque de l'hiver n'a pas tenu toutes ses promesses - il s'en faut même de beaucoup - elle n’en a pas moins sauvé Moscou, dont Hitler ne cherche plus jamais à s'emparer.

Mais si le bilan militaire parait donc équilibré, le temps et la simple loi du nombre jouent en revanche clairement en faveur de Staline, dont la situation ne pourra que se renforcer au fil des mois, c-à-d à mesure que l'industrie soviétique - dont la plus grande partie a été déménagée sous les bombes et expédiée au delà de l'Oural - parviendra à remplacer les équipements détruits et à en doter une armée qui, démographie oblige, sera toujours plus nombreuse que celle d’Hitler...

lundi 2 novembre 2020

6550 - "Il ne reculera devant aucun sacrifice et ne montrera ni pitié ni pardon"

Panzers dans la neige. Notez l'étroitesse des chenilles
… janvier 1942

Et malheureusement pour l’Allemagne, cette auto-satisfaction d’Hitler n’est pas loin d’être partagée par l’ensemble de l’État-major !

"Après ces événements dramatiques devant Moscou, la nouvelle année apporta un regain d’espoir et d’optimisme. Les plus proches du Führer ne purent que constater que sa volonté de fer avait bel et bien stabilisé le front. Même les détracteurs les plus acerbes d’Hitler, qui s’étaient constamment opposés à lui au sujet des replis, étaient étonnés de sa clairvoyance stratégique.

(…) L'Armée rouge, comme il l'avait prédit, finit par s'essouffler en raison du mauvais temps et ne put réaliser aucune pénétration profonde dans les lignes allemandes, ce qui, en conséquence, permit de sauver le Groupe d’Armées Centre de von Bock d’une destruction complète
" (1)

Mais si rien n’est donc perdu, tout reste en revanche à… gagner, ce qui, à l’évidence, ne sera pas facile !

"Même Hitler, en dépit de son optimisme affiché lors des réunions de guerre, ne pouvait dissimuler ses doutes quant à l'achèvement de l'énorme tâche consistant à vaincre l'Armée rouge.  Aux moments des repas, il apparaissait tendu et inquiet sous l'avalanche de travail qui s'était abattue sur lui depuis qu'il avait pris le commandement de l'armée.

Ceux qui travaillaient avec lui ne pouvaient s’empêcher de voir l'altération progressive de son comportement et de son apparence. Hewel déclara à un ami "Ce n'est plus l'homme qu'il était. Il est devenu sombre et obstiné. Il ne reculera devant aucun sacrifice et ne montrera ni pitié ni pardon. Vous ne le reconnaîtriez pas si vous le voyiez"
.
Pendant les semaines qui suivirent, les pensées d’Hitler lors des réunions de guerre furent totalement consacrées à la planification de l’offensive de printemps. La Wolfsschanze bourdonnait d’activités, en particulier lors des réunions de guerre quotidiennes" (2)

(1) et (2) Baxter, op cit

dimanche 1 novembre 2020

6549 - "Hitler et Staline luttent de vitesse, à coups de décisions erronées et fatales"

Reddition de soldats allemands près de Moscou. Très peu survivront à la captivité
... "Impossible de le nier", écrit Paul Karl Schmidt (1) : "Hitler et Staline luttent de vitesse, à coups de décisions erronées et fatales; c'est à celui des deux qui fera commettre à son État-major les plus lourdes fautes"

Et de fait, après la grave sous-estimation par Hitler du véritable potentiel de l'armée soviétique, et ses interventions aussi constantes qu'inopportunes dans la conduite des opérations sur le terrain, lesquelles ont finalement amené l'armée allemande à retraiter devant Moscou, c’est maintenant au tour de Staline de sous-estimer la capacité de résistance des Allemands, et de se laisser aller lui aussi à l'ivresse d'une victoire apparemment facile.

Encouragé par le formidable succès de la contre-attaque qui, en quelques semaines, a repoussé le Groupe d’Armées Centre sur près de 160 km, le Petit Père des Peuples en est en effet venu à la conclusion qu'avec quelques effort et, là encore, beaucoup de "volonté" supplémentaire, il pourrait tout aussi bien raccompagner les Allemands jusque Berlin, et ainsi gagner la guerre à lui tout seul !

Le 5 janvier 1942, il réclame donc rien de moins qu'une offensive de grande envergure tant vers le Nord et Leningrad, que vers le Sud et la Crimée.

En vain Joukov tente-t-il d'attirer son attention sur l'impossibilité matérielle d'une telle entreprise, avec des troupes épuisées, trop peu nombreuses et encore mal équipées.

Et de fait, après quelques jours, la grande offensive de Libération dégénère en une succession d'escarmouches indécises et sans orientation précise, lesquelles voient des milliers d'hommes mourir à nouveau en pure perte, avançant et reculant au fil des attaques et contre-attaques des uns et des autres.

Paradoxalement, cette stabilisation progressive du Front, à partir de la mi-janvier 1942, persuade au contraire Hitler de la pusillanimité de ses propres généraux et du fait que c’est lui, et sa seule "volonté", qui a réussi à briser la malédiction napoléonienne, et permis aux armées allemandes de tenir des positions finalement favorables à la reprise des hostilités dès le retour du printemps...

(1)  porte-parole du ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop