lundi 31 août 2020

6487 - pratique, mais insuffisant

Hitler, et sa Mercedes W31, en Pologne, en septembre 1939
... 14 septembre 1939

Pendant deux semaines, depuis son train spécial, Hitler va donc superviser le déroulement des opérations militaires en Pologne, ne sortant du Führersonderzug "Amerika" que pour sauter dans une de ses Mercedes - depuis sa libération de Landsberg, en 1924, Hitler ne circule qu'en Mercedes - afin de se rendre à un poste de commandement avancé, ou saluer ses troupes déjà sur le point de remporter une grande victoire, avant de réintégrer le train pour manger, dormir, donner des conférences de presse et, bien sûr, dicter ses ordres en contemplant les cartes d'État-major dressées dans le wagon-salon.

Dans cet espace ô combien confiné que constitue un train, Hitler a aussi l'occasion de faire plus ample connaissance avec le général Wilhelm Keitel (1), chef de l’Oberkommando der Wehrmacht ("Haut Commandement des forces armées" ou OKW), et, surtout, rencontrer pour la première fois le nouveau chef des opérations de ce dernier, le général Alfred Jodl, qui demeurera son principal conseiller militaire jusqu'à la fin de la guerre (2)

Mais si ce quartier-général ferroviaire bénéficie de l'incontestable avantage de la mobilité, et dispose d'équipements de communication raisonnablement performants pour l'époque, il ne s'en avère pas moins fort insuffisant pour véritablement diriger des armées en campagne et héberger tout le personnel destiné à cette fin.

Le 14 septembre, Hitler s'en ouvre ouvertement au responsable des grands travaux de construction et d'aménagement du Reich, Fritz Todt, et lui ordonne de réaliser sans délai, à l'Ouest, un authentique Q.G. de campagne en prévision de l'offensive qu'il se propose de lancer contre la France dès la fin des opérations en Pologne...

(1) et (2) reconnus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'Humanité par le Tribunal de Nuremberg, l'un et l'autre seront condamnés à mort et pendus le 16 octobre 1946

dimanche 30 août 2020

6486 - l'ironie suprême

Hitler, à Hambourg, en mars 1938. Le Pouvoir absolu ne l'intéressait déjà plus...
... quelle formidable ironie : pendant dix ans, c-à-d de sa libération de Landsberg, en décembre 1924, au plébiscite du 19 aout 1934 qui lui a permis de cumuler le poste de Chancelier avec celui de Chef de l'État allemand, et d'échapper ainsi à toute menace de destitution, Adolf Hitler n'a vécu que pour une seule et unique obsession : accéder au Pouvoir suprême.

Rendu là, il a ensuite passé les cinq années suivantes à consolider sa position, supprimant les syndicats, les partis politiques et à vrai dire toute forme d'opposition constituée, mettant au pas la S.A. puis l'armée régulière, et inaugurant les premiers camps de concentration.

Mais en ce mois de septembre 1939, plus rien de tout cela n'a la moindre importance pour lui : seule compte - et comptera désormais - la conduite de la guerre - qui va l'occuper jusqu'à son dernier jour !

La guerre, c'est la grande affaire d'Hitler, c'est la seule activité qui l'intéresse, la seule où il se sent à son aise et pour ainsi dire "chez lui" : c'était déjà le cas en 1914, lorsqu'il n'était que modeste engagé volontaire dans l'armée bavaroise, et ça l'est encore plus aujourd'hui, en tant que commandant-en-chef des armées du Reich.

Bien qu'opéré dans des conditions infiniment plus confortables et moins risquées qu'en 1914, ce voyage vers le Front, dans son quartier-général mobile, représente pour lui un véritable retour aux sources, une manière de renouer avec sa jeunesse et avec cette période "la plus heureuse de sa vie"...

samedi 29 août 2020

6485 - le grand départ

Hitler, promenant son chien à côté de son train spécial. Notez le wagon de Flak
... Gare d'Anhalt, Berlin, 3 septembre 1939

Le décor à présent planté, revenons au 3 septembre 1939, et plus précisément à Berlin, à la Gare d'Anhalt,Hitler s'apprête pour la première fois à quitter sa capitale afin de rejoindre son armée qui, deux jours auparavant, a envahi la Pologne.

Et tandis que son train spécial roule vers le Front où les bonnes nouvelles se succèdent, le Führer n'en réalise pas moins que, pour la première fois, il vient aussi de perdre son pari face à la France et la Grande-Bretagne, dont il était pourtant convaincu qu'elles ne feraient rien.

"Malgré les mises en garde, ses projets (...) s'étaient fondés sur l'hypothèse que la Grande-Bretagne [considérée comme le point faible de l'alliance franco-britannique] n'entrerait pas en guerre (...) Dans ces conditions, si l'on s'en fie au récit de Paul [Otto] Schmidt [interprète officiel d'Hitler], il n'est pas étonnant qu'au moment où il reçut l'ultimatum britannique [lui enjoignant de se retirer de Pologne sous peine de déclaration de guerre], dans la matinée du 3 septembre, Hitler se soit tourné en colère vers Ribbentrop pour lui demander "Et ensuite ?"" (1)

Mais s'il a perdu son pari, Hitler, heureusement pour lui, n'en a pas moins gagné sur l'essentiel puisque ses nouveaux adversaires, loin de voler au secours de leur allié polonais, vont plutôt se contenter de rester tranquillement sur leurs positions, lui laissant ainsi tout le temps nécessaire pour terrasser la malheureuse Pologne, s'en partager les dépouilles avec l'URSS (en application du "Protocole secret" du Pacte germano-soviétique signé dix jours auparavant),... puis rapatrier sur le front occidental ses soldats victorieux...

(1) Kershaw, Hitler, volume 2, page 349

vendredi 28 août 2020

6484 - l'Air Force One hitlérien

Pétain, Hitler, et Ribbentrop, dans le wagon salon du Führersonderzug, 24 octobre 1940
... jusqu'à la création de Führerhauptquartiere protégés et semi-permanents, le Führersonderzug "Amerika", rebaptisé "Brandenburg" en décembre 1941, va donc, et à l'instar de l'actuel Air Force One, servir à la fois de moyen de transport et de quartier-général de campagne.

Ramené à Berlin après le succès de la Campagne de Pologne, et soigneusement gardé à l'écart, là encore comme Air Force One, le train spécial va reprendre du service à l'automne de 1940 en France occupée, abritant notamment la rencontre entre Hitler et le Vice-président du Conseil Pierre Laval, celle entre Hitler et le Caudillo Francisco Franco - le premier tentant vainement d'attirer le second dans la guerre - et enfin, et surtout, celle du 24 octobre à Montoire, entre Hitler et le nouveau chef de l'État français Philippe Pétain

En avril 1941, c'est encore de ce train, alors stationné sur une voie de garage près de Mönichkirchen (Autriche), que le Führer donnera l'ordre d'envahir la Yougoslavie... et célèbrera son 52ème anniversaire.

Mais à la fin du mois d'aout, le train spécial fera lui-même sa rencontre avec son successeur : le bunker,... ou plus exactement avec un des deux monstrueux tunnels bétonnés de près de 500 mètres de long (!), spécialement construits pour lui par l'Organisation Todt à Stępina et Strzyżów (Pologne), et formant le complexe dit de l'Anlage Süd ("Installation Sud")

Et c'est dans le tunnel de Strzyżów, et sous deux mètres de béton armé, que, les 27 et 28 aout, le Führer, sans quitter son wagon, recevra le Duce Benito Mussolini, dont le propre train spécial s'est quant à lui arrêté sous celui de Stępina.

C'est là que les deux hommes discuteront de la conduite de la guerre et surtout du partage de l'URSS après une Victoire finale qui ne verra jamais le jour...

jeudi 27 août 2020

6483 - Presswagen, Badewagen...

Le Fürhersonderzug, à Mönichkirchen, pour le 52ème anniversaire d'Hitler
... mais le train spécial d'Hitler comporte également un plusieurs wagons destinés à sa garde personnelle de SS, un ou deux wagon-restaurant, des wagons pour les membres de l'État-major et leur suite, d'autres wagons pour les bagages et les approvisionnements, un Presswagen pour héberger l'inévitable personnel des services de la Propagande, et un Badewagen, pour les installations sanitaires, les réserves d'eau,... et le tout aussi inévitable barbier !

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer vu l'importance du personnage, aucun des wagons du convoi n'est cependant blindé, et si leur aménagement art-déco peut être qualifié de très confortable, on est cependant loin du faste et de l'opulence de l'Orient Express... ou du propre train spécial dont bénéficiera bientôt le chef suprême de la SS, Heinrich Himmler.

En fait, si l'on excepte l'air conditionné, le seul véritable luxe du Führersonderzug réside dans la salle de bain privée dont dispose Hitler, avec son revêtement de marbre pour lequel il a d'ailleurs fallu renforcer le plancher.

Au total, en comptant les gardes, l'État-major, les valets, les cuisiniers, le personnel des communications et des services de Propagande, les divers responsables de la Reichsbahn chargés de veiller à ce que le train bénéficie en permanence d'une absolue priorité sur l'ensemble du trafic ferroviaire, ou encore le médecin, le majordome et le photographe personnels d'Hitler, ce sont plus 200 personnes, quasi-exclusivement masculines, qui vont ainsi accompagner le Führer dans tous ses déplacement et, durant plus de cinq ans, sillonner avec lui toute l'Europe au gré des événements militaires du moment...

mercredi 26 août 2020

6482 - Flakwagen, Führerwagen...

Hitler, à sa descente du Führersonderzug, au début de la guerre
... et parce qu'Hitler préfère de très loin le train à l'avion, le Führersonderzug va connaître une longue et étonnante carrière, qui le mènera en fait jusqu'au 16 janvier 1945, lorsqu'il conduira pour la dernière fois le maître du Troisième Reich d'un bunker à un autre, et plus précisément depuis son Q.G. de campagne de l'Adlerhorst de Bad Nauheim jusqu'à son Q.G. de Berlin, érigé sous les jardins de la Chancellerie, et où l'intéressé se suicidera trois mois plus tard.

Si le nombre et la composition des wagons va naturellement varier avec le temps, le Führersonderzug type est un convoi de 300 à 400 mètres de long, qui peut peser jusqu'à 1 200 tonnes.

En tête, et pour des raisons de vitesse mais aussi de sécurité, on trouve toujours deux locomotives, le plus souvent à vapeur, tractant entre 10 et 16 wagons, avec un Flakwagen, ou wagon de Flak systématiquement placé à chaque extrémité, précaution en définitive inutile puisque le Führersonderzug ne subira pas une seule attaque aérienne de toute la guerre.

Les autres wagons comprennent bien entendu le wagon privé d'Hitler - le Führerwagen - avec chambre à coucher, salle de bain, salon, bureau, et aménagements divers pour des gardes du corps et quelques rares invités.

On trouve également un wagon de communications et de commandement, ou Befehlswagen, avec table de conférence, radio, téléscripteur et matériel de décryptage, ainsi qu'un wagon électrogène chargé d'alimenter l'ensemble du convoi et notamment son système d'air conditionné, luxe très rare à l'époque...

mardi 25 août 2020

6481 - le Führersonderzug

Le Führersonderzug. Notez le wagon de flak.
… à tort ou à raison, Hitler estime qu’une des causes de la défaite de 1918 réside dans l’attitude du Kaiser Guillaume II qui, durant toute la durée du conflit, a obstinément refusé de s’impliquer directement dans la conduite quotidienne des opérations militaires, et ainsi agi comme si le sort ultime de la guerre, et de son propre pays, ne le concernait pas personnellement.

Bien décidé à ne pas répéter cette "erreur", Hitler a donc décidé, avant-même le déclenchement de la Campagne de Pologne, de quitter Berlin pour partager autant que possible le sort de ses soldats.

Et l'État-major général, qui lui doit entière obéissance depuis que le traditionnel serment de fidélité de l'Armée à la Nation a été remplacé, en aout 1934, à la mort du Président Hindenburg, par un serment envers la personne-même du Führer, n'a eu d'autre choix que de s'incliner.

Reste que le désir du général Keitel d'ériger le premier Führerhauptquartier à Potsdam, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Berlin a eu le don de susciter l'ire du Führer qui a estimé - non sans logique - qu'il ne faisait aucun sens pour lui de partir s'installer à l'Ouest quand son armée s'apprêtait à marcher vers l'Est, et qu'un tel geste pourrait même être interprété par le peuple allemand comme un abandon de poste !

Faute d'alternative rapidement disponible, c'est donc le propre train privé d'Hitler, le Führersonderzug qui va, pendant plusieurs mois, abriter son quartier-général de campagne...

lundi 24 août 2020

6480 - des Loups partout

Carte des principaux Q.G. de campagne d'Hitler
… tous ces sites n’ont bien sûr pas les mêmes dimensions ni les mêmes aménagements.

Certains sont de petite taille et simplement dotés de quelques blockhaus très sommairement aménagés, d’autres en revanche sont de véritables camps retranchés dotés de tout le nécessaire pour tenir plusieurs semaines, si pas plusieurs mois, en complète autarcie.

Lorsque la présence du Führer est appelée à durer, ou à se répéter, comme ce sera le cas au Wolfsschanze, les travaux d’agrandissement et d’amélioration, qui peuvent comprendre piscine, salon de thé, sauna ou cinéma (!), prennent alors une tournure quasiment pharaonique, et se poursuivent jour et nuit, même bien après que le Cirque Hitler soit reparti vers d’autres cieux.

Enfin, ultime détail… mordant, plusieurs de ces sites font ostensiblement référence à un Loup ("Wolf") : en plus du Wolfsschanze, de la "Tanière du Loup" de Rastenburg, on trouve ainsi les Wolfsschlucht ("Ravin du Loup") I, II et III de Brûly-de-Pesche (Belgique), Margival et Saint-Rimay (France) ou encore le Werwolf ("Loup-Garou") de Vinnytsia (Ukraine)

Et leur dénomination n’a rien d’anodin puisqu’elle se veut à la fois clin d’œil et rappel d’une des nombreuses manies d’Hitler qui, tout au long des années 20’, avait l’habitude de se présenter sous le pseudonyme de "Wolf" (1) lorsqu’il souhaitait garder l’anonymat !

(1) c’est d’ailleurs sous ce nom qu’il s’était présenté à l’apprentie-photographe Eva Braun lorsqu’il l’avait rencontrée dans les studios de son photographe attitré, Heinrich Hoffmann, en 1929…

dimanche 23 août 2020

6479 - le Cirque Hitler

Le bureau d'Hitler, à la Chancellerie. Il n'y fit que de très brèves apparitions
… quelles que soient les raisons exactes - et on pourrait encore en trouver d’autres - le fait est qu’Hitler va passer l’essentiel de la guerre claquemuré dans des Führerhauptquartiere, des Q.G. de campagne, relativement proches du Front, et en tout cas fort éloignés de sa capitale, ce qui pose dores et déjà un défi organisationnel et logistique proprement… kolossal.

Car comme le Front ne va quant à lui cesser d’avancer et de reculer au gré des aléas du conflit, les responsables de l’Organisation Todt vont devoir dénicher quantités de sites isolés et situés ni trop près ni trop loin des zones de combat, et ils vont devoir, surtout, les dissimuler aux regards indiscrets, les protéger contre une éventuelle attaque aérienne, et les aménager de telle sorte à offrir à Hitler, à sa suite aux membres de l’État-major, et à d’innombrables gardes armés, un confort minimal, des logements, des abris bétonnés, des cuisines, des installations sanitaires, des réserves d’eau, de nourriture et de carburant, des groupes électrogènes, du chauffage, de l’électricité, ainsi que tous les moyens de communication qui leur permettront de donner leurs ordres et de demeurer constamment en contact avec n’importe quel point du Grand Reich allemand.

Au total, ce ne sont pas moins d’une vingtaine (!) de Q.G. de campagne qui vont ainsi être bâtis de toute pièce en Europe de l’Est mais aussi en France et en Allemagne-même !

Le déplacement du "Cirque Hitler" d’un site vers un autre, et sa réinstallation sur place, représentent également une tâche considérable, qui mobilise à chaque fois des centaines de militaires et d’ouvriers, souvent travailleurs forcés.

Pour autant, certains de ces sites ne verront jamais l’ombre du Führer, tandis que d’autres ne l’hébergeront que quelques jours ou quelques semaines au maximum…

samedi 22 août 2020

6478 - un univers masculin

Toutes folles de lui,... mais lui ne l'était de personne
… et enfin, il faut bien le dire, il y a le fait que, contrairement au Berghof ou à la Chancellerie, le Front constitue un univers presque exclusivement… masculin.

Depuis des décennies, les relations, pour le moins étranges, entre Hitler et le beau sexe ont fait l’objet d’innombrables analyses, débats et ouvrages.

Dans un régime exaltant à ce point la puissance virile et l’absolue nécessité, pour tout Aryen, de prendre épouse et d’avoir des enfants, le fait qu’Hitler, contrairement à Staline, Churchill, Roosevelt ou encore Mussolini, ne se soit jamais marié, sauf dans les ultimes heures de sa vie, quand plus rien n’avait d’importance, et n’ait jamais eu d’enfant, est déjà une incongruité en soi.

Si quantités de femmes sont tombées amoureuses d’Hitler, au point parfois de se suicider pour lui, Hitler, lui, n’est jamais tombé amoureux de personne, si ce n’est, peut-être, de sa nièce Geli, de vingt ans sa cadette, et ses relations avec la gent féminine semblent n’avoir jamais dépassé le stade du superficiel et du platonique.

Souvent évoquée, mais jamais démontrée, l’homosexualité, ou du moins l’homoérotisme d’Hitler n’est pas à exclure : toujours mal à l’aise avec les femmes, qu’il considérait, à de très rares exceptions-près, comme de petites créatures fragiles et insignifiantes, justes bonne à agrémenter un manteau de cheminée, Hitler préférait incontestablement la compagnie des hommes,... sans même parler de celle de son chien.

Bien loin de le rebuter, la vie monacale d’un Q.G. de campagne, où la présence féminine se limitait en pratique à quelques très rares secrétaires et à une éventuelle infirmière de passage, semble au contraire l’avoir attiré, et le fait qu’il y passa de plus en plus de temps, et pour finir l’essentiel de ces dernières années de vie…

vendredi 21 août 2020

6477 - montrer l'exemple

Hitler, en chevalier teutonique et porte-drapeau d'un nouvel Empire allemand, par Hubert Lanzinger, 1938
… à cette volonté pour ainsi dire "romantique" s’ajoutent évidemment le souci de "montrer l’exemple" au peuple allemand, et en particulier aux soldats, tout de même appelés à quitter leur famille et leur existence confortable, et à risquer quotidiennement leur vie, dans la boue et le froid, afin que naisse cette "Grande Allemagne" autarcique appelée à dominer le Monde, et dont il rêve depuis le début des années 20’.

Bien évidemment débarrassée des Juifs, des Tziganes, des communistes et de tous les éléments "impurs" ou "asociaux", cette "Grande Allemagne" rêvée est toutefois - et c'est bien là le problème - si gigantesque par sa taille et ses réalisations architecturales et techniques qu’il faudra nécessairement des décennies, si pas des siècles, pour la faire sortir de terre.

Or Hitler est pressé. Il a déjà 50 ans. Il sait qu’il ne lui reste plus de très nombreuses années à vivre, que quantités de gens ont juré sa perte, et que ce reliquat d’années peut du reste disparaître à tout moment, comme l’attentat de la Bürgerbraukeller vient précisément de le lui rappeler !

Dans ce contexte, il est alors vital de se trouver constamment le plus près possible du chantier pour en surveiller l’état d’avancement, motiver les soldats-travailleurs et houspiller les généraux-contremaîtres, en leur rappelant sans cesse que le temps presse et que chaque minute perdue l’éloigne de son rêve.

A ce sentiment d’urgence s’ajoutera encore, à partir de 1942, le désir de se soustraire purement et simplement aux regards, et aux reproches, du peuple allemand, terré dans ses villes de plus en plus bombardées, et auquel il n’aura plus aucune nouvelle victoire, et en vérité plus aucune bonne nouvelle, à apporter…

jeudi 20 août 2020

6476 - quand le Chancelier regrette le soldat

Hitler - 2ème à droite - en France, en 1915 : "le moment le plus heureux de sa vie"
… pour comprendre cette volonté du Chancelier Hitler de se rapprocher autant que possible du Front, et de s’immiscer le plus possible dans les "affaires de la guerre", il faut remonter aux quatre années vécues par le soldat et caporal Hitler dans les tranchées et l’enfer de la 1ère G.M.

Engagé volontaire à 25 ans dans l’armée bavaroise alors que rien ne l’y contraignait, blessé et décoré à plusieurs reprises tout au long du conflit, grièvement gazé en 1917, le mi-peintre raté mi-vagabond Adolf Hitler a néanmoins trouvé dans l’armée la discipline, l’encadrement, la stabilité, la camaraderie et, il faut bien le dire, la "famille", qui lui faisaient jusque-là cruellement défaut.

Parce qu’il menaçait de le renvoyer à une vie d’errance et de solitude qui ne l’avait mené nulle part, l’Armistice de 1918 a donc constitué pour lui une véritable tragédie, de surcroît aggravée par le sentiment, alors largement répandu chez ses contemporains allemands, qu'il avait été "trahi" par les politiciens et - déjà - les Juifs.

En 1939, même parvenu, contre toute probabilité et toute logique, au sommet du Pouvoir, le Chancelier Hitler regrette profondément le soldat Hitler et cette période de son existence qui, en dépit des risques et des difficultés, a constitué pour lui, et comme il le répètera à maintes reprises, "le moment le plus heureux de sa vie".

Retourner au Front - fut-ce dans un bunker très raisonnablement protégé et éloigné des combats proprement dits - constitue donc pour lui un véritable "retour aux sources", qui le replonge autant qu’il est possible dans sa jeunesse et son existence "d’avant"…

mercredi 19 août 2020

6475 - la singularité hitlérienne

Hitler, à l'automne 1944 : vieilli,  mais toujours au milieu de ses généraux...
… avant d’aller plus loin, il importe donc de comprendre les raisons de cette étrange "singularité hitlérienne"

Hitler, on l’a souvent dit, se méfie de ses généraux, et cette méfiance le pousserait dès lors à les accompagner sur le terrain pour s’assurer qu’ils respectent bien sa volonté et ses instructions, mais cette méfiance est, aujourd’hui encore, largement partagée par l’ensemble de la classe politique, et n’est-ce pas le grand Clémenceau qui, lors du conflit précédent, affirmait déjà que la guerre était "une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires"

Hitler, on l’a dit également, est hanté par la crainte de la trahison, et cette crainte le pousserait dès lors à surveiller ses généraux du plus près possible, mais sur ce plan, Staline est encore plus paranoïaque que lui, et a déjà fait - et fera encore - exécuter bien plus de généraux et de personnalités qu’il suspectait de vouloir le trahir.

Même après l’attentat de la Burgerbraukeller, impossible d’autre part de soutenir que le Front constitue pour Hitler un endroit plus "sûr" que le Berghof ou même la Chancellerie du Reich à Berlin, a fortiori si - comme il le fera d’ailleurs à maintes reprises - il doit s’y rendre en avion, moyen de transport à la fiabilité encore très aléatoire à l’époque, et de toute manière sujet à une éventuelle attaque par des appareils ennemis.

L’explication doit donc être cherchée ailleurs, et plus précisément dans le passé et la personnalité du Führer lui-même

mardi 18 août 2020

6474 - le départ pour le Front

Hitler, penché sur une carte : une implication sans précédent dans les affaires de la guerre...
… par miracle, Hitler est donc toujours vivant, mais cet attentat raté - le plus sérieux à date - démontre en tout cas qu’il n’est plus en sécurité dans les endroits publics qui ont fait sa renommée et qui avaient jusqu’ici sa faveur.

Conséquence inéluctable, le Führer va se faire de moins en moins présent auprès du peuple allemand, et d’autant moins que le déclenchement de la guerre l’incite maintenant à abandonner sa capitale, et même le Berghof, afin d'accompagner ses soldats le plus près possible du Front !

Dans l’Histoire moderne, aucun dirigeant politique n’aura d’ailleurs passé autant de temps au Front, et ne se sera surtout autant impliqué dans la conduite quotidienne des opérations militaires qu’Adolf Hitler, ce qui, dépendamment du point de vue que l’on souhaite adopter, représente soit un atout, soit, au contraire, un sérieux handicap.

Staline, Churchill, Mussolini et même Roosevelt - malgré son infirmité - visiteront certes le Front à différentes reprises, que ce soit pour "prendre la température", évaluer la situation, galvaniser les troupes ou encore discuter avec les différents généraux en charge des opérations.

Sur place, ou de retour dans leurs capitales respectives, ils ne manqueront pas non plus de s’immiscer dans les affaires militaires et de  donner des ordres parfois totalement contraires à l’opinion et aux plans de leurs généraux, et ce avec des résultats pour le moins discutables, puisque variant du "correct" au carrément "catastrophique"

Mais aucun ne se comportera néanmoins comme s’il était non seulement le commandant mais aussi le stratège en chef des armées.

Sur ce plan là aussi, Adolf Hitler est unique…

lundi 17 août 2020

6473 - à 13 minutes près...

L'attentat du 8 novembre 1939 : à 13 minutes de changer le cours de l'Histoire...
… arrêté près de Constance lors d'un banal contrôle de routine alors qu'il tente de passer en Suisse, Elser passe immédiatement aux aveux et, comme Marinus van der Lubbe et Herschel Grynszpan avant lui, déclare avoir agi seul et de sa propre initiative.

Une version que personne au sein de l'appareil répressif nazi n'est cependant disposé à entendre, car comment imaginer qu'un homme seul (1), par ailleurs simple prolétaire on ne peut plus ordinaire, soit parvenu à se jouer de l'État le plus policier d'Europe, et à commettre un attentat qui aurait pu changer sinon la face du Monde, du moins l'issue de la guerre...


Pour les responsables de la sécurité du Reich, cet attentat est au contraire le résultat d'un "complot", ourdi cette fois par les services secrets britanniques, dont deux agents viennent d’ailleurs d'être arrêtés près de Venlo (Hollande) puis transférés en Allemagne, en complète violation du Droit international (2)


Elser, lui, n'en démord pas : emprisonné et tenu au secret, d'abord à Saschenhausen puis à Dachau, il va cependant, et tout comme Grynszpan, bénéficier d'un "traitement de faveur" dans l'attente d'un procès-spectacle qui, lui non plus, ne verra pourtant jamais le jour
.

Hitler, lui, est toujours en vie, et la guerre, cette guerre à laquelle le pauvre Elser voulait précisément mettre un terme (3), va donc se poursuivre...


(1) Vingt-cinq ans plus tard, à Dallas, on verra également des millions de personnes refuser la thèse d'un assassin isolé, pour y voir la main des Russes, de Castro, de la CIA ou d'un lobby aussi mystérieux que tout-puissant
(2) la Hollande était encore neutre à cette époque
(3) en avril 1945, Georg Elser sera sorti de sa cellule, et abattu avant l'arrivée des troupes américaines.

dimanche 16 août 2020

6472 - la chance du diable

Le plafond de la Bürgerbraukeller, après l'explosion, survenue 10 minutes trop tard...
... Munich, Bürgerbraukeller, 8 novembre 1939, 21h20

Le 6 novembre 1939, soit deux jours avant le discours du Führer, Elser touche enfin au but, dépose sa bombe dans le pilier, puis arme le mécanisme d'horlogerie, qu’il règle sur 21h20, c-à-d en fonction des précédents discours d'Hitler, lesquels débutent traditionnellement vers 20h30 pour se terminer deux heures plus tard.


Là où la bombe est placée, Elser sait qu'Hitler n'a pas la moindre chance de survivre à l'explosion, mais, par sécurité, il décide néanmoins de revenir sur place le lendemain soir, histoire, en collant son oreille au pilier, de s'assurer que le tic-tac fonctionne toujours !

Mais en cette année 1939, et du fait de la guerre, Hitler a décidé d'annuler son discours aux "vieux compagnons du temps de la Lutte", et de plutôt laisser à son secrétaire, Rudolf Hess, le soin de parler à sa place !

Tous les efforts du pauvre Elser auront donc été vains... sauf qu'à la dernière minute, Hitler, cédant aux suppliques des plus anciens militants du Parti, se ravise et accepte finalement de prononcer sa traditionnelle allocution !

Il y met cependant une condition, qui va s'avérer décisive : celle d'être de retour à Berlin le soir-même. Mais comme la nuit et le brouillard rendent tout décollage impossible, cela implique donc prendre le train de 21h30, ce qui, en conséquence, impose d'avancer, et de raccourcir, sa prestation...

Le 8 novembre, et contrairement aux années précédentes, le discours débute donc à 20h10 pour se terminer à 21h07, en sorte que quand la bombe explose, pulvérisant la tribune, provoquant l'effondrement d'une partie de la toiture, et faisant huit morts et une soixantaine de blessés, il y a déjà une dizaine de minutes que le Führer a quitté la brasserie...

samedi 15 août 2020

6471 - la machine infernale

Hitler, lors de son discours annuel à la Bürgerbraukeller
… Bürgerbraukeller, Münich, aout 1939

En 1938, Elser, résolu à assassiner Hitler, et à le faire seul, est donc venu en repérage dans cette célèbre brasserie de Munich.

Un rapide examen des lieux l'a convaincu de la possibilité d'y placer une bombe à proximité de la tribune où se tient traditionnellement le Führer.

Dans les mois suivants, il est retourné sur place à plusieurs reprises, a exécuté des croquis, volé des explosifs à l'usine d'armements où il travaille, et finalement réalisé une maquette de la bombe et de son mécanisme d'explosion qu'il a testé - avec succès - dans le jardin de ses parents.


A l’automne 1939, il est revenu à Munich et, chaque nuit, sans jamais être découvert, il s'est volontairement laissé enfermer dans la Bürgerbraukeller afin d'évider un pilier situé derrière la tribune où doit se tenir Hitler.

Après des semaines (!) d’un travail aussi lent que minutieux, il a fini par dégager un espace suffisant pour y placer sa machine infernale,... tout en prenant bien soin d'installer au passage une plaque de fer destinée à empêcher la cavité de sonner creux au cas où quelqu'un viendrait à la heurter.

On est minutieux ou on ne l'est pas...

vendredi 14 août 2020

6470 - appréhender l'individuel

Georg Elser : la puissance de l'homme résolu à agir seul...
… au Berghof, constamment protégé par sa garde prétorienne de SS dévoués, Adolf Hitler se trouve relativement en sécurité, mais aujourd’hui encore, les grosses organisations policières, même dotées des moyens technologiques qui auraient fait rêver n’importe quel responsable du Reichssicherheitshauptamt (RSHA) (1), demeurent fort mal outillées pour appréhender l'individuel, c-à-d pour faire face à l'acte isolé de celui qui, sain d'esprit ou non, et à l'instar d'un  Marinus van der Lubbe (l'incendiaire du Reichstag), d'un Herschel Grynszpan (l'assassin du conseiller vom Rath prélude et prétexte à la Nuit de Cristal) ou encore d'un Anders Behring Breivik (auteur des attentats du 22 juillet 2011 en Norvège) est résolu à n'agir que seul, de sa propre initiative, et en dehors de toute structure ou de tout réseau le moindrement formel et donc susceptible d’être infiltré par les forces de l’Ordre.

Georg Elser est de ceux-là

Né le 4 janvier 1903 dans le Württemberg, modeste menuisier de son état, mais ayant également acquis de précieuses connaissances dans l’horlogerie, Elser est un militant communiste "de base", qui a depuis longtemps rompu avec son parti - par ailleurs interdit dans tout le Reich depuis 1933 - lorsqu’il décide, en 1938, d'assassiner Hitler lors de son traditionnel discours à la Bürgerbraukeller de Munich.

Immense et très célèbre brasserie bavaroise, la Bürgerbraukeller est en quelque sorte La Mecque du parti nazi et celle des militants "de la première heure", et c’est d’ailleurs là que ces derniers se rassemblent religieusement chaque 8 novembre pour y célébrer le célèbre putsch raté (ou "putsch de la Brasserie") de 1923, qui avait valu l’arrestation à Hitler et sa condamnation à cinq années d’emprisonnement à la prison de Landsberg (2)

(1) le Reichssicherheitshauptamt, ou Office central de la sécurité du Reich, résultait de la fusion opérée le 27 septembre 1939 entre les services du SD (Sicherheitsdienst, ou "Service de sécurité") et ceux de la Sipo (Sicherheitspolizei, "Police de sécurité") qui comprenait elle-même la Gestapo (Geheime Staatspolizei, ou "Police d’État") et la Kripo (Kriminalpolizei, ou "Police criminelle")
(2) Hitler ne passa en réalité qu’un peu plus d’un an à la prison de Landsberg, où il débuta l’écriture de son célèbre Mein Kampf

jeudi 13 août 2020

6469 - l'inexorable coupure

Rassemblement du parti, à Nuremberg, en 1937. Hitler au faîte de sa gloire...
… dans le vocabulaire d’aujourd’hui, on dirait naturellement d’Hitler qu’il est l’incarnation-même du leader populiste, parce qu’il "sait parler au peuple", bien sûr, et qu'il le flatte dans le sens du poil, mais aussi, et surtout, parce qu’il parle un langage que le peuple comprend, et de sujets qui l’intéresse.

Cet incontestable talent inné, Hitler l’a d’ailleurs consciencieusement travaillé et amélioré au fil des années, répétant ses discours, soignant sa diction, et analysant inlassablement sa posture et sa gestuelle devant un miroir.

A la fin des années 30’, le nouveau Führer de la Grande Allemagne est à présent au sommet de son Art, et capable d’enflammer des dizaines et même des centaines de milliers de spectateurs, en particulier lors des traditionnelles grand-messes du parti à Nuremberg, longuement décrites par la cinéaste Leni Riefenstahl dans "Le Triomphe de la Volonté".

Pourtant, lentement mais inexorablement, Hitler est occupé à s’éloigner du peuple allemand et de la recette qui a fait son succès auprès de ce dernier.

Au Berghof, qu’il préfère de loin à la Chancellerie du Reich, Hitler, constamment protégé des dangers du monde extérieur par une véritable garde prétorienne de SS dévoués, est de plus en plus coupé de l’Allemagne véritable et de ses préoccupations, et ne rencontre plus guère que des dignitaires étrangers, des officiers, ainsi que les inévitables flagorneurs de son propre parti.

Et cette tendance ne fera que s’accentuer dès le déclenchement du conflit : seulement neuf grands discours publics en 1940, sept en 1941, cinq en 1942, et deux en 1943, année où il ne passera d’ailleurs que quelques jours à Berlin contre près de trois mois dans sa résidence du Berghof, sise au milieu d’une désormais vaste zone militaire interdite.

Un évènement spectaculaire l'a il est vrai incité à réduire dramatiquement ses apparitions publiques...

mercredi 12 août 2020

6468 - le Berghof

Hitler au Berghof, à l'été 1940. Le petit garçon est un des fils Speer, qu'on aperçoit à gauche de la photo
… de son côté, Hitler, désireux de recevoir - et d’impressionner - les plénipotentiaires étrangers dans sa résidence maintenant redevenue paisible, décide pour sa part de faire réaménager entièrement celle-ci aux frais de l’État allemand.

Un "réaménagement" qui, en pratique, s’apparente davantage à une véritable reconstruction puisque, considérablement agrandi, en particulier par l’ajout d’un immense garage surmonté d’une terrasse, le nouveau Berghof ne présente bientôt plus qu’une fort vague ressemblance avec la Haus Wachenfeld des origines.

A mesure que les hauts dignitaires du parti, à commencer par Goering, Bormann et, plus tard, Albert Speer, s’installent dans la région, la sécurité, déjà tatillonne, s’intensifie : les habitants du cru qui, au début, s’étaient réjouis de voir leur région reculée devenir le principal pôle d’attraction du Reich, se voient de plus en plus "invités" à déménager et à revendre leurs terres et maisons à l’État, au parti nazi, ou à l’un ou l’autre de ses chefs de file.

Parallèlement, des troupes de plus en plus nombreuses, appartenant notamment à la division SS Leibstandarte Adolf Hitler, se retrouvent hébergées dans des hôtels, des immeubles ou des baraquements proches du Berghof.

Au déclenchement de la 2ème G.M., la région tout entière est promue zone  militaire interdite et se voit agrémentée de nombreuses batteries de DCA  et même de générateurs de fumées destinés à dissimuler la résidence du "Chef" aux regards d’éventuels appareils ennemis…

mardi 11 août 2020

6467 - la Haus Wachenfeld

Hitler, à l'été 1933, saluant ses partisans encore autorisés à le visiter sur l'Obersalzberg
… Juin 1933

A la mort de Geli, en septembre 1931, la Haus Wachenfeld ("maison Wachenfeld") n’est encore qu’un relativement modeste chalet construit en 1916 sur l’Obersalzberg, et un chalet qu’Hitler loue régulièrement à prix d’ami (1) depuis 1928.

Et parce qu’il apprécie énormément ce coin reculé des Alpes bavaroises, Hitler, devenu le nouveau Chancelier du Reich, décide de s’en porter acquéreur en juin 1933, grâce aux confortables revenus qu’il tire désormais des multiples rééditions de Mein Kampf, devenu livre de chevet obligé de tout citoyen allemand respectable.

D’un point de vue sécuritaire, et par rapport à l’appartement de Münich, la Haus Wachenfeld, rebaptisée Berghof ("Cour de la Montagne") en 1935, offre l’avantage considérable de l’isolement mais - car il y a un mais - le sérieux inconvénient d’être bientôt connue bien au-delà des frontières du Reich,... et aussi lieu de pèlerinage d’un nombre sans cesse croissant de ces mêmes et respectables citoyens allemands, qui s’y précipitent dans l’espoir d’apercevoir, même de loin, leur bien-aimé Führer !

Et l’afflux de ces touristes est tel que dès 1934, les hommes chargés de la sécurité du "Chef", totalement dépassés par les événements, réclament et obtiennent le confinement de tout l’Obersalzberg, dont l’accès n’est dès plus autorisé qu’aux seuls habitants du cru, ainsi bien sûr qu’au Führer, à ses invités personnels… et aux hauts dignitaires du parti nazi qui, histoire de demeurer le plus près possible de lui, s’empressent alors d’y racheter des terrains et d’y faire construire leur propre maison…

(1) la propriétaire des lieux, Margarete Wachenfeld, était membre du parti nazi et, bien entendu, fervente admiratrice d’Hitler

lundi 10 août 2020

6466 - de mauvaises habitudes

La Haus Wachenfeld, en 1927. Hitler l'acheta trois ans plus tard pour en faire le Berghof
… Münich, 18 septembre 1931

En soi, la Stosstrupp n’est pourtant que le minuscule embryon d’une formation infiniment plus vaste et appelée à une postérité infiniment plus sombre, la Schutzstaffel (SS), ou "Escadron de Protection" (1), dont le très falot mais ô combien opiniâtre et opportuniste Heinrich Himmler (2) prend officiellement la tête en janvier 1929.

Mais Stosstrupp ou Schutzstaffel, la mission principale demeure la même, puisqu’il s’agit toujours d’offrir au "Chef" et bientôt Chancelier du Reich une protection rapprochée contre ses ennemis venus de l’extérieur mais aussi de l’intérieur du parti.

Et pour ceux chargés de sa sécurité, Dieu sait que les habitudes du dit "Chef" représentent, même pour l’époque, un véritable cauchemar !

Hitler, en effet, n’aime rien tant que serrer des milliers de mains anonymes, haranguer les foules du haut d’une tribune, ou encore défiler sur le siège arrière d’une Mercedes découverte circulant au pas d’homme.

D’un point de vue sécuritaire, son appartement munichois, où sa nièce Geli Raubal se suicide le 18 septembre 1931 dans des circonstances jamais clairement élucidées, s'avère même impossible à protéger.

Sa résidence secondaire des Alpes bavaroises, la Haus Wachenfeld, offre heureusement un meilleur potentiel…

(1) Saviez-vous que… Deux lettres blanches sur fond noir
(2) Saviez-vous que… Au Coeur des Ténèbres

dimanche 9 août 2020

6465 - un atout à protéger à tout prix

La Stosstrupp Hitler, à Münich, en 1923 : à tout prix protéger le "Chef"...
… mai 1923

Car grâce à ce fameux "don" qui captive des foules de plus en plus nombreuses, le désormais ex-caporal Hitler va gravir, à une vitesse météorique, les marches de cet obscur parti, et même finir par en prendre la tête le 29 juillet 1921, après en avoir évincé son fondateur.... (1)

Orateur exceptionnel, et pendant longtemps seul véritable orateur du NSDAP, Hitler représente donc, pour ce parti en pleine expansion, un atout tout aussi exceptionnel,… qu’il importe par conséquent de protéger  par tous les moyens possibles des ennemis, eux aussi de plus en plus nombreux, qui ont juré sa perte.

La première pièce du puzzle protecteur qui finira par conduire au Wolfsschanze, c’est la création, en mai 1923, de la Stosstrupp Hitler (ou "peloton de choc de Hitler"), petite escouade de "gros bras" dont la seule mission est d'assurer en permanence la sécurité personnelle du "Chef" dans ses moindres déplacements.

"Seuls étaient acceptés ceux qui "avaient fait leurs preuves" en tombant à bras raccourcis sur les opposants dans les meetings du Munich post-révolutionnaire. "La force est notre droit", telle était leur devise sans équivoque, et ils convainquaient leurs adversaires à coups de "gommes" et de "briquets" ainsi qu'ils baptisaient cyniquement leurs matraques et leurs pistolets. Un symbole spécifique décorait leurs uniformes (…) la tête de mort avait été empruntée aux troupes d'élite de l'armée. Depuis des siècles, il passait pour un signe d'indéfectible loyauté envers le chef de corps" (1)

(1) mis à l’écart du parti qu’il avait pourtant fondé, Anton Drexler, devenu alcoolique, mourra dans l’anonymat le plus complet en février 1942
(2) Guido Knopp, La SS, page 27

samedi 8 août 2020

6464 - l'homme qui savait parler aux oreilles du peuple allemand

Hitler, en 1921 : un orateur exceptionnel... et un exceptionnel atout pour son parti
… Münich, 1919

Mais avant de pénétrer dans le Wolfsschanze et de nous aventurer sous les énormes épaisseurs de béton de ses blockhaus, il importe plus que jamais de nous poser une question essentielle…

… comment en est-on arrivé là ?

Et comme souvent, la réponse à cette question nous oblige à remonter de nombreuses années en arrière, et même jusqu’à l’année 1919, lorsque le caporal Adolf Hitler, 30 ans, plutôt que de se retrouver comme tant d'autres, démobilisé dans la foulée  immédiate de l’Armistice, se voit plutôt confier par ses supérieurs une mission pour le moins singulière : infiltrer les nombreux groupuscules de l’extrême-droite völkisch, alors endémiques dans les brasseries de Münich.

Ainsi promu, et pour quelques mois encore (1), informateur en tenue civile, Hitler a ainsi la chance d’assister à une réunion du nouveau Deutsche Arbeiter Partei (DAP) ou "Parti Ouvrier Allemand" (2), fondé par Anton Drexler le 5 janvier 1919

S’il n’en sort guère impressionné, considérant même ce mouvement comme juste bon à divertir une poignée de militants mi-bagarreurs, mi-ivrognes, dans les arrière-salles, Hitler n’y adhère pas moins peu après, avant de découvrir, à sa profonde surprise, et comme il l'écrira plus tard dans Mein Kampf, qu'il "sait parler" à la foule.

Et c’est bien là le problème…

(1) Hitler ne fut officiellement démobilisé qu’à la fin de mars 1920
(2) rebaptisé NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) en mars 1920

vendredi 7 août 2020

6463 - "dis-moi où tu habites, et je te dirai qui tu es"

Le bunker d'Hitler, à Rastenburg : "dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es..."
"dis-moi où tu habites, et je te dirai qui tu es"

Et de fait, sans même parler de tous les autres séjours plus ou moins longs dans d’autres bunkers et d’autres abris anti-aériens - comme celui de la Chancellerie - tout aussi déprimants, comment imaginer que la réclusion volontaire, et pendant près de 800 jours (!), dans un cadre monacal, au fin fond d’une forêt perdue, et sous des mètres et des mètres de béton armé humide et grisâtre, n’ait pas singulièrement aggravé un état mental qui suscitait déjà bien des inquiétudes avant la guerre ?

Comment imaginer qu’en pareil endroit, cet homme soumis à d’immenses pressions et à des nouvelles de plus en plus mauvaises en provenance des différents Fronts, ne se soit pas progressivement coupé du Monde des vivants et en particulier de ses propres concitoyens, dont il finirait du reste par souhaiter la disparition complète, puisque s’étant montré incapables de réaliser le grandiose dessein qu’il leur destinait (1)

C’est là, au Wolfsschanze de Rastenburg, et plus que nulle part ailleurs, que celui qui était devenu Chancelier du Reich en janvier 1933 sous les vivats de centaines de milliers de fidèles, s’est rapidement transformé en un dictateur fou imposant durant de longues heures des monologues dépourvus de sens à un auditoire captif de plus en plus restreint, et vociférant des ordres personnels de plus en plus absurdes qui n’aboutissaient plus que dans le vide.

Et ironiquement, c’est là aussi, en ce lieu pourtant spécialement choisi et conçu pour lui assurer un maximum de sécurité, qu’il faillit bel et bien périr dans un attentat appelé à passer à l’Histoire…

(1) Le 19 mars 1945, à son Ministre de l’Armement, Albert Speer, qui le pressait d’épargner au moins les ponts et autres infrastructures vitales, dont la destruction "éliminerait toute possibilité de survie ultérieure du peuple allemand", le Führer se contenta de rétorquer que "Si la guerre est perdue, le peuple lui aussi sera perdu et il n'est pas nécessaire de se préoccuper de ses moyens de survie élémentaires. Au contraire, il est mieux pour nous de les détruire. Car la nation s'est montrée faible et l'avenir appartient entièrement au vigoureux peuple de l'Est. Il ne restera, en tout cas, après la bataille, que les incapables, car les bons seront morts""

jeudi 6 août 2020

6462 - la Tanière du Loup

Maquette d'époque de Germania, avec, au fond, le Grand Dôme de près de 300 mètres de haut
Adolf Hitler voyait grand, et même franchement démesuré.

Pour impressionner autant le peuple allemand que ses rivaux étrangers, et aussi, il faut bien le dire, pour flatter son propre ego, tout, dans son Reich millénaire, aux frontières par ailleurs en perpétuelle expansion, se devait d’être proprement kolossal

Dans le domaine militaire, le Monde allait ainsi avoir droit aux "super-cuirassés" Bismarck et Tirpitz de 50 000 tonnes, au "super-canon" Dora de 800mm et 1 300 tonnes, ou encore au "super-tank" Maus qui, malgré ses 180 tonnes sur la bascule (!), paraîtrait encore raisonnable en regard du projet - totalement délirant - du Landkreuzer P. 1000 Ratte de  1 000 tonnes et 11 mètres de haut, doté de deux canons de marine de 280mm !

Mais si l’on se devait de détruire, il fallait aussi (re)construire, et dans ce domaine-là aussi, l’ambition du Führer s’avérait sans limite et surtout nullement préoccupée par les contraintes techniques du moment ou les simples et viles considérations d’argent : dans un pays qui se remettait à peine de la Grande Crise de 1929, et où les voitures particulières étaient encore rares, d’innombrables autobahn - incroyables nouveautés pour l’époque - étaient appelées à sortir de terre, de même que des ponts et des viaducs gigantesques, de formidables complexes récréo-touristiques - celui de Prora, sur l’île de Rügen, s’étendant sur près de 5 km (!) - et aussi, bien sûr, des stades et des amphithéâtres cyclopéens, où des dizaines et finalement des centaines de milliers de dévots se presseraient un jour pour vénérer la toute puissance du national-socialisme et de leur nouveau dieu, Adolf Hitler.

A terme, c-à-d après la Victoire Finale, il était même prévu que Berlin se retrouve presque entièrement rasée et remplacée par une nouvelle capitale, Germania, aux avenues plus larges, et aux constructions plus grandes et grandiloquentes que tout ce qui pouvait exister jusque-là, avec en particulier un Grand Dôme seize fois plus imposant que celui de la Basilique Saint-Pierre de Rome !

Mais en attendant - vainement - cette victoire, le Führer allait pourtant passer l’essentiel de ces journées fort loin du faste et du moindre souci architectural, dans des bâtiments recouverts non pas de marbre précieux mais bien de plusieurs mètres de béton armé.

Il allait, en particulier, les passer dans un formidable complexe militaire bâti de toute pièce au fin fond d’une forêt perdue de Prusse orientale : le Wolfsschanze de Rastenburg

La Tanière du Loup

mercredi 5 août 2020

6461 - le Débarquement de Provence, repensé

Bunker du Südwall, à la frontière espagnole. La tourelle est celle d'un vieux tank tchèque Pz 38(t)
… le Débarquement de Provence fut un brillant succès allié… aujourd’hui presque totalement oublié, et aussi une des rares opérations militaires où quasiment tout se déroula non seulement conformément, mais en fait… bien mieux que selon le plan de bataille établi.

Les Alliés, il est vrai, disposaient en cette affaire d’une énorme supériorité matérielle sur leurs adversaires allemands, qui ne furent jamais en mesure de relever le défi, et à peine capables de résister deux petites semaines dans leurs supposées "forteresses" de Toulon et Marseille.

Mais si la 19ème Armée allemande fut bel et bien battue à plate couture, elle ne fut en aucune manière défaite sous le soleil provençal ! 

En dépit des espoirs des Alliés, et malgré tous les efforts déployés - en particulier par la Task Force Butler - les unités de la Wehrmacht, conformément à leur détestable habitude, parvinrent en effet à se replier en bon ordre, et même, pour l’essentiel, à s’échapper au nez et à la barbe de leurs poursuivants

A ce titre, et quelques jours à peine après Falaise, la Bataille de Montélimar illustra d’ailleurs, et une fois de plus, l’incapacité chronique des Alliés, pourtant dotés de tous les véhicules et de toute l’essence nécessaires, à porter un véritable coup de grâce à un ennemi qu’ils avaient réussi à vaincre sur le terrain.

Et s’il est bien un hommage que l’on puisse rendre à cette Wehrmacht constamment confrontée, depuis au moins la fin de 1941, à bien plus fort qu’elle, c’est précisément d’avoir presque toujours réussi à se redresser et à reprendre le combat quelques semaines, voire seulement quelques jours, après une défaite cinglante !

Littéralement laminée, tant à l’Ouest qu’à l’Est, à la fin de l’été 1944, on la verra ainsi se redresser spectaculairement à la faveur de l’automne, et même repartir à l’offensive à la fin de l’année.

Mais ceci est une autre histoire…

mardi 4 août 2020

6460 - Que sont-ils devenus (4) ?

Staline : le gagnant par procuration du Débarquement de Provence
* Après avoir désespérément réclamé pendant plusieurs années l’ouverture d’un  "Second Front" en Europe, Joseph Staline eut enfin la satisfaction de voir son désir se réaliser le 6 juin 1944, à l’occasion du Débarquement de Normandie puis, le 15 aout, à celui du Débarquement de Provence,... qu’il préférait de loin à l’idée, longtemps chérie par  Churchill d’organiser un Débarquement de l’autre côté de l’Adriatique
Incontestable vainqueur de la 2ème G.M. le Petit Père des Peuples s'empressa ensuite de placer toute l’Europe de l’Est sous un implacable Rideau de Fer qui ne s’ouvrit qu’en  1990. 
Il décéda en mars 1953, dans des circonstances jamais pleinement élucidées.

* Le commandant du 6ème Corps américain, Lucian Truscott, qui avait déjà succédé à l’infortuné Lucas sur le Front italien, retourna dans la Péninsule en décembre 1944, pour y prendre la tête de la 5ème Armée américaine, avec laquelle il participa aux ultimes combats de 1945. 
Retraité de l’Armée peu après, il intégra ensuite la toute jeune CIA d’Allen Dulles, et ne la quitta qu’en 1958. Il mourut en 1965

* Après le Débarquement de Provence, le général Friedrich Wiese retraita avec toute sa 19ème Armée jusque dans les Vosges
Bien que placé en "disponibilité" peu après, il occupa, tout comme Blaskowitz, différents commandements opérationnels jusqu’à la fin de la guerre, où il fut forcé de se rendre aux Soviétiques. Il mourut en 1975.

lundi 3 août 2020

6459 - Que sont-ils devenus ? (3)

Douglas Fairbanks Jr. : héros improbable du Débarquement de Provence
* Improbable héros du Débarquement de Provence, Douglas Fairbanks junior continua, avec les Beach Jumpers, ses missions de diversion et d’intoxication à travers la Méditerranée. 
Décoré à de multiples reprises, et notamment de la Légion d’Honneur française, il retourna à Hollywood à la fin de la guerre,... pour y reprendre ses célèbres rôles de capes et d’épées, tournant notamment dans Sinbad le Marin (1947), l’Exilé (1947) ou encore The fighting o’Flynn (Aventure en Irlande) (1949). 
Progressivement retiré du cinéma, puis de la télévision, il mourut en mai 2000

* arrêté par les Américains le 18 aout après avoir réussi à s'échapper de Draguignan, le général Ferdinand Neuling, commandant du 62ème Corps d’Armée fut expédié aux États-Unis pour y être interné au Camp Clinton (Mississippi), où il demeura jusqu’en 1947, en compagnie d’autres généraux et amiraux allemands capturés. 
Rentré en Allemagne après cette date, il y mourut dans l'anonymat en 1960.

* le général Alexander Patch, qui avait succédé à Patton à la tête de la 7ème Armée américaine termina brillamment la guerre avec celle-ci. Revenu aux États-Unis à la fin du conflit, il y mourut tristement d’une pneumonie, en novembre 1945.

* Chaud partisan du Débarquement de Provence,... ne serait-ce que pour ne pas renier les accords de Téhéran et les promesses faites à Staline, le Président Franklin Delano Roosevelt mourut d’une hémorragie cérébrale le 12 avril 1945,... deux semaines à peine avant la fin de la guerre en Europe.

dimanche 2 août 2020

6458 - Que sont-ils devenus ? (2)

De Gaulle : une "France qui se bat", et au besoin contre ses propres alliés
* le général américain Mark Clark, qui avait tout essayé pour se voir attribuer le commandement d’Anvil/Dragoon, dut se contenter de demeurer sur le Front italien jusqu’à la fin de la guerre. 
En mai 1952, il succéda à son ancien camarade de Westpoint, Mathew Ridgway, à la tête des forces des Nations Unies en Corée, ce qui, en juillet de l’année suivante, lui valu l’insigne honneur d’être signataire des accords d’armistice. 
Retraité après cette date, il demeura néanmoins conseiller politico-militaire auprès du gouvernement américain pendant une bonne décennie. Il mourut en 1984.

* Charles de Gaulle, qui avait imposé à ses alliés, et particulièrement à Churchill, le retrait des troupes françaises d’Italie et leur redéploiement en Provence, continua de jouer les trouble-fêtes auprès de ceux-ci jusqu’à la fin de la guerre. 
Devenu légende vivante et incarnation suprême de la "France qui se bat", il demeura aux avant-postes de la scène politique hexagonale jusqu’en 1968. 
Définitivement retiré du Pouvoir après son référendum perdu d’avril 1969, il mourut d’une rupture d’anévrisme à peine un an plus tard.

* commandant de "l’Armée B", devenue 1ère Armée française en septembre 1944, Jean de Lattre de Tassigny, représenta la France à la signature de la Capitulation allemande et devint commandant-en-chef des forces d’Occupation françaises en Allemagne, avant de se voir nommé, en 1950, haut-commissaire en Indochine où il fut aussitôt confronté à une autre guerre, d’Indépendance cette fois.
Très affecté par la mort de son fils unique, Bernard, tué près de Ninh Binh en mai 1951, il mourut en janvier 1952 des suites d’une opération pour un cancer de la hanche. 
Il fut un des rares officiers supérieurs français a toujours avoir entretenu de bons rapports avec ses homologues américains et britanniques

* Jacob Devers demeura à la tête du 6ème Groupe d’Armées qui, à la fin de la guerre, se composait de pas moins de douze divisions américaines et onze françaises. 
Ayant officiellement pris sa retraite de l’armée en 1949, il n’en continua pas moins durant plusieurs années de servir de lobbyiste et de conseiller auprès de celle-ci. Il mourut à l’âge de 92 ans, en 1979

samedi 1 août 2020

6457 - Que sont-ils devenus ? (1)

Churchill, Clark et une fillette de Castiglioncello, 19 aout 1944 : l'Italie comme regret
* le général Johannes Blaskowitz, commandant d’un Groupe d’Armées G réduit à la seule 19ème, retraita dans les Vosges avec ses troupes. 
Incapable de repousser la 3ème Armée de Patton, il fut alors relevé de son commandement par Hitler à la fin du mois de septembre… et rétabli à son poste par ce même Hitler à peine trois mois plus tard. 
Ayant finalement hérité du Groupe d’Armées H au début de 1945, il combattit avec celui-ci aux Pays-Bas jusqu’à la fin de la guerre.
Fait prisonnier, et accusé - pour le moins injustement - de crimes de guerre, il se suicida dans sa prison de Nuremberg en février 1948

* après la Bataille de Montélimar, le brigadier-général Frederick Butler, commandant de l’éphémère Task Force Butler reprit tranquillement son poste à l’État-major. 
Retiré de l’armée en 1953, directeur de l’aéroport international de San-Francisco jusqu’en 1956, cet officier discret décéda en 1987, à l’âge respectable de 90 ans

* le lieutenant-colonel Georges-Régis Bouvet, qui avait lancé le premier assaut français en sol provençal, termina la guerre à la tête de ses fidèles commandos. Il mourut en 1976

* Malgré le succès indéniable d’Anvil/Dragoon, Winston Churchill considéra jusqu’à la fin de ses jours, que cette opération, à laquelle il avait été contraint par ses alliés américains et français, avait été une erreur, et que les moyens humains et matériels déployés en Provence auraient eu un emploi plus utile en Italie et dans la perspective de l’Europe d’après-guerre.
Après le conflit, le Vieux Lion poursuivit, avec des hauts et quelques bas, sa brillante carrière politique jusqu’en 1955. 
Demeuré simple député après cette date, et unanimement reconnu comme une des figures marquantes du 20ème siècle, il mourut en 1965.