dimanche 17 février 2019

5936 - "Ce jour-là, il y eut beaucoup de gens en Autriche qui respirèrent en secret"

L'Archiduc Charles et son épouse Zita de Bourbon-Parme, lors de leur mariage, en 1911
… mais si la mort de François-Ferdinand est accueillie par des cris de joie à Belgrade, elle est loin de provoquer tristesse et désolation à Vienne !

On doit en vérité au grand romancier et essayiste Stefan Zweig ce qui constitue sans nul doute la meilleure description de l’ambiance très particulière qui prévalait à Vienne, mais aussi dans le reste de l’Europe occidentale, dans les jours et les semaines qui ont suivi l’assassinat du Prince héritier d’Autriche-Hongrie, puis le début de la 1ère Guerre Mondiale.

"Pour faire honneur à la vérité, on ne pouvait lire sur les visages aucune consternation ni aucune amertume. Car l’héritier du trône n’était nullement aimé. (…) on savait que le vieil Empereur haïssait cordialement le Prince parce qu’il ne savait pas dissimuler avec tact son impatience d’accéder au trône. Mon pressentiment presque mystique que quelque malheur viendrait un jour de cet homme à la nuque de bouledogue, aux yeux froids, ne m’était donc nullement personnel, il était au contraire largement répandu dans toute la nation; la nouvelle de son assassinat n’éveilla donc aucune sympathie profonde. 

Deux heures après, on ne pouvait plus observer aucun signe de deuil véritable. Les gens bavardaient et riaient, tard le soir la musique se remit à jouer dans les cafés. Ce jour-là, il y eut beaucoup de gens en Autriche qui respirèrent en secret, soulagés que cet héritier du vieil Empereur eut été éliminé au profit du jeune Archiduc Charles (1), infiniment plus aimé" (2)

En Autriche-Hongrie, donc, personne, et surtout pas l’Empereur François-Joseph, ne se lamente outre-mesure, et dans cette Europe de 1914 qui en a déjà vu bien d’autres, à commencer bien sûr par celui contre Sissi (3), l’attentat de Sarajevo,  passé les premiers moments de curiosité, n’impressionne bientôt plus grand-monde.

Dans l’ombre, pourtant, la machine infernale est bel et bien déjà en route…

(1) alors âgé de 27 ans, Charles François Joseph de Habsbourg-Lorraine était le petit-neveu de François-Joseph
(2) Stefan Zweig, Le Monde d’hier, pages 269-270
(3) le 10 septembre 1898, à Genève, l’Impératrice Élisabeth de Wittelsbach, plus connue sous son surnom de Sissi, avait été assassinée d’un coup de poinçon par un anarchiste italien

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