... à la guerre, lorsque les certitudes les mieux établies volent en éclats en même temps que le Front tout entier, il faut souvent plusieurs jours, et parfois plusieurs semaines, avant que quelqu'un, en haut-lieu, ne parvienne à se refaire une image à peu près exacte de la nouvelle réalité qui prévaut sur le champ de bataille, et réussisse enfin à extraire du chaos les hommes et les armes qui permettront - peut-être - de retourner un jour la situation.Mais en attendant ce moment, il existe toujours une différence considérable - un véritable gouffre - entre ce que vivent les hommes sur le terrain et l'idée que s'en font les États-majors.
Et en cette fin de novembre 1950, les troupes de l'ONU engagées sur le Front coréen ne font certes pas exception à la règle
"Le Lieutenant Charley Heath, qui se trouvait au quartier-général de la compagnie, se rappellerait toujours la fureur du Colonel Peploe alors qu'il téléphonait à un échelon supérieur à peine deux jours après le début de la grande offensive. "Oui nom-de-Dieu ils avaient été attaqués par les Chinois et oui il savait foutrement bien la différence entre un Chinois et un Coréen, et si quelqu'un chez eux daignait se donner la peine de quitter la Division et de descendre à son Q.G. avec un interprète, ils pourraient alors se rendre compte de la véracité de ses dires parce qu'il avait fait quelques prisonniers et parce qu'il était foutrement désireux de leur prouver qu'ils étaient Chinois, et que même s'ils n'avaient pas d'interprète, il avait, lui, à sa disposition, une foutue quantité de Chinois vraiment morts pour leur démontrer qu'il avait raison"
Heath n'avait jamais vu un officier aussi en colère. "Jésus", dit Peploe après avoir raccroché. "On pourrait tout de même s'attendre à ce que ces connards à la Division me fassent confiance pour savoir à quoi ressemble un Chinois quand j'en vois un" (1)
(1) ibid, page 422
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