… "ce n’est pas en restant au port qu’on peut entraîner les équipages", soutient une des plus vieilles maximes de la guerre navale,… à laquelle les équipages japonais, en cet automne 1944, pourraient sans doute ajouter que ce n’est pas non plus en demeurant loin des ports qu’on peut entretenir et réparer les navires !
Quelques mois plus tôt, confronté à des pénuries de carburant de plus en plus graves, le Haut-Commandement a en effet pris la décision de délocaliser l’essentiel de la Flotte à Bornéo, c.-à-d. à proximité immédiate des gisements et des raffineries du Brunei.
Logique en soi, cette décision a cependant eu de graves conséquences : faute de ports, et à vrai dire faute d’infrastructures dignes de ce nom, comment maintenir le niveau opérationnel des hommes et des bâtiments ? et, surtout, comment remettre les uns et les autres en état après chaque affrontement ?
La situation est particulièrement critique dans l’Aéronavale : non contente de ne plus posséder qu’une grosse centaine d’avions, celle-ci doit de surcroît composer avec les insuffisances de jeunes pilotes qui ne sont plus que l’ombre de leurs glorieux aînés et qui, lors de la Bataille de la Mer des Philippines, ont d’ailleurs succombé en masse sous les balles américaines.
Rien d'étonnant à cela : alors que les États-Unis peuvent se permettre d’offrir à leurs pilotes une formation de plus en plus longue (comme nous l’avons vu avec la troisième incarnation du VMF-214), le Japon, lui, n’a plus d’autre choix que de jeter les siens dans la bataille de plus en plus tôt : en 1945, ils iront même au Front avec seulement 150 heures de vol à leur actif, soit… dix fois mois que leurs aînés de 1941 !
Comme le résumera un pilote japonais, "en octobre 1942, nos équipages de bombardiers en piqué venaient de terminer un ultime cycle d'entraînement au Japon (...) contre le navire-cible Settsu [un vieux pre-dreadnought de 20 000 tonnes] (...) Ces tests avaient montré que des scores de neuf coups au but sur neuf piqués étaient chose courante".
Cependant, en juin 1944, dans les mêmes conditions d'attaque et sur le même navire lui aussi transféré à Bornéo, "le nombre de coups au but dépassa alors rarement un pour neuf piqués. Il était impossible pour nos jeunes sortant tout droit des écoles d'acquérir en quelques semaines, voire quelques jours, le niveau que leurs aînés avaient mis des années à atteindre" (1)
(1) Fana de l’Aviation, H.S. 3 page 77
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