jeudi 7 mai 2009

2251 - les Canons de Paris

... du 23 mars au 09 août 1918, soit en 140 jours, environ 400 obus de 210mm seront tirés vers la capitale française, qui sera touchée à 351 reprises par trois "Wilhelm-Geschütz" que les Allemands, pour d'évidentes raisons, rebaptiseront bientôt "Canons de Paris" mais que les Français, bien à tort, qualifieront de "Grosse Bertha" (1)

Si le fait de pouvoir tirer d'une distance comprise entre 90 et 120 kilomètres stupéfie effectivement le monde entier, et pas seulement les Français - qui vont mettre plusieurs semaines à y croire (2) - on ne peut pas dire que les résultats de ces tirs soient à l'avenant.

400 obus en 140 jours, cela ne fait même pas 3 obus par jour, ni même 1 obus par canon. Bien sûr, l'obligation de changer chaque tube après 65 coups, et celle de déménager les canons en entier au gré des attaques et contre-attaques des uns et des autres, tout cela force régulièrement les artilleurs allemands à ralentir ou à suspendre carrément les tirs pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Mais il n'empêche que même au summum de leur activité, soit du 05 au 09 août, les "armes à Guillaume" ne tireront qu'à 64 reprises, soit à raison de 13 obus par jour, et de 4 obus par canon.

Encore ces obus relèvent-ils bien davantage de l'action psychologique que de l'efficacité guerrière. La nécessité de maintenir le poids et les dimensions du canon dans des limites encore acceptables a en effet contraint les ingénieurs de Krupp à se contenter d'obus de 210mm, soit à des projectiles d'une centaine de kilos chacun, dont environ quinze kilos d'explosif.

A moins d'un coup heureux - comme cela se produit le 29 mars, lorsque l'un d'eux frappe et provoque l'effondrement de l'église Saint-Gervais en plein office du vendredi-saint (91 morts) - pareils projectiles ne peuvent causer grand-tort (3) et visent plutôt à proclamer la supériorité germanique et à terroriser la population française qu'à obtenir un quelconque résultat militaire, fut-il limité.

De toute manière, à la fin de l'été de 1918, les jeux sont faits et les canons renvoyés en Allemagne d'où ils ne bougeront plus que pour être réexpédiés chez Krupp afin d'y être détruits, peu après la signature de l'armistice du 11 novembre.

En même temps que les pièces elles-mêmes, disparaissent aussi tous leurs plans et toute la documentation technique, ce qui permet au "Canon de Paris" d'entrer dans une légende dont il ne sortira - brièvement - que 70 ans plus tard, à la publication des recherches d'un Canadien nommé Gérald Bull...

(1) la Grosse Bertha était en réalité l'obusier de 420mm, également dû à Krupp
(2) pendant plusieurs jours, les Français croiront en effet être victimes de bombes larguées par des Zeppelin, ou même d'obus tirés par de mystérieux "canons pneumatiques" totalement silencieux et mis en oeuvre dans Paris-même par des espions allemands
(3) on dénombrera au total 250 tués et plus de 600 blessés dans la population parisienne

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